Non, ce premier match n’a pas été parfait. Mais dans les circonstances, Dan Hawkins et ses hommes peuvent dire mission accomplie.

Est-ce que les Alouettes ont gagné? Oui. Est-ce que l’équipe a fait plus de bonnes choses que de mauvaises? Oui. Est-ce qu’il y a place à amélioration? Oui.

Ça n’a peut-être pas été facile pour les Montréalais, qui l’ont emporté à l’arraché 38-33 face aux Blues Bombers de Winnipeg jeudi soir, mais cela n’enlève rien à ce premier gain de la saison.

Sur le plan des émotions, les Alouettes ont eu droit à toute une balade de montagnes russes. Se forgeant une avance de 14-0 après à peine cinq minutes de jeu, les Oiseaux ont vu les Bombers s’accrocher. Je ne sais pas ce que l’entraîneur Tim Burke a pu dire à ses joueurs après la première demie, mais ce fut certes tout un discours. Winnipeg a ainsi dominé 20-1 au chapitre des points marqués au troisième quart pour subtiliser l’avance.

Dans l’adversité, les Alouettes ont cependant fait preuve de beaucoup de caractère au quatrième quart en inscrivant 14 points sans réplique. Les trois facettes de jeu – l’attaque, la défense et les unités spéciales – ont chacune contribué à ce renversement de situation.

Les Alouettes doivent maintenant rechausser les bottes de travail car il reste encore beaucoup d’éléments à peaufiner en ce début de saison. Mais pour une équipe qui disputait sa première rencontre de la campagne et qui était dirigée par un nouveau personnel d’entraîneurs sur la route, dans un environnement très hostile, c’est prometteur.

À commencer par la performance de la défense.

Au-delà des 33 points

Ça peut peut-être sembler bizarre, mais malgré les 33 points accordés, j’ai beaucoup apprécié le travail de la défense des Alouettes face aux Bombers. Elle a joué avec beaucoup d’énergie et de rapidité, en plus d’exceller sur les plaqués.  L’effet de meute, une philosophie  de jeu recherchée, était visible alors que les 12 gars sur le terrain convergeaient régulièrement vers le ballon.

Si on s’attarde aux chiffres en détail, un premier saute aux yeux : cinq. C’est le nombre de revirements que les Alouettes ont en effet provoqué. Mieux encore, chacun des trois petits nouveaux de la tertiaire – Geoff Tisdale, Byron Parker et Mike Edem – ont réalisé une interception. Les Montréalais ont de plus provoqué un échappé et freiné les Bombers sur un troisième essai. Cinq revirements, c’est assez spectaculaire merci.

À ceux-ci s’ajoutent trois sacs du quart. Le jeu au sol de Winnipeg a quant à lui été contenu à 38 verges. La défense montréalaise a de plus limité l’adversaire à 11 premiers jeux, ce qui démontre clairement que les Bombers ont été incapables de faire avancer le ballon avec constance.

Quand tu accordes moins de 300 verges au total (290) à l’attaque adverse dans une ligue comme la LCF, pourtant axée sur l’attaque, c’est tout aussi spectaculaire.

On peut même affirmer que la prestation défensive des Alouettes a été meilleure que les statistiques le laissent croire. Les Bombers ont en effet amassé une bonne partie de leurs verges sur deux jeux, un de 65 et l’autre de 45. Si on les additionne, ça fait 110 verges amassées en deux jeux. C’est donc dire qu’avec leurs 42 autres jeux tentés au cours de cette rencontre, les Blue Bombers n’ont ajouté que 180 autres verges de gains.

À première vue, 33 points alloués ça peut paraître beaucoup pour une défense, mais détrompez-vous, l’unité montréalaise a tout de même été très coriace. Le pointage ne fait pas toujours foi de tout. Je m’explique.

Des 33 points accordés par les Alouettes, sept ont d’abord été acquis aux dépens des unités spéciales montréalaises sur un retour de botté de dégagement pour un touché réussi par Demond Washington. Si on les soustrait du total, on tombe à 26.

Si on continue ce petit exercice, on peut retrancher les sept points marqués par les Bombers après avoir intercepté une passe d’Anthony Calvillo. Winnipeg a alors récupéré le ballon à la ligne de six des Alouettes. C’est pas mal plus facile d’inscrire un majeur quand tu n’as que six verges à franchir avant de mettre les pieds dans la zone des buts… On tombe à 19.

La défense a ensuite permis à Winnipeg de s’amener à huit verges de la zone des buts en accordant un jeu de 65 verges au troisième quart. Les Bombers ont inscrit un touché dès le jeu suivant alors qu’une autre courte distance les séparait de la zone payante. On tombe à 12.

On peut ensuite ajouter un placement des Bombers réussi après avoir amorcé une séquence offensive en milieu de terrain à la ligne de 55. On tombe à 9.

