Plus que jamais cette saison, les Alouettes ont maintenant raison de croire en leur potentiel.

Quand tu bats 43-19 une équipe de qualité comme le Rouge et Noir d’Ottawa, c’est que beaucoup de choses ont bien fonctionné. Ce n’est pas compliqué, tout le monde a contribué.

Chose certaine, cette victoire fait sans doute le plus grand bien à l’organisation montréalaise qui, espérons-le, saura maintenant aligner quelques victoires. Car bien que pas parfaite, cette performance face au Rouge et Noir vendredi soir montre que les Alouettes ont la capacité de dominer l’adversaire dans les trois facettes du jeu.

À l’attaque d’abord, il importe de souligner le bon travail du vétéran quart-arrière Kevin Glenn, qui a su rebondir après une fin de match atroce ponctuée de deux interceptions presque successives face aux Eskimos d’Edmonton une semaine plus tôt.

Lancer cinq passes de touché comme il l’a fait aux dépens du Rouge et Noir, c’est exceptionnel. Non seulement a-t-il conclu la rencontre avec cette statistique avantageuse à sa fiche, il n'a de plus raté que cinq de ses 30 passes tentées.

De toute évidence, le plan de match des Alouettes reposait donc sur le bras de Glenn, comme le montrent les 19 jeux aériens tentés en première demie contre seulement quatre courses. Ça en dit long sur la confiance du personnel d’entraîneurs envers Glenn malgré sa contre-performance de la semaine dernière.

Avec un temps de possession sensiblement pareil à celui du Rouge et Noir, c’est-à-dire environ 30 minutes, la formation montréalaise a su prendre son rythme, tout en enchaînant jeux offensifs et premiers essais.

Cela a aussi permis à l’attaque montréalaise d’atteindre ce que j’appelle le deuxième niveau de stratégies. Au football, on peut conditionner l’adversaire à certains déploiements offensifs, si bien que lorsqu’il pense anticiper le jeu à venir, il est possible de le surprendre en passant à ce deuxième niveau.

L’attaque a par ailleurs été en mesure de bien distribuer le ballon, si bien que huit receveurs différents ont capté au moins une passe. Une telle diversification a plus d’un avantage. D’abord, cela force la défense adverse à surveiller tout le monde, tous les receveurs et tout le terrain de peur d’être prise à contre-pied.

C’est sans compter que lorsque les joueurs sortent du caucus, chacun d’entre eux a raison d’être enthousiaste, car ils possèdent tous une vraie chance d’être l’heureux élu à qui le ballon sera destiné. Tous les joueurs sont ainsi encouragés à se défoncer encore plus. C’est l’effet d’entraînement.

S’il en est un qui a entraîné ses coéquipiers sans son sillage, c’est bien Nik Lewis. Le gros numéro 8, on le sait, n’est pas un marchand de vitesse, mais il reste très difficile à rabattre au sol.  Sur les 102 verges qu’il a gagnées face à Ottawa, 68 ont été grugées après l’attrapé. Il faut souvent bien plus qu’un joueur pour le freiner. Parlez-en à Antoine Pruneau qui s’est souvent retrouvé en situation de un-contre-un avec lui dans le flanc…

Bien conscients de cet avantage, les Alouettes ont su l’exploiter en plusieurs occasions grâce aux mouvements des receveurs avant la levée du ballon. Alors que trois receveurs, dont Lewis, étaient alignés d’un côté, deux d’entre eux coupaient vers le centre et attiraient avec eux leurs couvreurs. Lewis filait quant à lui vers l’extérieur, où il était bien souvent confronté qu’à un seul joueur, surtout Pruneau. Lewis n’est toutefois pas le seul receveur des Alouettes à avoir malmené la défense ontarienne.

Avec deux touchés, Duron Carter a de son côté agi au lieu de parler. Le talent du grand receveur est indéniable et quand il ne se laisse pas gagner par les émotions comme ce fut le cas lors du premier duel entre les deux formations plus tôt cette saison, il peut faire la différence. C’est ce qu’il a fait vendredi soir. Comme quoi les actions sont beaucoup plus fortes que la parole.

B.J. Cunningham et Corbin Louks  ont aussi réussi de gros jeux importants. Sur les cinq touchés marqués par les Alouettes dans cette rencontre, quatre ont été l’oeuvre de receveurs différents.

Ce bon travail de l’attaque n’a pas fait que le bonheur des partisans montréalais. La défense des Alouettes s’est sans doute elle aussi montrée reconnaissante au terme de la rencontre.

Enfin du support pour la défense

Ne passer « que » 30 minutes sur le terrain, il n’y a rien là pour la défense montréalaise, plutôt habituée à passer de 37 à 38 minutes en moyenne par match sur la pelouse.

C’est ainsi que celle-ci a pu se mettre à chasser et déranger le quart-arrière adverse de plus en plus à mesure que le match avançait. Forcé de jouer du football de rattrapage, le Rouge et Noir a encaissé un total de sept sacs du quart.

Alouettes 43 - Rouge et Noir 19

De façon générale, la défense de Noel Thorpe a su limiter les dégâts, si ce n’est que des trois longs jeux alloués. Ces deux passes de touché de 48 et 58 verges et un autre relai de 39 verges représentent à eux seuls 42 % des 322 verges amassées par le Rouge et Noir dans ce match.

