Le véritable cauchemar des Alouettes sur le terrain des Lions de la Colombie-Britannique s’est poursuivi samedi. Tout le monde était conscient de l’historique peu reluisant à Vancouver, et la défaite de 41-5 fait en sorte qu’à leurs quatre derniers matchs en Colombie-Britannique, les Montréalais ont été lessivés par une marge de de 163-30 par leurs adversaires. Trois de ces revers ont été subis avec des entraîneurs-chefs différents à la barre de l’équipe.

Heureusement d’une certaine façon, car il faut bien gagner une certaine perspective et s’accrocher à quelque chose malgré la raclée, ce n’est pas la première édition des Alouettes à avoir connu une cuisante défaite au BC Place. Au fil des ans, on a maintes fois entendu que les insuccès s’expliquent par le long périple et par les difficultés qu’engendre le décalage horaire. Cette fois-ci s’ajoutait le fait que la troupe de Tom Higgins s’apprêtait à entamer une semaine de congé.

Dans une telle situation, les joueurs peuvent avoir la tête ailleurs, préoccupés à faire des réservations de billets d’avion ou à planifier un voyage à l’extérieur de Montréal. Certains d’entre eux commettent l’erreur de se croire en congé trop tôt, ou celle de se dire, consciemment ou non : « Le moment serait mal choisi pour me blesser, puisque je serais obligé de retourner à Montréal afin de recevoir des traitements de physiothérapie au lieu de profiter de mes vacances ». Est-ce que ça pourrait avoir ralenti les ardeurs des joueurs, moins prêts qu’à l’accoutumée à se sacrifier pour la cause collective? Pour un receveur de passes, la tentation est-elle grande de ne pas étirer les bras lorsqu’un attrapé doit être effectué en plein trafic? C’est l’une des explications possibles. Même son de cloche du côté défensif. Est-ce qu’on se sent moins disposé à tout mettre en œuvre pour réaliser un plaqué? Possiblement.

Des leçons ont été tirées

Il reste néanmoins, et je l’ai toujours dit, que les Lions possèdent une bonne équipe. Il ne faut surtout pas écarter cette donnée de l’équation puisque c’est la raison principale de la victoire des hommes de Mike Benevides, malgré le rendement pitoyable des Alouettes. Les Lions ont une organisation solide en place depuis plusieurs années, et il s’agit d’une équipe très bien dirigée. Dès les premières minutes samedi, les Lions ont semblé plus prêts à engager le jeu physique et plus préparés à aller à la guerre. C’est une évidence qu’ils avaient tiré des leçons de la défaite subie au Stade Percival-Molson plus tôt cette saison, ne serait-ce que par rapport à la protection offerte au quart Kevin Glenn.

À Montréal, le vétéran s’était fait brasser par le front défensif des Alouettes. Cette fois, on avait des réponses au blitz montréalais. On a réussi par différentes manières à contenir la pression, parfois par une protection à sept joueurs, souvent par l’ajout du porteur de ballon et du centre-arrière. À d’autres moments dans le match, on a carrément proposé des formations comportant deux ailiers rapprochés, ce qui force nécessairement le joueur défensif à parcourir une plus grande distance pour contourner la ligne.

On a également vu les Lions faire bouger la pochette de temps à autres. C’est une variation intéressante qui permet de changer l’endroit à partir duquel le quart décoche ses passes. Les passes pièges ont aussi été utilisées afin d’empêcher le blitz de connaître du succès. Les Lions ont causé leur lot de dommages en dégainant rapidement et en remettant le ballon à Andrew Harris, un joueur explosif. J’ai même vu une technique mettant à profit l’aspect physique des receveurs de passes, notamment les demis insérés, qui revenaient à la toute dernière seconde offrir une protection supplémentaire. La protection maximale, à mon avis, a généralement raison du blitz des Alouettes jusqu’à ce que ceux-ci s’ajustent et présentent une pression à trois ou à quatre joueurs. Et c’est encore plus efficace lorsqu’on ne peut pas identifier, d’un jeu offensif à l’autre, qui procurera la protection additionnelle au quart. Parfois, c’est le porteur de ballon, et le jeu suivant c’est le demi inséré, tandis que le porteur quitte le champ-arrière et se positionne pour réaliser un jeu offensif.

Bref, on dit de l’entraîneur de la ligne à l’attaque pour les Lions, Dan Dorazio, qu’il est l’un des meilleurs du circuit. En plus de limiter les Als à trois sacs du quart et de les garder constamment sur le qui-vive, ses ajustements ont permis aux Lions d’amasser 153 verges au sol et de totaliser près de 500 verges, en plus de marquer cinq touchés. Force est d’admettre que Dorazio a mis le doigt sur des solutions qui allaient permettre au jeune, mais talentueux groupe de joueurs qu’il a sous la main de rebondir de belle façon.