Ce petit exercice permet de mettre les choses en perspective. Je ne dis pas que le rendement défensif des Alouettes a été sans reproche, mais lorsqu’on gratte un peu et qu’on décortique les chiffres, on a raison de l’apprécier.

Chip Cox et Kyries Hebert n’ont peut-être pas réussi de revirements, mais cela ne les a pas empêché de faire sentir leur présence. Les secondeurs extérieurs étaient partout sur le terrain. Très impliqués, ils ont effectué de bons plaqués. Même s’il vient de changer de position en passant de maraudeur à secondeur cette saison, Hebert n’a rien perdu de sa fougue, de son énergie et de sa robustesse. De quoi intimider les opposants qui croiseront sa route.

Dan HawkinsUn effet immédiat

À l’instar de la défense, il ne faudrait pas laisser un seul touché ternir le brio des unités spéciales des Alouettes contre les Bombers.

Malheureusement, la formation montréalaise a alloué un majeur sur un retour de botté de dégagement, ce qu’elle avait fait à trois reprises l’an dernier.

Cette fois, on peut affirmer sans se tromper qu’il y avait un manque de discipline et de technique dans les corridors. Quand le retourneur s’est mis à danser, les joueurs des Alouettes se sont regroupés au même endroit. Tout ce dont avait besoin Washington pour s’échapper, ce n’était donc qu’un bloc. Quand tu t’approches du retourneur, il importe de pivoter la tête et de voir si des joueurs s’amènent pour te plaquer de côté.

Outre ce faux pas, il n’y a rien à redire. Je n’ai jamais vu les Alouettes consacrer autant de temps et d’énergie que maintenant aux unités spéciales lors des séances d’entraînement, et ça rapporte.

D’abord, les Alouettes ont marqué un touché sur un retour de botté, ce qu’ils n’avaient pas accompli ne serait-ce qu’une fois la saison dernière en 18 rencontres. Dès la première demie du premier match, ils ont mis fin à cette série d’insuccès.

En couverture de bottés d’envoi, les Alouettes ont pour la plupart du temps freiné le retourneur adverse à l’intérieur de la ligne de 30, le but premier de l’entraîneur des unités spéciales, Ray Rychleski.

Le botteur Sean Whyte a quant à lui connu une excellente soirée en réussissant chacune de ses cinq tentatives de placement. C’est sans compter qu’il a aussi brillé sur ses bottés de dégagement. Je retiens surtout celui de 51 verges, sorti à la ligne de deux des Bombers en deuxième demie. À la blague, lors de la description du match sur les ondes de RDS, j’ai lancé que ce jeu allait peut-être faire basculer le match et permettre aux Alouettes de revenir dans la rencontre. C’est exactement ce qui est survenu.

Les Bombers ont alors décidé de dégager plutôt que d’accorder un touché de sûreté. La défense montréalaise a par la suite tenu le fort. Puis, dès la séquence suivante, Calvillo a complété une passe de touché de 42 verges à S.J. Green pour rétrécir l’écart à deux points seulement.

Subitement, le doute s’est installé dans le camp des Bombers, qui ont laissé le tapis leur glisser sous les pieds au quatrième quart.

Une attaque équilibrée

On va se l’avouer d’entrée, ce ne fut pas un gros match pour l’attaque montréalaise. Équilibrée, elle a toutefois réussi les jeux lorsqu’il le fallait et c’est ce qui compte.

Avec 21 courses et 35 passes, l’attaque a offert une certaine diversité. L’équipe n’a pas oublié de courir en fin de match pour écouler le temps, ce qu’on ne faisait pas nécessairement sous la gouverne de Marc Trestman.  Des courses ont aussi été tentées en situation de premier essai afin de garder l’adversaire sur le qui-vive.

On a notamment assisté à l’entrée en scène du porteur de ballon Noel Devine. Il est évident que le nouveau coordonnateur offensif Mike Miller avait concocté une série de jeux expressément pour le petit numéro 5.

Je pense entre autres au « speed sweep » ou balayage rapide. Traversant le terrain de droite à gauche ou de gauche à droite en passant devant Calvillo, Devine s’offre en cible à son quart. Au moment de recevoir le ballon alors qu’il court vers l’extérieur, Devine a déjà pris sa vitesse, ce qui lui permet d’attaquer plus facilement les périmètres et de contourner les ailiers défensifs.

À partir de ce jeu, les Alouettes ont développé d’autres actions pour tout simplement appâter l’adversaire et faire complètement autre chose. Ce fut le cas sur le premier touché des Alouettes, réussi par Chris Jennings. Après avoir fait cette feinte de balayage à Devine, Calvillo a opté pour une latérale rapide à l’opposé et ainsi ouvrir le chemin à Jennings, qui a marqué sans difficulté.

