Un manque de ressources inquiétant chez les Alouettes
Alouettes samedi, 28 oct. 2017. 17:14 dimanche, 15 déc. 2024. 01:10C’est un bon défi cette année de faire des chroniques sur les Alouettes de Montréal et de trouver des angles différents. Après 10 défaites d’affilée, tout a presque été dit. Ce sont toujours les mêmes choses qui reviennent, mais il y en a une en particulier que je redoutais et qui s’est produite vendredi.
Les Roughriders de la Saskatchewan sont une équipe très talentueuse qui compte sur beaucoup de joueurs athlétiques et de rapidité. Une des facettes dans laquelle je trouvais que la Saskatchewan pouvait vraiment avoir un avantage, c’est sur les unités spéciales. Évidemment, les débuts de Taylor Russolino au poste de botteur favorisaient les Riders, mais même en dépit de ça, les Riders étaient déjà parmi les meilleurs du circuit dans toutes les catégories de retours de botté et de couvertures de botté : ils sont no 1 pour les bottés d’envoi, no 1 pour les couvertures de bottés d’envoi, no 2 pour les bottés de dégagement et également no 3 pour les couvertures de botté de dégagement.
La raison pourquoi je souligne ça, c’est que j’ai toujours pensé que les unités spéciales donnent le pouls de ton équipe en ce sens que ça donne une idée du talent et de la profondeur que tu as dans ton équipe et sur ton contenu canadien. Ce sont toutes des choses que les unités spéciales peuvent permettre d’évaluer. Les équipes qui ont beaucoup de profondeur dans leur talent et qui ont un contenu canadien solide, on va les remarquer grâce aux unités spéciales. Oui, il y a 44 joueurs en uniformes, dont 24 partants (12 en attaque et 12 en défense), mais les 20 autres sont aussi importants sinon plus. Chez les bonnes organisations, ce n’est pas uniquement les 24 premiers joueurs qui comptent, ça va du 25e jusqu’au dernier. Si quelqu’un se blesse, c’est un de ces 20 derniers joueurs qui va sauter dans l’action en tant que réserviste et qui devra faire le boulot en espérant ne pas diminuer le niveau de jeu. Les 20 derniers joueurs, ce sont eux qui, la grande majorité du temps, doivent se taper le travail sur les unités spéciales avec quelques partants par-ci par-là. Les unités spéciales donnent en bref une idée des qualités athlétiques de ton équipe de façon générale. C’est là qu’on voit que les Alouettes manquent de talent et de profondeur.
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Hier, il y a également eu 15 pénalités. En plus de ne pas être bons et de ne pas protéger le ballon, les Als ont eu un nombre élevé de punitions pour des pertes de 158 verges. Durant la rencontre, j’ai eu l’impression qu’elles provenaient principalement des unités spéciales, et effectivement, il y en a eu 9. Sur les unités spéciales, les situations de jeu ne sont pas vraiment basées sur la stratégie, mais sur ce que j’appelle du « un contre un à l’état pur ». Ce n’est pas un si grand jeu d’échecs, ce sont des confrontations à un contre un. Il faut être capable de bloquer le gars en avant de soi ou d’éviter soi-même le bloc. Ça repose beaucoup plus sur les habiletés athlétiques et le désir. Ce qui arrive si tu n’es pas assez athlétique, c’est que tu vas devoir accrocher pour faire le bloc ou suivre le jeu, ou encore faire un bloc illégal. C’est ce qui fait qu’on s’est fait battre à ce niveau toute la soirée et qu’on a eu du mauvais positionnement sur le terrain toute la soirée. En plus, les revirements en attaque ont fait que le positionnement sur le terrain était particulièrement avantageux pour la formation de l'ouest du pays. Combinons le tout à la présence d’un nouveau botteur et voilà le résultat.