Des plaqués ratés à la dizaine

Les Alouettes n’ont jamais été en mesure samedi de trouver réponse à la passe latérale rapide de Glenn à Stefan Logan. Jumelée à des blocs impeccables, la Colombie-Britannique a remporté avec cette tactique bataille après bataille pour attaquer le périmètre.

Défensivement, ç’a été un match ardu, il va sans dire. C’était peut-être annonciateur des choses à venir, mais rappelons que sur le tout premier jeu de l’affrontement, Chip Cox a raté ce qui semblait être un sac assuré aux dépens de Glenn. Trois jeux plus tard, Jerald Brown ratait à son tour un plaqué à sa portée sur une simple passe dans le flanc pour finalement concéder un gain de 33 verges à Harris. C’est frustrant pour un coordonnateur défensif d’assister à un tel spectacle, puisqu’il sait que la stratégie est la bonne, mais que l’exécution manque cruellement de tonus.

Sur deux des trois majeurs inscrits par Emmanuel Arceneaux, les demis défensifs des Alouettes (Billy Parker sur le premier, Brown sur le second) se trouvaient au bon endroit, mais ne se sont pas ajustés suffisamment à la trajectoire du ballon pour empêcher le receveur adverse de réaliser ces fameux « attrapés contestés ». Plus costaud et combatif, le receveur gros format a eu le dessus sur ses couvreurs pratiquement à chaque occasion.

Lors du troisième et dernier touché d’Arceneaux, il a dû gagner une bataille à un contre un avec Marc-Olivier Brouillette pour ensuite filer vers la zone des buts. Je ne suis à peu près certain que les entraîneurs montréalais ne voudront pas voir se répéter un tel scénario à l’avenir. Ceci n’est pas un désaveu envers Brouillette, mais plutôt un constat inévitable ; généralement, on ne souhaite pas que notre maraudeur se mesure à la meilleure cible de l’équipe rivale.

En situations de deuxième essai et neuf verges ou plus à parcourir, on a notamment alloué des gains de 16 et 33, 14, 15 et 35 verges aux Lions. Résultat net de cette accumulation de premiers essais : la défensive montréalaise a passé énormément de temps sur la surface de jeu, incapable de stopper ces séquences. Ainsi, en première demie seulement, les Lions ont déployé 36 jeux offensifs, contre 21 pour les Alouettes. Somme toute, cela crée un effet boule de neige, une situation problématique dont il est difficile de s’extirper.

L'attaque aérienne en un mot : Pitoyable

Évidemment, c’est une bosse dans l’armure des Alouettes. Tout ce qui a fonctionné contre eux peut être étudié sur bande vidéo par les autres formations afin de bloquer et de contrer les schémas défensifs montréalais aussi bien que les Lions l’ont fait.

Puisque l’attaque tarde à trouver son rythme en ce début d’année, la défensive dispose de très peu de marge d’erreur et se trouve quasiment condamnée à exceller pour offrir aux Alouettes une chance de l’emporter. En ce sens, espérons que l’élément fierté sera au rendez-vous au prochain match pour le groupe dirigé par Noel Thorpe.

Il faudrait vérifier, mais je n’ai pas le souvenir d’avoir vu, dans la Ligue canadienne de football, une attaque récolter 45 verges par la passe dans une partie. J’ai été estomaqué de ce manque flagrant de cohésion. On voit fréquemment les équipes en obtenir autant sur la première séquence offensive. Ce fut le cas la semaine dernière pour les Als (72 verges) contre les Blue Bombers de Winnipeg.

Autant Troy Smith que ses receveurs de passe semblaient perdus sur le terrain. Le quart ne savait pas où lancer, ses cibles n’arrivaient pas à se démarquer. Est-ce que c’est parce qu’on était incertain de ce que les Lions adoptaient comme plan de match? Était-on incapable de détecter les couvertures de passes lors des tracés? Il y a de quoi rester songeur.

Ce qui m’a le plus déçu, c’est de voir à quelle fréquence Smith a manqué de clairvoyance samedi. De remettre le ballon du mauvais côté à son porteur, je trouve déjà cela inquiétant. Ça devient pire quand ces erreurs d’inattention s’ajoutent à de bêtes échappées lors de remises, et à des pertes de verges inutiles sur des jeux décousus alors que l’option la plus valable était de se débarrasser du ballon. Je reste aussi perplexe lorsque je vois le quart des Als conserver le ballon la fraction de seconde de trop alors que le bloc exécuté par sa ligne à l’attaque demande clairement qu’il dégaine rapidement.

