MONTRÉAL – On vous propose de jumeler deux activités idéales pendant la période d’isolement de la COVID-19, pourquoi ne pas regarder l’excellent film de football Any Given Sunday tout en jouant en même temps à Trouver Charlie afin de repérer Robert Gordon, l’entraîneur des receveurs des Alouettes de Montréal.

Bien plus pour ses aptitudes sur le terrain que celles devant la caméra, Gordon a eu le bonheur de participer à ce film réalisé par Oliver Stone en 1999 auprès de grands noms du cinéma comme Al Pacino, Cameron Diaz, Dennis Quaid, Jamie Foxx et des légendes du football Jim Brown et Lawrence Taylor.

Gordon a hérité d’un rôle de joueur « complémentaire » pour ce tournage qui aura duré sept mois. C’est donc possible de l’apercevoir à quelques occasions à l’écran et c’est savoureux d’apprendre comment il a abouti dans la distribution de ce film qui a été un succès en particulier grâce à l’intensité ressentie dans les scènes de football et les dialogues.

« Après la saison 1997, j’ai quitté (les Eskimos) Edmonton pour jouer dans l'équipe de Jay Gruden avec les Predators d’Orlando (AFL) en 1998 et c’est à ce moment que le film The Waterboy (Le porteur d’eau) a été tourné si bien que plusieurs joueurs des équipes d’Orlando et de Tampa Bay ont participé à ce tournage. L’année suivante, des auditions ont été organisées avec 400 joueurs pour Any Given Sunday, ils ont retenu 45 candidats et j’ai pu faire partie de ce groupe », a raconté Gordon avec amusement au RDS.ca.​

Gordon ne campe pas le rôle d’un joueur vedette, mais c’est notamment lui qui effectue la célébration de lancer le ballon comme une grenade après une passe de touché de Willie Beamen quand il commence à s’illustrer aux commandes de l’attaque.  

« On me voit auprès d’Al Pacino aussi sur les lignes de côté. J’ai fini par obtenir un rôle avec des répliques. À vrai dire, je reçois encore des chèques de cette expérience de 1999 donc ce fut plutôt bien pour moi! », a convenu le sympathique allié de Khari Jones.

« C’était ma première expérience et c’était vraiment génial de travailler avec Cameron Diaz, Jamie Foxx, Dennis Quaid, Al Pacino et Jim Brown. On finissait par se connaître. Je me souviens que Cameron Diaz m’a posé beaucoup de questions sur le football et qu’Al Pacino jouait aux échecs tous les jours. On a pu les faire rentrer dans notre monde du football, ils s’informaient auprès de ceux qui connaissent ce milieu. Bref, ils nous accordaient ce respect.

C’était vraiment enrichissant à faire surtout que je n’ai pas été seulement figurant », a souligné Gordon quand on l’a relancé sur cette occasion spéciale.  

Si cette manne professionnelle ravissait les joueurs de football, c’était loin d’enchanter Gruden qui a accédé à la NFL en 2002.

« Jay était fâché parce qu’on venait de gagner le championnat en 1998 et on s’était tous rendus là-bas. Il voulait qu’on remporte le titre une deuxième année consécutive, mais ils nous payaient 300 $ par jour pendant sept mois alors qui refuserait ça! Ça grimpait à un minimum de 1200 $ la journée quand tu avais une réplique », a révélé Gordon qui avait suggéré à Gruden de venir se trouver un rôle au lieu d’en vouloir à ses joueurs.

La décision de Gordon n’a pas été mauvaise du tout. En plus de poursuivre sa carrière sur le terrain, il a été en mesure de participer à quelques autres films de football comme We Are Marshall (avec Matthew McConaughey), Invincible (avec Mark Wahlberg), Second String (avec Doug Flutie) et The Game Plan (avec The Rock). 

« C’était en quelque sorte devenu mon métier pendant la saison morte », a précisé l’homme de 51 ans.

« Bien sûr, il faut vraiment s’établir à Los Angeles pour que la carrière décolle. Je ne pouvais pas le faire, j’ai une famille dont je dois m’occuper. Ma famille aurait dû être coincée dans une seule pièce parce que je n’aurais pas eu assez d’argent pour me payer un logement plus vaste là-bas », a décrit Gordon qui n’oublie jamais d’ajouter une touche d’humour.  

L’intérêt était toutefois présent chez lui et rien ne dit qu’il ne tentera pas sa chance de nouveau.

« Mes enfants sont plus vieux donc je vais y jeter un coup d’œil. J’ai encore des contacts avec quelques personnes, certaines d’entre elles font très bien là-bas et ils aimeraient que je tente ma chance », a admis Gordon qui a d’ailleurs raté une superbe chance autrefois.  

