La défaite des Alouettes aux mains des Blue Bombers de Winnipeg samedi n’a rien de dramatique. Au contraire.

Alors que la place de l’équipe en éliminatoires est déjà acquise, tout comme le deuxième rang dans l’Est, elle se veut plutôt un rappel à l’ordre opportun à trois semaines de la fin du calendrier régulier.

Ce revers a en effet le mérite d’exposer les correctifs à apporter dans le camp montréalais. En voici quelques-uns :

ContentId(3.1341780):LCF : Alouettes 24 - Blue Bombers 35 (football)
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1 – Quelle est l’identité de l’attaque des Alouettes?

Si les Blue Bombers ne laissaient planer aucun doute quant à leur philosophie offensive samedi – le jeu au sol avant tout –, l’attaque montréalaise entretenait quant à elle le mystère. Le contraste n’aurait pu être plus flagrant.

L’identité des Alouettes était pourtant limpide en début de saison. Par leurs actions et leurs propos, joueurs et entraîneurs avaient clairement établi que leurs succès offensifs passaient par le contrôle du ballon et du temps de possession en privilégiant avant tout le jeu au sol et en évitant les revirements. À cela étaient saupoudrées des passes ici et là, notamment sur des feintes de jeu au sol. Tout cela avait beaucoup de sens quand on regarde de quelle façon cette formation a été bâtie.

Or, comme je l’ai déjà écrit dans cette tribune, il est à se demander si l’attaque n’a pas été aveuglée par les récentes  performances électrisantes du quart-arrière Vernon Adams fils. Oui, Adams amène dynamisme et spectacle à l’attaque grâce ses aptitudes singulières, mais la constance n’est pas toujours au rendez-vous. Son brio se résume parfois à quelques gros jeux, quelques longues séquences, un bon quart ou encore une bonne demie.

D’où l’importance de revenir à l’essence même de cette attaque. Le pain et le beurre.

C’est ce qu’on fait les Bombers samedi avec 34 courses et 25 passes. Voilà la recette gagnante des Bombers et ils n’y dérogent pas.

ContentId(3.1341781):LCF : Les Blue Bombers obtiennent vengeance sur les Alouettes
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2 – La chance tourne pour Adams

Combien de fois cette saison ai-je à la blague lancé qu’Adams est béni et chanceux, qu’il aurait dû être victime de multiples interceptions? Ses receveurs l’ont souvent sauvé du pétrin avec des attrapés spectaculaires, quand ce n’était pas les demis défensifs adverses qui échappaient les ballons.

Sa chance a tourné samedi.

J’aime qu’il voue une confiance aveugle à ses receveurs, notamment Eugene Lewis. On n’a qu’à se rappeler du match contre les Stampeders de Calgary, alors qu’en deux occasions il a lancé dans des doubles couvertures et Lewis en est ressorti avec le ballon. On se demandait alors comment cela était-ce possible.

Adams est revenu à la charge à Winnipeg, mais cette fois, il n’a pu échapper aux interceptions. Quand tu joues avec le feu, tu finis par te brûler.

Adams ne peut revenir de Vegas les mains pleines chaque fois. Cette défaite contre Winnipeg en est la preuve probante et Adams se doit d’en tirer les leçons qui s’imposent. Comme tout bon quart qui vient de lancer quatre interceptions, Adams risque donc de porter une oreille encore plus attentive aux directives des entraîneurs cette semaine dans la salle vidéo. D’autant plus qu’il a paru mêlé par moments samedi, entre autres lorsqu’il s’est débarrassé d’un ballon vers l’arrière. C'était une passe latérale; un échappé. Une méchante crampe au cerveau à l'image de la rencontre qu'il a connue.

Des quatre interceptions dont il a été victime, deux ont eu lieu en situation de premier essai et 10 verges à franchir. S’il s’agit du dernier jeu d’un match, je vais toujours accepter une interception parce que tu es obligé de forcer le jeu quand tu tires de l'arrière. Ce n’est pas le cas en 1er et 10.

Adams a d’abord lancé une interception dans une double couverture. Sur la deuxième interception, sa passe était derrière le receveur et donc plus près du demi défensif. Il en a aussi lancé une dans la zone des buts alors que Jake Wieneke était pourtant couvert par deux opposants et que Félix Faubert-Lussier semblait libre dans la zone courte. Puis, sur la dernière interception, Adams est tombé dans un piège similaire alors que l’attaque se retrouvait dans la zone payante. Ressentant sans doute le besoin de forcer le jeu dans une situation de football de rattrapage, il n’avait d’yeux que pour un seul receveur.

Bref, cette défaite se veut un rappel à l’ordre opportun pour Adams et les Alouettes alors que se profilent à l’horizon les éliminatoires. Vaut mieux apprendre maintenant qu’en demi-finale de l’Est.