Là où j’ai été déçu, c’est la performance de la ligne à l’attaque. Lorsque j’ai assisté aux entraînements des Alouettes avant le début de la saison, j’ai trouvé qu’on était très technique dans l’enseignement, mais qu’on ne faisait pas beaucoup d’exercices ou d’éducatifs où on frappait.

Le jeu de pieds et la position des mains ont été pratiqués amplement, mais pas les contacts.  Oui, il y a énormément de technique à maîtriser au sein d’une ligne à l’attaque, mais il y a un élément physique qui se doit aussi d’être présent.  J’avais donc hâte d’en voir les résultats lors du premier match de la campagne. Allait-on être en mesure de gagner la ligne d’engagement et de refouler la ligne défensive adverse en situation de jeu au sol?

Si on prend l’exemple de Devine, il a amassé 58 verges en 12 portées. Il y en a une de 21 là-dedans. Elle compte, je vous l’accorde, mais si on l’exclut, Devine a amassé en moyenne 3,4 verges par course. Jennings a pour sa part couru huit fois pour récolter 29 verges. Si on enlève sa plus longue course de 16 verges, il a généré 1,9 verge de gain par portée. Autant d’indicateurs qui me laissent croire que les Alouettes n’ont pas remporté la guerre des tranchées.

Anthony CalvilloCalvillo se fâche

Ce n’est aussi pas un hasard si Calvillo n’a pas connu son meilleur match. Pressé, bousculé, frappé et victime de quatre sacs, le vétéran quart des Alouettes en a vu sa précision affectée.

Il était clair que le synchronisme entre Calvillo et ses receveurs n’était pas à point. Souvent, on n’était pas certain s’il s’agissait d’un manque de précision du quart vedette ou encore d’un tracé plus ou moins respecté par son receveur visé.

Tout cela mis ensemble a fait en sorte que nous avons vu Anthony Calvillo frustré sur le terrain en quelques occasions, ce qui n’est pas une mauvaise chose.

Habituellement calme et solitaire sur les lignes de côté, Calvillo n’a pas hésité à se fâcher, sans toutefois pointer qui que ce soit du doigt. Cette dose de fougue était peut-être ce qui manquait aux Alouettes, qui ont été sans reproche par la suite au quatrième quart.

N’empêche, si on s’attarde à la distance des bottés de dégagement de Whyte, on se rend vite compte que l’attaque montréalaise a manqué d’opportunisme.

Calvillo et sa bande ont pénétré souvent à l’intérieur de la ligne de 30 des Bombers, sans toutefois en ressortir souvent avec un touché. Lors de l’avant-dernier jeu de la première demie, sur une course au centre de Jennings, ce dernier a été plaqué à la ligne de deux. Les Alouettes ont dû se contenter d’un placement avant de retraiter au vestiaire. Un touché aurait peut-être achevé Winnipeg, qui auraient alors tiré de l’arrière par 14 points.

Cet échec à la porte des buts m’a fait remarquer que les Alouettes n’avaient peut-être pas conçu une série de jeux spécialement pour les courts gains.

L’an dernier, lorsqu’Adrian McPherson s’amenait sur le terrain, le plan était clair et les Alouettes se donnaient les outils et les armes pour imposer leur loi. En ce début de saison, le nouveau personnel d’entraîneurs a-t-il voulu se consacrer davantage d’autres stratégies? Je ne sais pas. Une chose est sûre cependant, il faudra s’y attarder rapidement.  

Malgré cela, à son premier match dans la LCF, le coordonnateur offensif des Alouettes Mike Miller a néanmoins bien fait. Ce que j’ai surtout apprécié, c’est qu’il n’a pas eu peur de revenir à quelques reprises avec ses jeux qui ont bien fonctionné. J’aime les entraîneurs qui se disent : « c’est à l’adversaire de me montrer qu’il est capable d’arrêter mon jeu ».

C’est donc ainsi que Dan Hawkins a signé sa toute première victoire dans le circuit canadien. Un gain qui lui permet d’entamer le processus de validation auprès de ses joueurs. Sortis de leur zone de confort après cinq saisons sous la gouverne de Trestman, ces derniers ont obtenu jeudi une première preuve que les méthodes et stratégies d’Hawkins rapportent. C’est ainsi qu’on batit la confiance d’une équipe.

Cox et Shea Emry, deux vétérans respectés dans le vestiaire, n’ont d’ailleurs pas manqué de souligner le travail de leur entraîneur-chef en lui offrant la traditionnelle douche de Gatorade. Ça en dit long…

En terminant, je tiens à féliciter l’organisation des Blues Bombers et la ville de Winnipeg pour la construction du Investors Group Field, un véritable bijou. Il s’agit sans aucun doute de l’un des plus beaux stades du circuit. Comme l’a indiqué mon collègue Denis Casavant avec justesse, il me fait penser à une version miniature du CenturyLink Field, le domicile des Seahawks de Seattle de la NFL.

*Propos recueillis par Mikaël Filion