C’est intéressant de voir que les Alouettes ont enfin trouvé une façon de gagner alors que l’équipe trouvait plutôt des façons de perdre récemment.

Avec le début de saison catastrophique, on réalise à quel point cette victoire fera du bien surtout que Montréal méritait un meilleur sort en Saskatchewan. Les Alouettes l’avaient échappé sur le dernier jeu et ils ont pris leur revanche en arrachant ce duel à la toute fin. C’est un beau renversement de situation et ce sera tout un tonus pour le moral des joueurs.

Je reviens avec cet aspect, mais c’est ce qui m’impressionne le plus cette saison. Malgré les difficultés, l’attitude et l’intensité des joueurs ne diminuent pas et c’est tout à leur honneur. C’est un peu comme si c’était le dernier atout qui restait à cette équipe. On ne pouvait pas s’empêcher de se dire que le moral des joueurs aurait encaissé tout un coup avec un autre revers. La nature humaine, étant ce qu’elle est, les joueurs auraient pu commencer à se décourager.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette victoire a été soutirée de façon peu conventionnelle. Je suis convaincu que les Lions se sont réveillés en se demandant comment ils ont pu échapper cette partie. Oui, des pluies torrentielles se sont abattues sur Montréal, mais c’est plutôt la tornade Tanner Marsh qui a fait mal aux Lions.

Juste pour mettre cela en perspective, je ne connais pas beaucoup d’équipe qui ont gagné un match en donnant le ballon sept fois à l’adversaire ou bien en allouant 428 verges sur les retours (incluant les interceptions) à son opposant. C’est du jamais vu! Je ne me souviens pas d’avoir vu un aussi grand total accordé à une équipe.

Ce n’est pas tout, c’est très rare qu’une équipe l’emporte après avoir écopé de 18 pénalités pour 120 verges. Si on s’amuse un peu, les 428 verges de retour et les 120 verges sur les punitions mènent à un total de 548 verges allouées aux Lions en plus de leur attaque. On parle donc de l’équivalent de cinq terrains de football !

Ceci met encore plus en valeur le travail de l’unité défensive montréalaise. Encore une fois, elle a été placée dans des situations éprouvantes après des revirements et de longs retours de botté. Il faut vraiment vanter ce groupe qui constitue la valeur sûre des Alouettes en 2013.

Marsh en était à son premier départ, mais j’aurais tendance à dire que c’est la défense des Alouettes qui a fait paraître Travis Lulay pour un quart recrue et non le joueur par excellence de la LCF en 2011. Il a été victime de cinq sacs du quart et deux passes rabattues dont une pour une interception si bien qu’il a seulement complété 53% de ses passes. J’adore aussi le fait qu’on lui ait enlevé ses deux armes les plus dangereuses. D’abord, Andrew Harris, le porteur de ballon, qui a été limité à 19 verges sur huit courses ainsi que 32 verges par la passe sans réussir de touché. C’est toujours la base de stopper la course et la plus longue des Lions a été de 10 verges et elle appartient à Lulay. Ensuite, le receveur Emmanuel Arceneaux, M. Gros Jeu chez les Lions, n’a cumulé que 61 verges sans franchir la ligne des buts. La défense des Oiseaux a concédé un seul jeu explosif (30 verges ou plus) au cours de la partie ce qui est excellent.

Au football, on entend souvent parler de l’importance de gagner la bataille du premier essai pour mieux prévoir ses intentions par la suite. Je suis allé gratter un peu et j’ai remarqué que les Lions ont obtenu 24 occasions en premier essai et ils ont perdu du terrain huit fois pour un total de 51 verges en plus de commettre une interception et de n’amasser aucun gain à deux reprises. Ça veut dire que les Alouettes ont pulvérisé leur menace 11 fois en 24 tentatives. Sur les 13 autres fois, ils ont récolté un total de 96 verges. Si on soustrait les 51 verges perdues, on arrive à un maigre total de 45 verges pour une moyenne de 1,9 verge par tentative en 1er et 10. C’est une domination impressionnante des Alouettes.