3 – Une ligne à l’attaque amochée

On se doutait bien que la blessure du bloqueur à gauche Tony Washington allait peser lourd sur la ligne à l’attaque des Alouettes et c’est  précisément ce qui s’est produit. Cette absence fait très mal au front offensif montréalais.

Adams n’a pu profiter d’une protection optimale face aux Bombers. En remplacement de Washington, Kennedy Estelle disputait un premier match depuis 2016. Dans ces circonstances, on ne peut demander de miracles. Sur certains jeux, il a bien paru, alors que sur d’autres, il a très mal paru, si bien qu’il ne jouait plus en fin de rencontre. L’équipe n’a pas précisé si c’était en raison de ses contre-performances ou d’une blessure.

Les problèmes récurrents de la ligne à l’attaque, qu’on pensait avoir réglés cette saison, pourraient refaire surface en raison des blessures. Il s’agit là d’un dossier prioritaire à surveiller chez les Alouettes, qui ont déployé 29 combinaisons différentes l’an dernier. Après ce fiasco, la ligne à l’attaque était enfin stable. Sans Washington et avec Sean Jamiesen qui joue avec une épaule amochée, il sera intéressant de voir si les Alouettes sauront tenir le coup. Car tout le monde sait que sans une bonne ligne à l’attaque, il est très compliqué de connaître du succès au football.

4 – Un désastre total

Une autre étoile pour Super Mario Alford!

Oui, Mario Alford a ramené un retour de botté dans la zone des buts sur une distance de 90 verges, mais outre cette réussite, la performance des Alouettes sur les unités spéciales au 3e quart a été un désastre total.

Le touché de Wieneke, qui procurait une avance 17-15 aux Alouettes, aurait pu servir de tremplin vers la victoire. Après tout, les Alouettes ne sont-ils pas une « équipe de deuxième demie »?

Sur le botté d’envoi qui a suivi, les Alouettes ont plutôt alloué un retour de 74 verges, suivi d’un placement. Les Bombers ont alors repris les commandes au tableau indicateur. Puis, sur la séquence suivante, alors que les Oiseaux sont contraints de dégager, Boris Bede renonce sous pression à effectuer son botté et se fait plaquer. Résultat : les Bombers reprennent possession du ballon à la ligne de 30 des Alouettes et en profitent pour réussir un autre placement qui porte le score à 27-17.

Le momentum dont venaient de s’emparer les Alouettes s’est alors vite évaporé.

Le pire, c’est que sur le dégagement raté, les Bombers n’ont pas fait usage d’une grande stratégie. Il y avait quatre joueurs pour bloquer quatre joueurs. Or, un joueur des Bombers s’est ajouté à la dernière seconde, ce qui a semblé suffire à semer la confusion chez les Alouettes.

Je ne sais trop si Bede aurait pu s’échapper vers sa gauche – je n’ai jamais effectué de botté. La seule solution est peut-être de faire abstraction de la pression qui s’amène et de botter coûte que coûte en espérant une pénalité pour rudesse. Reste que le problème demeure la protection.

5 – Plier sans casser... Oui, mais...

Les Blue Bombers privilégient le jeu au sol. C’est leur identité. Encore plus quand l’attaque est dirigée par le quart-arrière Chris Streveler. Le mandat de l’unité défensive des Alouettes était donc fort simple : stopper le jeu au sol.

Les Bombers ont néanmoins couru à 34 reprises pour des gains de 240 verges, soit un peu plus de 7 verges en moyenne par course. Pour espérer l’emporter face aux Bombers, il est impératif de ne pas les laisser dicter le tempo et contrôler le temps de possession pendant 35 minutes comme ils l’ont fait.

Plier sans casser, c’est bien, mais il y a un effet pervers à cela. Tu ne casses peut-être pas, mais parce que tu plies, l’adversaire contrôle le temps de possession. L’attaque des Alouettes a ainsi obtenu moins de temps de possession et n’a donc pu prendre son rythme. C’est sans compter que la fatigue gagne la défense en fin de match, si bien qu’elle accorde quelques gros jeux qu’elle n’aurait normalement peut-être pas concédés.

La défense a néanmoins tenu le fort pour l’attaque, privant notamment des Bombers de points en fin de première demie avec une interception. Puis, au troisième quart, malgré les cafouillages des unités spéciales et l’interception d’Adams, ils n’ont alloué que trois bottés de précision plutôt que trois touchés. Si bien que les Alouettes n’accusaient que 7 points de retard après trois quarts.

***

Malgré ce portrait peu élogieux du dernier match des Alouettes, il est important de noter que les Alouettes n’ont perdu que par 11 points. Avec quelques correctifs ici et là, les Alouettes demeurent une équipe dangereuse.

Les éliminatoires au football, c’est l’histoire d’un match et non pas un 4 de 7. Tout est possible une fois qu’on y participe et à la lumière de cette défaite face aux Bombers, les Alouettes ont maintenant le luxe d’identifier ce qui cloche afin d’améliorer leurs chances.

*Propos recueillis par Mikaël Filion