MONTRÉAL – « Ça ne peut pas être lui! Ce serait étonnant, on dirait qu’il est bedonnant. » Voilà la pensée qui a traversé l’esprit de tous les partisans et journalistes qui cherchaient Nik Lewis, sur le terrain, lors du lancement du camp d’entraînement des Alouettes, l’an dernier.

Mais non, ce n’était pas une erreur. Lewis était bien ce receveur au physique pas du tout orthodoxe. L’Américain était pourtant bien connu après ses 11 saisons consécutives – dont 9 d’affilée de plus de 1000 verges par la passe – dans l’uniforme des Stampeders de Calgary.

C’est simplement que sa charpente de cinq pieds dix pouces et 240 livres – vous pouvez parier sur plus - en surprend plus d’un de près.

Toutefois, en l’espace de quelques jeux, les observateurs ont rapidement compris pourquoi Jim Popp a décidé d’accorder sa confiance à Lewis qui venait de conclure deux saisons moins productives à Calgary.

Blessé en 2013, Lewis n’a pu disputer que sept parties avec des gains de 400 verges. En 2014, c’est un pépin à une cheville qui a freiné ses ardeurs à 377 verges en 13 matchs.

De son propre aveu, il n’était pas rétabli à 100% à sa première campagne avec les Alouettes. Malgré tous les déboires du club – et particulièrement au poste de quart-arrière – il a conclu le calendrier 2015 avec 743 verges par la passe.

C’est ici que ça devient intéressant. Lewis, qui est âgé de 34 ans, prétend qu’il a retrouvé toute sa puissance et son agilité impressionnante pour sa carrure.  

Si vous ne le croyez pas sur parole, sachez qu’il vient de réussir son deuxième match de plus de 100 verges cette saison. À le voir gambader sur la pelouse et bousculer les joueurs du Rouge et Noir d’Ottawa – dont Antoine Pruneau – on dirait qu’il avait rajeuni de quelques années.

Cette prestation n’est pas étrangère à une discussion qu’il a initiée avec les entraîneurs. Même si son gabarit détonne au sein du groupe, Lewis n’est pas différent des autres receveurs. Il veut recevoir le ballon aussi souvent que possible et il l’a fait savoir.  

« J’ai demandé à être plus impliqué et ce fut le cas la semaine dernière, mais j’ai réussi les jeux », a admis Lewis, sans détour, qui ne croit pas que son corps tiendra le coup jusqu’à 38 ans comme Geroy Simon ou Milt Stegall.

« La nature du sport veut que les receveurs souhaitent être visés plus souvent et c’est encore plus vrai quand on perd parce qu’on veut aider l’équipe », a ajouté Lewis prouvant que sa demande n’était pas égoïste.

Mis au courant de la révélation de Lewis, le coordonnateur offensif, Anthony Calvillo, a ajouté des détails.

Bâtir une séquence heureuse

« Il disait qu’il sentait qu’il pourrait être plus impliqué. Ainsi, on a eu une bonne discussion à propos de ce qu’on attendait de lui et des choses qu’on croyait qu’il peut exécuter. À partir de là, le tout a progressé. C’est un compétiteur, il veut contribuer. Il comprend qu’il n’est plus le receveur étoile de son équipe à ce stade de sa carrière, mais il saisit ses occasions. »

« Il se croyait capable d’aider notre équipe davantage et c’est ce qu’il a fait », a vanté Calvillo qui avait bâti un plan de match impeccable contre Ottawa.

Évidemment, Lewis ne passe pas inaperçu dans le nid des Alouettes. Il est un peu comme le l’oisillon le plus bruyant du groupe à moins que ce titre ne revienne à Duron Carter.

À ce propos, le secondeur Kyries Hebert a sorti son sens de l’humour pour expliquer la manière dont Lewis convainc le quart-arrière Kevin Glenn à lui lancer le ballon.  

« Nik est le cochambreur de Kevin alors il s’occupe aussi très bien de lui sur la route. Il lui fait de la magie noire pour l’inciter à lui lancer le ballon plus souvent. Sinon, il le menace de l’étouffer dans son sommeil avec un oreiller », a rigolé Hebert.

Curieux de la discussion, Glenn s’est approché pour ajouter son grain de sel.  

« Oui, il me fait de l’hypnose pour me dire de lui envoyer le ballon dans les matchs », a blagué Glenn.

« Vous vous souvenez de la publicité avec Penny Hardaway et sa petite poupée qui lui parlait. Nik est ma petite voix qui ne me lâche pas en haut de mon oreille pour me dire des choses », a taquiné Glenn. 

Gros, mais agile et intelligent

Ses coéquipiers ne s’en cachent pas : quand ils ont rencontré Lewis, ils ont été stupéfaits par son apparence.