Pour y arriver, on s’entend que tous les joueurs ont dû contribuer, mais je veux tout de même souligner la contribution d’Aaron Lavarias qui excelle depuis deux matchs depuis qu’il a succédé à Ejiro Kuale. Il a terminé le match contre les Lions avec six plaqués et deux sacs du quart.

J’apprécie grandement la puissance avec laquelle la défense des Alouettes frappe tout ce qui bouge, et ce, dans la légalité. On parle de plaqués percutants et l’adversaire souffre sur le terrain. On ne peut nier qu’il s’agit d’une victoire d’équipe, mais j’ai beaucoup aimé que la défense ait pu garder le fort notamment au quatrième quart alors que Marsh a été victime de trois de ses quatre interceptions.

À la suite de ses deux interceptions en fin de partie, la défense montréalaise n’a concédé qu’un premier jeu aux Lions. L’attaque de la Colombie-Britannique n’a pas été foutue d’en profiter! Si elle avait gagné un seul premier jeu supplémentaire, elle aurait écoulé le temps et quitté Montréal avec le gain. Pour une offensive qui désire être prise au sérieux, l’unité des Lions a raté son coup.

La révélation de Marsh

Du côté de l’attaque des Alouettes, parlons tout de suite du héros de la soirée. Pour les amants de la NFL, je vous mets en garde de ne pas partir en peur avec la comparaison « amusante » qui suit. Vers la fin du match, Denis Casavant m’a soulevé le fait que Marsh lui faisait penser à un autre numéro 4 par son style et ses qualités. Il faisait référence à Brett Favre et je trouvais cela intéressant. Marsh possède aussi un bon bras, il ne protège pas toujours bien le ballon, il aime lancer dans les zones profondes, il a couru un peu partout sur le terrain, il a la mémoire courte après ses erreurs et il récolte des bénéfices avec des gros risques. On veut juste s’amuser et on comprend qu’il ne s’agit que d’un match, mais son style était aussi désinvolte et il était prêt à tout pour gagner la partie.

C’était agréable de voir qu’il ne se laisse pas affecter par ses erreurs et il garde confiance en ses moyens puisqu’il a quand même surmonté ses six revirements (quatre interceptions et deux échappés).

Durant le camp d’entraînement, je me souviens que le directeur général – et entraîneur - Jim Popp avait indiqué aux journalistes que Marsh possède un élément incalculable dans son jeu. Ça se ressent, ça se voit dans son comportement et ce fut indéniable contre les Lions. Voilà pourquoi j’ai aimé la comparaison de Denis.

Les Alouettes de MontréalIl faut quand même mettre son travail en perspective car il n’a complété que 43% de ses passes (14 en 32). Sur ses 329 verges aériennes, il a réussi des bombes de 86, 57, 52 et 35 verges pour un total de 230 verges ce qui constitue 70% de ses gains en quatre passes complétées. La ligne demeure donc mince entre le succès et l’échec. Il a quand même prouvé la puissance de son bras et un certain doigté pour compléter des jeux explosifs. Je ne peux pas m’empêcher de songer au coordonnateur offensif Doug Berry qui raffole des longs jeux.

Marsh possède les ingrédients pour viser de telles passes. En plus d’une grande vélocité, tu dois être en mesure de gagner du temps ce qui passe souvent par la mobilité. On s’entend qu’Anthony Calvillo ne dispose pas de ces deux cartes dans son jeu. Berry devait donc avoir un petit sourire en coin en voyant cela tandis que Marc Trestman préférait plutôt les courts gains. Si on peut établir l’analogie avec le baseball, Trestman optait pour les simples et les doubles alors que Berry adore les circuits, mais ça peut mener à des retraits.