Menant à 16 des 19 points marqués par le Rouge et Noir dans cette rencontre, ces trois jeux auraient pu avoir une tout autre incidence si le match avait été plus serré, mais il était illusoire de croire que les Alouettes allaient blanchir leurs rivaux.

Toute l’unité défensive a donc bien joué et on comprend de plus en plus pourquoi les Alouettes ont choisi de privilégier un système défensif de type 3-4. Les performances du secondeur Kyries Hebert donnent en effet de plus en plus de sens à cette stratégie.

Au terme de ses trois premiers matchs cette saison, Hebert n’avait réussi que deux plaqués. À ses cinq derniers, il en revendique 30! Face au Rouge et Noir, il en a effectués cinq, en plus de recouvrer un échappé et de réussir un sac du quart. Une vraie machine.

Par l’intensité, la vitesse et les capacités athlétiques qu’il déploie sur le terrain, Hebert, parfois employé comme ailier défensif, offre beaucoup de polyvalence au système défensif montréalais. Il permet à l’équipe de déployer divers types de formations sans pour autant devoir changer le personnel envoyé sur le terrain.

Fera s’impose

Qui dit effort concerté dit aussi contribution des unités spéciales. À son deuxième match dans l’uniforme montréalais depuis qu’il a pris la relève de Boris Bede, le botteur Anthony Fera a lui aussi fait sa part, et ce dès le premier jeu du match.

Alors que Tristan Jackson menaçait de ramener son botté d’envoi jusque dans la zone des buts, Fera a freiné le retourneur du Rouge et Noir avec un solide plaqué.

Glenn mène les Alouettes à la victoire

L’allure du match aurait-elle été différente, n’eût été ce plaqué inespéré? Qui sait. Chose certaine, Fera ne craint pas le jeu physique, lui qui a également réussi un important plaqué sur un retour de placement raté la semaine dernière contre les Eskimos. Bref, il n’a pas peur de se mettre le nez dans le trafic.

Tôt dans la rencontre, alors qu’il est encore en quelque sorte en audition, Fera a de plus réussi un placement de 49 verges qui a ouvert le pointage. Il a peut-être raté deux transformations d’un point au cours de cette rencontre, mais il ne faudrait pas oublier qu’il a effectué des bottés de dégagement de 45 verges en moyenne, reculant notamment le Rouge et Noir à sa ligne de 1 en une occasion.

Et que dire de Stefan Logan avec sa moyenne de 23 verges sur les retours de bottés de dégagement, dont un de 71 verges réalisé grâce à un bloc percutant de Nicolas Boulay. Réalisé tout près du banc des Alouettes, ce contact a provoqué l’euphorie dans le camp montréalais.

Combinés aux six revirements provoqués par l’unité défensive, les retours de Logan ont permis aux Alouettes de gagner la bataille du positionnement sur le terrain, eux qui amorçaient leur séquence offensive à leur ligne de 48 en moyenne. Le Rouge et Noir récupérait quant à lui le ballon à sa ligne de 32 en moyenne.

Pas que des chiffres

Au-delà du succès de leurs trois unités, les Alouettes ont aussi su s’imposer dans des situations importantes qui échappent aux feuilles de statistiques.

Combien de fois cette année avons-nous déploré le fait que les Alouettes manquaient cruellement d’opportunisme? Eh bien pas cette fois.

En quatre visites dans la zone payante, la troupe de Jim Popp a marqué quatre touchés. L’instinct du tueur a notamment été au rendez-vous, alors que les Alouettes ont su profiter des gaffes du Rouge et Noir. Après l’échappé recouvré par Hebert, Samuel Giguère a inscrit un touché. Idem pour Carter à la suite de l’interception de Jonathon Mincy.

Fuyant les Alouettes depuis le début de la campagne, la chance a quant à elle effectué un retour au bercail lorsque le premier touché de Carter n’a pas été annulé malgré une pénalité d’obstruction évidente. Malgré la contestation du Rouge et Noir, le centre des commandes de la LCF n’a pas jugé que le receveur des Alouettes méritait une pénalité.

Indisciplinée depuis le début de la saison, la troupe de Jim Popp a par ailleurs écopé que de six pénalités pour 55 verges seulement. De loin le match le plus discipliné des Alouettes cette année.

Finalement, les Alouettes ont su se lever dans l’adversité. Malgré la passe du désespoir d’Henry Burris captée dans la zone des buts sur le dernier jeu de la deuxième demie, qui réduisait alors l’avance des Alouettes à sept points, ils  n’ont pas été assommés et ont ensuite remporté la deuxième demie 20 à 3 au chapitre des points.

L’attaque montréalaise a également su se sortir du pétrin en deux situations critiques de deuxième essai et très, très long (2e et 19, 2e et 25) en réussissant deux jeux de passe de 25 et 27 verges qui ont ultimement mis la table à des touchés de Cunningham et Brandon Rutley.

Bref, quand les choses ne fonctionnaient pas pour eux, les Alouettes ont su se replacer en position de contrôle. Reste à voir s’ils ont repris le contrôle de leur saison et si c’est cette version des Alouettes que nous verrons vendredi prochain face aux Blue Bombers de Winnipeg.

*Propos recueillis par Mikaël Filion