Une tendance lourde se dessinait depuis quelques rencontres, et celle de lundi contre les Roughriders de la Saskatchewan n’a rien fait pour l’invalider, alors que l’unité défensive a une fois de plus créé l’étincelle requise et transporté les Alouettes vers la victoire.

Comme ce fut le cas à répétition cette année, l’attaque montréalaise n’a pas marqué de points au premier quart. Rappelons-nous que lors du match précédent, un jeu clé réalisé par Chip Cox au deuxième quart – alors qu’il avait inscrit un touché après une échappée provoquée par Bear Woods – avait permis à l’attaque d’avancer dans la bonne direction et ensuite de décoller après des débuts bien modestes.

Une situation semblable s’est produite contre les Riders. Alors que la Saskatchewan menait 7-0, le blitz exécuté à la perfection par Cox a fait échapper le ballon, sur lequel s’est rué John Bowman. Avant ce moment critique, les choses fonctionnaient plutôt bien pour les Riders. Mais soudainement, les Montréalais ont marqué leur premier majeur, et les choses se sont mises à débouler en leur faveur à partir de là. À preuve, les trois derniers quarts du duel ont été outrageusement dominés par les Alouettes, par une marge cumulative de 40-2!

Et même lorsque les visiteurs avaient les devants par un touché en début de rencontre, l’unité défensive dirigée par Noel Thorpe avait bien peu à se reprocher. Après tout, les points des Riders avaient été inscrits à la suite d’un ballon échappé par Duron Carter à la ligne de 35 des Als. Les autres points ont été ajoutés lorsque la troupe de Tom Higgins a choisi de concéder deux touchés de sûreté. Au plan stratégique, j’émets certaines réserves sur la nécessité d’agir ainsi, car l’attaque des Riders était loin d’être « tout feu, tout flamme », mais ça n’a pas changé quoi que ce soit à l’issue de l’affrontement.

L’attaque au sol des Riders avait pourtant connu un début de rencontre encourageant. On avait l’impression que les Alouettes étaient disposés à sacrifier quelques verges supplémentaires par la course, préférant se méfier des armes redoutables de leurs adversaires dans l’attaque aérienne. Après tout, un groupe de receveurs comptant sur des Weston Dressler, Chris Getzlaf et Rob Bagg a de quoi semer la terreur de toute ligne tertiaire. On pensait probablement dans le camp montréalais que les remises au porteur de ballon mettaient la table pour le coup fatal via le jeu aérien. Et pourtant, ça ne s’est jamais produit. Au deuxième quart, on s’est rendu à l’évidence : avec Tino Sunseri à sa tête, l’attaque n’avait aucunement l’intention de lancer le ballon avec régularité. J’ai d’ailleurs peine à croire que les Riders aient opté pour un plan de jeu aussi conservateur.

À ce moment, la défensive des Als s’est aperçue que jusqu’à preuve du contraire, elle n’avait rien à craindre, et les ajustements effectués au front défensif ont été bénéfiques. Les fronts à cinq joueurs ont totalement menotté le jeu au sol de la Saskatchewan. Aucun jeu explosif n’a été alloué à partir de ce moment (pas de course de 20 verges ou plus, et pas de passe dépassant les 30 verges de gains). Une autre résultante immédiate a été la pluie de revirements, cinq au total, pour un ratio net de +4 à l’avantage des Alouettes. Ainsi, leur ratio cumulatif pour la saison est passé du côté positif, désormais à +2. Sans avoir fait l’exercice de fond en comble, je peux vous garantir que ce n’est pas arrivé souvent aux hommes de Higgins d’avoir un ratio positif au chapitre des revirements, donc on s’en va clairement dans la bonne direction.

Et tout ça est sans compter le faible total de 223 verges, passe et course combinées, allouées aux Riders. Bref, l’excellente tenue de la défensive mérite d’être soulignée. Précédemment à Ottawa, le Rouge et Noir avait été limité à sept points, donc elle n’a fait que bâtir sur ce qui avait été entrepris avant le congé.

Défi relevé haut la main

Du côté offensif, j’ai également des félicitations à adresser à plusieurs acteurs importants. Lundi, c’est avant tout l’exécution des receveurs qui m’a impressionné. Plusieurs gros jeux ont été réussis aux dépens d’une défensive qui avait clairement choisi de pratiquer une couverture homme à homme. Sans que ça soit dit explicitement, cette décision signifie que les demis de coin et maraudeurs mettent au défi les ailiers espacés de l’autre équipe de créer de la séparation et de l’espace. C’est aussi une invitation lancée au quart-arrière à faire preuve d’assez de précision pour repérer ces derniers à travers des couvertures serrées. En quelque sorte, c’est un peu comme une claque en plein visage des joueurs à l'attaque!

En de telles circonstances, c’est l’évidence même de s’attendre à ce que le quart complète un pourcentage plus faible de ses tentatives de passes. Cependant, ça ouvre la porte à une plus grande quantité de gains importants, et c’est ce qui s’est produit avec Jonathan Crompton et son groupe de receveurs. Le jeune général a décoché seulement 12 passes attrapées sur un total de 25, mais il a tout de même rejoint ses cibles pour des touchés de 60, 30 et 24 verges, en plus d’une quatrième à Tyrell Sutton pour 24 verges additionnelles.