Je retiens aussi que la Colombie-Britannique vient de se faire battre pour une deuxième fois cette saison par un quart réserviste après un revers contre Zach Collaros des Argonauts. Les Lions s’étaient juré de ne plus se faire prendre par un jeune quart inexpérimenté. Mais ce n’est pas évident puisqu’ils ont fait connaissance avec Marsh sans avoir pu le décortiquer sur vidéo. Ainsi, tu ne connais pas ses forces, ses faiblesses, ses tendances, ses feintes et sa rapidité. Il a notamment fait avaler une tasse de café à Solomon Elimimian, l’un des meilleurs joueurs défensifs de la ligue. Marsh a profité du fait qu’on a sans doute sous-estimé ses capacités.

Également, j’ai adoré sa gestuelle et sa confiance sur le terrain. Il a même eu recours à des feintes de passe pour faire mordre la défense des Lions. Les visiteurs devaient être sous le choc car ils n’avaient rien anticipé de cela.

J’ai aussi apprécié la formation « six pack » utilisée avec Marsh. Je ne parle pas ici de six bières, mais bien de six receveurs! Cette stratégie devient encore intéressante avec un quart mobile et ce schéma force l’adversaire à procéder à un choix. La première fois, les Lions ont décidé de garder seulement cinq joueurs dans le front défensif ce qui a permis à Marsh de déployer le jeu d’attiré puisqu’un avantage numérique existait pour lui en compagnie de ses cinq joueurs de ligne.

Quand la situation s’est représentée sur le touché de S.J. Green, les Lions n’ont pas voulu se faire avoir une autre fois et ils ont envoyé six joueurs dans la boîte défensive. Par conséquent, les six receveurs se retrouvaient dans des batailles à un contre un. Lorsque ça se produit, le quart doit trouver la confrontation la plus avantageuse et c’était celle de Green contre le secondeur extérieur Adam Bighill. Ça démontre que le football s’avère parfois des mathématiques et ça clarifie les décisions pour les quarts.

Je dois souligner le travail de la ligne offensive des Alouettes même si elle a perdu un autre morceau en Michael Ola. Anthony Barrette a fait son entrée dans le match et l’unité s’est bien débrouillée. Ce fut une performance plus qu’honorable malgré quatre sacs du quart. Je trouve que ça ne représente pas bien leur prestation et je considère que la ligne se débrouille drôlement bien en dépit de tous les blessés.

Bien sûr, je ne peux pas éviter de vanter la contribution du receveur Éric Deslauriers dans ce gain. Il a capté quatre passes pour 101 verges, mais il s’est surtout illustré avec deux passes pour 78 verges sur la dernière séquence. Son attrapé spectaculaire avec 1,9 seconde à écouler a donné la victoire aux siens. Je suis content pour lui parce que sa production n’est pas énorme depuis quelques saisons et il n’est pas souvent impliqué. Il a échappé le ballon à quelques occasions importantes et il ne ressort pas trop du lot, mais on doit lui donner beaucoup de crédit cette fois.

On se souvient qu’il avait capté la passe de touché quand Calvillo a battu le record de cette catégorie, mais sa réception décisive devient sûrement la plus importante de sa carrière. Je ne veux pas tomber dans le dramatique, mais il a peut-être sauvé la saison de son équipe. Une autre défaite crève-cœur aurait pu anéantir le moral et entraîner la formation dans une spirale vers le bas.

Vous ne serez pas surpris que le débat du poste de quart-arrière sera relancé avec l’éclosion de Marsh même si je m’attends à revoir Calvillo à son poste quand il sera rétabli. J’en conviens, Marsh a été excitant et spectaculaire en donnant de l’espoir à son groupe. C’est impossible de ne pas apprécier une telle partie, mais il a été victime de six revirements et son taux de complétion de 43% n’est pas extraordinaire.

Il faut rappeler que c’est toujours plus facile pour un jeune quart de s’amener en relève que d’amorcer une rencontre. La preuve s’avère d’ailleurs Josh Neiswander qui avait mieux fait quand il a remplacé Calvillo contre les Roughriders. Le boulot devient moins périlleux parce que tu arrives souvent quand le match est hors de portée ou que le partant en arrache ou se blesse. Tu ne ressens donc pas la pression du partant et tu as pu observer le plan de match défensif de l’autre équipe. Tu discutes avec le coordonnateur et tu essaies d’élucider cette situation si bien que tu profites des ajustements.