Pauvre Russolino. Il a rejoint le club en provenance de San Diego alors qu’il n’avait jamais joué dans la Ligue canadienne de football. La première fois qu’il a rencontré ses coéquipiers, c’était la veille du match, et la première fois qu’il a pratiqué avec son spécialiste des longues remises et son teneur, c’était le jour du match. Ne jetons pas le blâme sur lui. Il a été bon sur ses bottés de précision mais il a eu des ennuis sur ses bottés de dégagement. Tout ça n’a pas aidé la bataille du positionnement sur le terrain. Les Riders ont bénéficié de 16 séquences offensives et ont pris le ballon à la ligne de 55 en moyenne. Les Alouettes, eux, ont eu 15 séquences offensives et ont commencé à leur ligne de 28, ce qui veut dire qu’ils avaient en moyenne 82 verges à parcourir. Une distance de 82 verges chaque fois, c’est un méchant stress pour une attaque, surtout quand tu as un quart-arrière vétéran comme Darian Durant qui joue très mal et un jeune quart-arrière comme Matthew Shiltz qui n’a pas beaucoup d’expérience et qui n’a eu que très peu de répétitions à l’entraînement. En plus, ajoutons à ça une ligne à l’attaque décimée par les blessures, ce n’est pas évident d’évaluer un quart dans ces circonstances.
Hier, on avait seulement six joueurs de ligne à l’attaque en uniforme, dont un qui est sorti sur une commotion cérébrale et deux autres qui sont tombés sur le même jeu. De ces deux-là, heureusement que Luc Brodeur-Jourdain a réussi à revenir au jeu. Il n’était clairement pas à 100 % mais est revenu pour éviter aux Alouettes une situation encore pire car un plaqueur défensif a dû jouer temporairement à l’attaque. Quand j’ai vu ça, je me suis demandé ce qui allait se passer au niveau de la ligne à l’attaque lors de la dernière partie de la saison la semaine prochaine. On a dit qu’on voulait évaluer Matthew Shiltz et Antonio Pipkin, mais c’est dur d’évaluer un quart si on n’a pas de ligne à l’attaque car c’est cette dernière qui permet à l’attaque de se déployer. Je suis allé vérifier les noms des joueurs de ligne offensive sur l’équipe de pratique, mais il n’y en a aucun. Même que les Alouettes n’ont que trois joueurs sur l’équipe de pratique au total, comparativement à 15 pour les Riders.
J’ai hâte de voir s’il va falloir activer des joueurs de la liste des blessés, s’ils sont capables de jouer, mais ça va affecter le plafond salarial car leur salaire va compter sur la masse. Clairement, les Alouettes veulent sauver de l’argent et c’est un peu particulier comme situation. Si un joueur décide de revenir pour quelques pratiques et un match seulement, à quoi bon? En tout cas, ça reste des spéculations de ma part, mais on semble vouloir sauver ses sous et ça va être tout un casse-tête de mettre en place une ligne à l’attaque vendredi prochain face aux Tiger-Cats de Hamilton. C’est pas mal chaotique, c’est une situation que j’ai rarement vue.
De plus, quand tu n’as que trois gars sur l’équipe de pratique, ça veut dire que les gars sur la formation pour chaque match doivent en plus se taper toutes les répétitions à l’entraînement. Normalement, des joueurs défensifs vont jouer le rôle de la défense adverse pour préparer l’attaque, et des joueurs de l’attaque vont jouer le rôle de l’attaque adverse pour préparer la défense. Ce sont habituellement les réservistes, pour ne pas brûler tes partants. Que va-t-il donc se passer à l’entraînement cette semaine? Je comprends qu’on veuille sauver des sous, mais on veut quand même préparer l’équipe aussi…
Enfin, on a vu hier que les Riders ont quand même dominé. Ils ont cafouillé à la fin de la première demie quand Bakari Grant a fait le fanfaron en célébrant ce qu’il croyait être un touché avant de se faire rabattre au sol et de perdre le ballon à la porte des buts. Ça aurait donc pu être encore pire. Quand j’observais l’entraîneur adverse Chris Jones sur les lignes de côté, il n’avait pas l’air de se sentir très menacé. La preuve, les Riders ont lancé deux passes de touché en troisième essai. Ils n’avaient pas peur de rater leur coup et de prendre des risques, ne craignant pas la réplique des Moineaux. Chris Jones est un homme confiant et il dégage d’ailleurs toute cette confiance. Il savait qu’il avait la meilleure équipe et l’équipe la plus talentueuse.