Les receveurs ont fait montre de beaucoup de fierté en s’imposant lors d’attrapés contestés. Ils étaient bien conscients qu’à l’arrivée du ballon, les demis défensifs seraient à leur trousse, prêts à le rabattre. Carter et Brandon London ont été d’une efficacité exemplaire à cet égard contre les Riders.

Le type de couverture préconisé par la Saskatchewan a également créé certaines brèches prêtes à être exploitées par un quart assez alerte pour en tirer profit. Crompton a bien improvisé à quelques reprises (trois courses pour des gains de 34 verges). Pour une défensive adverse, c’est carrément démoralisant de voir le quart prendre ses jambes à son cou et obtenir de son propre chef le premier essai.

Il serait néanmoins faux de prétendre que tout fut positif dans le cas de Crompton. Depuis quelques matchs, il a été chanceux de ne pas voir certaines de ses passes interceptées. On ne peut toutefois pas constamment se fier sur les maladresses des joueurs défensifs adverses, car ce n’est pas vrai qu’ils n’arriveront jamais à saisir ces opportunités. Tôt ou tard, une passe errante de Crompton pourrait venir faire mal aux Als. Il a eu la fâcheuse tendance à jouer un seul bon quart sur quatre.

Au troisième quart lundi, Crompton a connu le meilleur quart de sa jeune carrière à Montréal, réussissant cinq de ses sept passes pour deux majeurs et des gains de 104 verges. À leurs quatre possessions, les Alouettes ont trouvé la zone des buts deux fois et mis la table pour deux placements de Whyte. Du travail bien fait!

On souhaitera voir Crompton coller plusieurs quarts solides l’un à la suite de l’autre, mais comme Higgins l’a mentionné récemment, les victoires sont prioritaires. Avec sa fiche de 5-1 depuis ses débuts comme partant, il a un argument de poids dans son coin.

Au sol, Sutton et le nouveau venu Chris Rainey ont aussi fait du boulot honnête, jumelant leurs efforts pour gagner 176 verges. Mais leur contribution s’est aussi fait sentir dans la protection du quart. Chacun leur tour, ils ont bien réagi en identifiant des situations de blitz, donnant la seconde supplémentaire à Crompton pour évaluer ses options de jeux. Sans être aussi dominant que Sutton, Rainey avait la présence d’esprit d’identifier le bon joueur. Pour un gars fraîchement débarqué dans la LCF, la transition semble avoir été franchement très naturelle, et c’est de bon augure.

Les travailleurs de l’ombre

Il ne faudrait surtout pas laisser pour contre la ligne à l’attaque dans cette équation. Contre un front défensif des plus redoutables, meneuse dans le circuit pour le nombre de sacs du quart, l’unité montréalaise n’a pratiquement pas flanché. J’ai absolument adoré, et je suis convaincu qu’il en a été de même pour les membres de la ligne offensive, la séquence sur laquelle les Als ont appelé neuf jeux au sol d’affilée, peu après la deuxième interception de Geoff Tisdale. C’était de toute beauté de les voir écouler les minutes, obtenir 74 verges et finalement marquer trois points sur un botté de précision de Sean Whyte. Quand l’objectif est d’achever l’équipe adverse, rien de mieux que ce genre de série à l’attaque pour faire le bonheur de tous dans le caucus.

Le tout s’inscrit dans un équilibre (25 passes, 29 courses) que j’ai bien apprécié entre la course et le jeu aérien. Plus souvent qu’autrement, c’est une recette gagnante pour les Alouettes, et ce match n’y a pas fait défaut.

D’ordinaire un joueur dominant, l’ailier défensif des Riders John Chick n’a même pas vu son nom figurer sur la feuille de pointage officielle tellement il a été invisible! Pas le moindre sac ou plaqué réussi en vue…  Et pourtant, il était bel et bien sur le terrain. Même à la description, on n’a pas eu l’impression d’avoir eu à mentionner le nom de Chick. C’est tout à l’honneur de la ligne à l’attaque.

Au final, ce fut une très belle journée pour l’organisation qui  réservait un honneur bien mérité à un grand joueur (et une aussi bonne personne) en Anthony Calvillo. À son façon, l’équipe a elle aussi honoré AC en jouant de manière aussi étincelante.

Ray, le prochain point de mire

Maintenant qu’on a savouré la victoire contre un Henry Burris qui semblait se chercher et une autre contre Senseri et les Riders, la prochaine étape risque de ne pas poser le même degré de difficulté. En effet, les Als devront se frotter au maître, Rick Ray, samedi à Toronto lors d’un match revêtant une grande importance à l’approche des éliminatoires.

Est-il nécessaire de rappeler que les Alouettes ne jouent pas avec autant d’aplomb lors de matchs disputés sur les pelouses adverses, comme en témoigne leur fiche de 1-5?

J’ai hâte de voir si les succès de la défensive montréalaise pourront se transposer contre un quart aussi chevronné que Ray. Chose certaine, ce sera un immense défi que les Als ont intérêt à relever. Rappelons qu’advenant une défaite contre les Argonauts, ceux-ci auraient le bris d’égalité dans le cas d’une fiche identique à la fin du calendrier régulier. Quatre matchs avant le temps, l’interrupteur a été placé en mode « éliminatoires » pour ces deux formations, tout comme les Tiger-Cats de Hamilton. À suivre!

*Propos recueillis par Maxime Desroches