« La première fois que je l’ai vu, je me suis dit : il est gros ! », a admis Hebert, qui détient un physique de mannequin, en pouffant de rire.

«  Mais c’est un playmaker et rien de moins qu’un futur membre du Temple de la renommée. La qualité de son jeu n’a jamais diminué. Il est toujours capable de se démarquer parce qu’il est intelligent. De plus, quand il capte le ballon, tu es assuré d’obtenir six verges de plus parce qu’il est si difficile à freiner », a-t-il décrit.Shane Herbert et Nik Lewis

Lorsque Hebert évoque l’habileté de Lewis à compléter des jeux importants, ses passes captées pour des premiers jeux viennent tout de suite en tête. Les Alouettes se tournent souvent vers lui pour les jeux déterminants.

Ce n’est pas pour rien que Lewis se classe au quatrième rang de la LCF pour les passes menant à des premiers jeux (avec un total de 18).

« Il a toujours eu de bonnes mains, il a toujours été une cible très sécuritaire pour capter le ballon. Il attrapera probablement encore des ballons avec autant d’aisance lancés par ses enfants ou ses neveux quand il aura 60 ou 70 ans », a prédit Glenn sur son char d'assaut préféré. 

Humble, Lewis explique les raisons de son succès avec un argumentaire démontrant son intelligence sportive.

« Le truc, c’est que je connais bien le sport, ce n’est pas si difficile comme jeu », a répondu Lewis avec un énoncé que certains athlètes ne peuvent pas utiliser. « En autant que je me sente bien physiquement, je suis capable d’exécuter des jeux. »

« J’ai toujours été un grand fan de lui pour ce qu’il peut faire sur le terrain et dans un vestiaire avec ses qualités de meneur. Il accumule les verges depuis déjà tant d’années et il obtient maintenant plus d’occasions de se faire valoir tout en sachant en profiter. C’est un professionnel de premier plan, c’est lui qui mène notre attaque », a statué Calvillo.

Même en ayant appris à connaître Lewis depuis plus de 12 ans, Glenn est encore épaté par quelques aptitudes de son coéquipier.   

« C’est à quel point il est athlétique et agile. Ça ne se fait pas ce qu’il peut faire avec son physique!

« Il manœuvre si bien autour des joueurs pour se démarquer et il se défait de tant de plaqués. Voilà peut-être une chose qu’on peut tous présumer qu’il réussira avec sa corpulence ! Je sais que l’ensemble de son œuvre épate plusieurs personnes », a relaté le quart-arrière qui l’a aussi comme coéquipier à Calgary pendant deux saisons.

Un des rares qui n’a pas peur de s’exprimer

S’il a tout pour plaire aux partisans, Lewis est également du bonbon pour les journalistes. Reconnu pour son franc-parler, il n’hésite jamais à livrer le fond de sa pensée ce qui est devenu trop rare.

« Vous entendez la même bullshit de la part de tous les autres et vous devez remplir des pages de journaux de votre cru parce que personne ne vous dit la vérité outre moi », a exprimé Lewis avec toute son honnêteté.

Pas plus timide dans le vestiaire, Lewis est reconnu comme un meneur très volubile.

« Je crois que l’équipe répond bien à mon leadership. Mais je ne fais pas que parler, je m’assure d’aller jouer à la hauteur de mes commentaires », a maintenu l’athlète originaire du Texas qui s’intéresse au métier d’entraîneur.Nik Lewis

Calvillo et Glenn se considèrent heureux de pouvoir miser sur lui.

« Je pense qu’il maintient l’unité au sein de notre attaque et particulièrement dans le groupe de receveurs. On a de jeunes joueurs qui veulent le ballon et qui ne sont pas toujours contents, mais il a déjà vécu ça et il s’assure que le calme règne. Il aide les entraîneurs », a remercié AC.

« D’abord, c’est un meneur par ses actions sur le terrain. On parle d’un receveur qui bloque des ailiers défensifs, ce n’est pas rien comme sacrifice. On voit ça très rarement au football professionnel.

« Il fait aussi sentir son influence en parlant, c’est un athlète qui parle beaucoup. Il dit parfois des choses que d’autres personnes ne veulent pas dire. Ça prend une variété de meneurs au sein d’un groupe, c’est celui qui parle le plus », a mentionné Glenn avec le sourire.

La réputation de Lewis a fait le tour de la LCF plusieurs fois. Popp n’a donc pas hésité à l’embaucher pour relancer sa carrière.

« Il est très déterminé, il possède cette mentalité qu’il va gagner toutes les batailles dans lesquelles il s’engage. Il joue son rôle et il est prêt à le faire, c’est une autre raison de son succès. C’est pourquoi on l’a amené ici, il n’y a personne d’autre comme lui; il est unique », a conclu Popp.