« J’étais même supposé de jouer la doublure pour XXX, Vin Diesel. Il semblerait que je lui ressemblais un peu quand j’étais au meilleur de ma forme. À un moment donné, il a exigé plus d’argent et il avait été remplacé durant un certain temps. Je trouvais qu’il était en train de ruiner nos deux carrières! », a dit en souriant celui qui est une machine de conditionnement physique.  

Évidemment, Gordon n’est pas devenu riche avec de petits rôles comme ceux-ci, mais il reçoit encore quelques surprises agréables par la poste à l’occasion. Les chèques varient autant que de 1,50 $ jusqu’à 5000 $.

Quand la fiction rattrape la réalité 

Nul doute, son rôle le plus important a été celui dans Any Given Sunday, mais il conserve aussi de précieux souvenirs de We Are Marshall et Second String.

« Un jour, c’était l’heure du dîner avec les autres sur le plateau. J’ai salué Matthew (McConaughey) et il m’a lancé "Hey Coach, comment ça va?" même si aucune caméra ne tournait. Il tenait à conserver son personnage et plusieurs acteurs préfèrent cette approche pendant tout le tournage d’un film », a noté Gordon qui a pu conseiller la production de ce film pour les scènes sur le terrain en vertu de son expérience.

Que dire de sa participation fascinante à Second String.  

« Ça s’est passé à Toronto. Doug Flutie était dans ce film, on était les Bills de Buffalo. C’était si drôle parce que j’ai appartenu aux Bills et j’ai été libéré. Mais j’ai également été avec les Argonauts. Je me retrouvais donc à Toronto, dans mon ancien vestiaire, dans un uniforme des Bills, mais pour tourner un film, c’était un peu surréaliste de penser à ce hasard. D’ailleurs, j’avais même demandé de pouvoir m’installer dans mon ancien casier ! », a témoigné celui qui a joué 13 saisons au football professionnel avant de devenir entraîneur.

Son passage au cinéma l’a même mené à travailler pour l’univers fantastique de la lutte auprès de la WWE. Il devait parcourir l’Amérique du Nord pour dénicher de nouveaux talents. Son patron était nul autre que Triple H, mais les voyages incessants étaient trop exigeants et il a dû renoncer à ce mandat lucratif. Ça ne l’empêche pas de référer quelques noms encore aujourd’hui.

Certains lecteurs s’en souviendront, mais Khari Jones son grand ami est un passionné de théâtre et un comédien à ses heures. C’est dans ce milieu qu’il a rencontré sa femme.

« Khari est, de loin, le meilleur acteur entre nous deux. Il a quand même étudié dans ce domaine. Il est un vrai acteur tandis que j’ai juste eu la chance de m’immiscer dans ce milieu. J’ai tout simplement fait plus de films que de théâtre comparativement à lui. Mais c’est merveilleux qu’il doive payer pour venir me voir jouer dans un film », a réagi Gordon qui aime le taquiner.

Pour l'instant, la COVID-19 n'affecte pas tant les Alouettes

En ce qui concerne les choses plus sérieuses, Gordon se console en se disant que la pandémie de la COVID-19 ne brime pas tant le travail des entraîneurs des Alouettes jusqu’à présent outre l’annulation des journées d’évaluation.

Selon ses dires, Jones est en avance sur la préparation exigée pour la saison. De son côté, Gordon suit de près les démarches de ses protégés, les receveurs.

« Je parle à mes joueurs chaque semaine pour s’assurer qu’ils sont en pleine forme, ils m’envoient des vidéos et ils m’expliquent ce qu’ils font. Ils sont tous venus au camp organisé par Vernon (Adams fils) », a-t-il indiqué.

Il demeure aussi en contact avec Quan Bray, un dossier sur lequel les développements n’ont pas circulé dans les médias.

« Je lui ai parlé, il s’entraîne et c’est tout ce que je sais. Je lui souhaite le meilleur, c’est un bon jeune. S’il peut revenir, je m’attends à une très grosse saison de sa part. On fait des erreurs dans la vie et je serai toujours là pour lui. Je suis une ressource pour eux, le football m’a tellement donné dans la vie que j’essaie d’être là pour eux », a mentionné Gordon dont le fils est âgé de 26 ans ce qui l’incite à bien protéger ses joueurs.

Il ne reste qu’à savoir ce qui adviendra du camp d’entraînement et du début de la saison régulière avec les nuages noirs qui planent.

« On en parle, mais on ne contrôle pas ce scénario. Ça fait simplement qu’on se prépare encore plus pour compenser si des complications survenaient. En ayant joué dans la LCF plusieurs années, plus rien ne me surprend désormais. J’ai vu des équipes fermer et tout. Peu importe ce qui arrivera, je sais que les Alouettes peuvent surmonter les défis », a conclu Gordon.