J’en conviens, aucun quart n’est parfait en termes de précision ou de prise de décisions. Au-delà de ça, ce sont d’autres bévues qui tôt ou tard dérangent et mènent à la remise en question suivante : « Prend-t-il tout ça au sérieux? Est-il préparé? Connaît-il bien le livre de jeux? Met-il  véritablement les efforts afin de faire tourner le vent de côté? »

Dès la première séquence offensive des Als, Smith a donné un avant-goût de ce à quoi on assisterait avec deux passes incomplètes suivies d’un dégagement.  Au retour de la mi-temps, pratiquement le même scénario : une passe d’une verge, suivie d’une deuxième ratée. Ce n’est rien de rassurant pour l’état-major en la position de quart-arrière, qui est des plus névralgiques, doit-on le rappeler. Higgins a d’ailleurs concédé qu’il s’agissait d’un méchant pas en arrière après les résultats satisfaisants de l’attaque contre Winnipeg.

J’ai toujours eu pour philosophie qu’on ne change pas de quart au beau milieu d’un match parce qu’on tire de l’arrière au pointage, mais plutôt parce que l’attaque n’est pas à la hauteur. Et Smith était nettement la raison principale des déboires. Je m’explique difficilement qu’on ait patienté aussi longtemps avant de sortir le crochet et d’insérer Tanner Marsh dans la mêlée. Peut-être était-ce pour ne pas miner la confiance de Smith, mais celle-ci doit être déjà ébranlée. Au final, des décisions délicates s’annoncent dans ce dossier. Ça continuera d’être un sujet chaud au retour du congé.

Quand tout va mal...

Le point tournant de la rencontre s’est produit à mon avis en fin de deuxième quart. En possession du ballon et accusant un déficit de 13-3, les Alouettes avancent jusqu’en milieu de terrain. Une passe incomplète mène à une contestation de Higgins, qui lance son mouchoir, ayant cru apercevoir de l’obstruction à l’endroit de l’un de ses receveurs. On a toutefois jugé les reprises vidéo non concluantes. Lors du jeu suivant, les Lions ont bloqué un botté de dégagement. S’en est suivi un touché dur à avaler pour les Als.

Rien ne dit que Montréal aurait ajouté des points si la décision des arbitres avait été renversée, mais on sentait pour l’une des rares fois dans le duel que l’attaque générait quelque chose. Puisque les Alouettes n’ont pas une attaque conçue pour le football de rattrapage, leurs chances de victoire à 20-3 est déjà passablement amoindries.

Ce qui est encore plus déplorable dans le déploiement de cette séquence, c’est que les Lions, sans doute effrayés que les Alouettes tentent un jeu truqué sur troisième essai, ont laissé leur défensive sur leur terrain. Et pourtant c’est cette dernière, avec une pression à quatre joueurs, qui a bloqué le botté de Sean Whyte. Une telle crampe au cerveau, c’est épouvantable! On peut définitivement conclure que rien ne fonctionne quand ce genre de jeu se produit…

Lorsqu’on prend du recul pour faire un portrait d’ensemble, on s’aperçoit que le revers au BC Place rend encore plus enrageante la défaite de 34-33 contre les Bombers, un match qu’on aurait dû mettre hors de portée et éventuellement gagner. Un rendement de 2-2 malgré la dégelée subie samedi aurait changé non seulement la perception, mais aussi la dynamique d’équipe. À 1-3, l’un des rares éléments positifs qu’on puisse retirer est le fait que les autres formations dans l’Est ne sont pas plus avancées, avec une victoire en poche chacune. Il ne reste plus qu’à souhaiter qu’un réveil surviendra après cette humiliation.

Et pourtant, malgré tout la vague d’acharnement que pourrait déclencher une prestation aussi honteuse, il demeure impératif d’évaluer la situation avec la tête froide. Sincèrement, je ne me suis jamais aligné avec un joueur qui a déclaré solennellement avant un match « Aujourd’hui, je vais être pourri sur le terrain! » Je crois fermement que tout athlète professionnel possède au moins une once de fierté, et c’est pourquoi je m’efforce de ne pas dresser un portrait trop fataliste de la situation. Aux Alouettes maintenant de démontrer qu’il y a lieu de croire en leur capacité de rebondir…

*Propos recueillis par Maxime Desroches