Peut-être que vous me voyez venir, puisque je l’avais déjà suggéré avec Adrian McPherson, j’aimerais qu’on utilise Marsh à quelques occasions dans les matchs à l’image des Tiger-Cats qui envoient Dan LeFevour dans la mêlée même si Henry Burris demeure le partant. LeFevour dispose d’un petit cahier de jeux pour déstabiliser l’adversaire. Ainsi, la défense adverse doit se préparer pour deux athlètes différents et ça pourrait devenir une option intéressante pour développer graduellement un nouveau quart à Montréal.

Marsh a démontré sa mobilité ce qui pourrait mener à des jeux que Calvillo ne peut pas tenter. Je pense à des courses à contre-courant du quart, déplacer la pochette, lancer en mouvement… Ça deviendrait un casse-tête d’employer deux quarts différents ce qui aiderait Marsh à obtenir plus de répétitions officielles.

À l’image des gardiens du Canadien, ce sujet est chaud à Montréal. Il ne faudrait pas se surprendre que Calvillo reprenne son poste, mais la performance de Marsh pourrait forcer les Alouettes à modifier leur approche.

L’étincelle de Carrier et une générosité coûteuse

Terminons avec le marchand de vitesse Tyron Carrier qui a récolté 274 verges sur les retours de botté en plus d’un touché. Il a quand même sauvé l’honneur des unités spéciales qui ont connu une autre sortie pénible. Ils ont concédé leur quatrième touché de la saison à l’adversaire sur les retours et on disait que c’était catastrophique l’an dernier avec trois.

Tyron Carrier à droite et Jerome Messam.Au moins, Carrier (le no 35 sur la photo) a aidé son groupe et il est devenu en quelque sorte la bougie d’allumage en deuxième demie en amorçant le tout avec un retour intéressant. Il a permis à Marsh et aux Alouettes de prendre leur élan. 

Il faut quand même mentionner que les blessures ont clairement affecté le rendement des unités spéciales. Je choisis seulement trois jeux pour illustrer le tout. Patrick Lavoie, qui devait remplacer Martin Bédard, a effectué une mauvaise remise qui a coûté deux points. Ensuite, B.J. Scott a écopé d’une pénalité sur un dégagement des Lions qui ont pu continuer leur séquence et inscrire un touché. Finalement, sur la feinte de dégagement des Lions, Jamahl Knowles n’a pas surveillé Anton McKenzie qui s’est transformé en receveur pour capter la passe de Paul McCallum.

C’est une sélection rapide, mais ça prouve l’impact des blessés. Scott et Knowles disputaient d’ailleurs leur premier match dans la LCF et ils avaient eu un seul entraînement pour se préparer en raison de la semaine courte.

Je conclus sur une note négative. Ce n’est pas vrai que les Alouettes pourront gagner plusieurs matchs en se tirant dans le pied ainsi. Ils se situent au dernier rang pour les ballons échappés et les interceptions commises ainsi qu’au sixième échelon pour les pénalités. Lors des trois derniers matchs, les Oiseaux ont été victimes de 17 revirements ! On parle de sept contre Toronto, trois contre la Saskatchewan et sept contre la Colombie-Britannique. C’est loin d’être une recette gagnante de donner 17 séquences offensives supplémentaires à l’adversaire en trois parties. Dans un match régulier, une équipe possède justement autour de 15 à 20 séquences à l’attaque si bien que la défense se retrouve à avoir joué quatre matchs au lieu de trois.

En ce qui concerne les pénalités, ça permet à l’adversaire de continuer ses séquences, ça tue souvent les tiennes et ça procure un bon positionnement à ton opposant tout en affectant le tien. Les Alouettes ne sont pas assez bons présentement pour se montrer si généreux sur le terrain.

*Propos recueillis par Éric Leblanc