Les Alouettes sont revenus de Toronto avec une victoire qui fait du bien au moral, d'autant plus qu'elle a été acquise contre un rival de section. Oui, on parle déjà des fameux matchs de quatre points, mais ce qui a surtout fait plaisir à voir, c'est que tout le monde a contribué aux succès de l'équipe, jeudi soir.

Oui, l'attaque a connu certaines lacunes et c'est vrai que la défensive a laissé les Argonauts traverser le terrain à quelques reprises, mais en général, des membres des trois facettes du jeu ont su se signaler et ce fut assez pour gagner le match. En bout de ligne, n'est-ce pas ce qui compte?

Ce qui est intéressant, c'est que les performances les plus satisfaisantes sont venues des jeunes joueurs et de quelques nouveaux. Je pense à John Bowman et Alain Kashama, qui avaient pour mission de remplacer R-Kal Truluck, et à T.J. Hill et Diamond Ferri. C'est encourageant de voir ces jeunes amener leur fougue, leur intensité et leur attitude. Ferri, par exemple, joue avec beaucoup de hargne, comme s'il était constamment sur le point de sauter une coche, mais il parvient à se contrôler. Une équipe a besoin de ce genre de joueurs; tu ne peux pas avoir douze servants de messe sur une unité défensive. Tu veux aussi des gars avec qui tu te sentirais en sécurité dans une bagarre de ruelle.

En partie grâce à cette énergie nouvelle, les Alouettes ont gagné la bataille des revirements et celle des verges au sol, des choses qu'ils ne faisaient pas depuis le début de l'année.

Jarrett Payton a connu des débuts honnêtes dans le champ arrière, mais il ne faut pas partir en peur. Un match ne fait pas une saison, dit-on avec beaucoup de justesse. Le gars n'était visiblement pas dans la meilleure forme de sa carrière, ce qui est tout à fait normal quand on sait qu'il a manqué le camp d'entraînement. En plus, dans la NFL, il avait surtout joué sur les unités spéciales. Ça faisait donc longtemps qu'il n'avait pas rempli un rôle de régulier.

Je crois aussi que c'est le cas classique du joueur qui arrive de la NFL et qui s'aperçoit que ce n'est peut-être pas aussi facile qu'il le pensait de jouer au Canada. Dans la NFL, les joueurs ont 40 secondes entre les jeux, et non 20. Le tempo est plus rapide dans la LCF et pour un joueur qui n'a pas joué depuis longtemps, ça paraît. Plusieurs autres règlements font que c'est un football bien différent de ce qui se joue aux États-Unis. Je pense qu'en se réveillant vendredi matin, Payton avait un peu plus de respect pour la Ligue canadienne.

Par contre, on a vu qu'il a apporté une dynamique plus intéressante que Robert Edwards. Le style des deux porteurs se ressemble, mais Payton est plus jeune, plus en forme, a moins de kilométrage, est moins magané… On connaît tous l'histoire d'Edwards. Avec tout le respect que je lui dois, cette année, il lui manque quelque chose. Contre Toronto, Payton a attaqué la ligne d'engagement un peu plus rapidement, avec plus d'autorité, de vigueur. Sa prise de décision était quand même rapide, il a démontré une bonne vision.

Je dois toutefois mettre un bémol. Je ne veux pas être rabat-joie, mais normalement, tous les porteurs de ballon de la Ligue canadienne connaissent leur meilleure performance contre les Argos, une équipe qui concède le jeu au sol. Edwards aurait peut-être aussi bien paru que Payton s'il avait eu sa chance. D'ailleurs, ça ne faisait pas son affaire de ne pas jouer contre Toronto, contre qui il a une moyenne de six verges par course en carrière. Il aurait sûrement aimé profiter de l'occasion pour prouver à ceux qui pensent qu'il est fini qu'ils ont tort.

Pour revenir à Payton, sa performance est encourageante, mais la semaine prochaine, il affrontera encore Toronto et la semaine suivante, ce sera contre Calgary, qui utilise un peu le même système défensif que Toronto. Quand il connaîtra des matchs de 100 verges contre les Lions, les Blue Bombers ou les Roughriders, on pourra dire que c'est du sérieux.

De plus, je demeure convaincu qu'il n'est pas le prototype idéal que les Alouettes recherchent. Pour ajouter de la diversité et du punch à leur attaque, les Alouettes voudraient un deuxième porteur plus dynamique, une sorte de Charles Roberts. Un gars qui peut changer l'allure d'un match, faire les passes pièges, les jeux d'attirés, les jeux d'options. Mike Imoh avait démontré de belles aptitudes, mais il s'est blessé. Avec les camps de la NFL qui battent présentement leur plein, ce n'est pas la meilleure période de l'année de trouver des joueurs.

Les unités spéciales

Impossible de passer sous silence la performance des unités spéciales des Alouettes contre les Argonauts.

Dans un match aussi chaudement disputé, dans une bataille des défensives, les unités spéciales ont eu un gros mot à dire dans le positionnement sur le terrain et les statistiques sont un reflet très précis de la domination des Alouettes à ce chapitre.

Jetons-y un œil.

Les Alouettes ont cumulé 259 verges au total sur les retours de bottés contre 95 pour les Argonauts. Sur les retours de bottés d'envoi, Toronto a maintenu une moyenne de 20 verges, les Alouettes 30 verges. Donc, +10 Montréal.

Sur les bottés de dégagement, les Argonauts ont conservé une piètre moyenne de deux verges par retour, les Alouettes 19. Donc, à chaque échange de bottés de dégagement, les Alouettes gagnaient 17 verges. Chaque botteur a dégagé dix fois, donc faites le calcul : c'est 170 verges nettes à l'avantage des Oiseaux. À ce chapitre, que dire de la couverture effectuée par l'unité des Alouettes sur Bashir Livingston, qui a été limité à une moyenne de 0,2 verge par retour. On parle ici de l'un des meilleurs retourneurs de la Ligue, qui, doit-on le rappeler, bénéficie d'une immunité de cinq verges chaque fois qu'il est appelé à faire son travail. Normalement, ça devrait lui suffire pour aller chercher au moins trois ou quatre verges… Mais 0,2 verge! C'est exceptionnel et pour ça, il faut lever notre chapeau à quelques joueurs qui ont joué comme de vrais animaux. Je pense à des gars comme Walter Spencer et Avon Cobourne, qui se sont défoncés et qui ont fait une grosse différence dans le match.

Ce sont des statistiques qu'on ne voit pas souvent. Noel Thorpe, l'entraîneur des unités spéciales des Alouettes, appelle ça des verges cachées. Ce ne sont pas les données qui sont le plus souvent consultées, mais elles ont un grand impact sur le résultat d'un match et elles se sont avérées un gros plus pour les Alouettes jeudi.

Évidemment, il y a aussi eu le touché de Brian Bratton. En voilà un qui prend beaucoup d'assurance et qui semble s'améliorer de match en match. Il a été excellent sur les bottés de dégagement et Ashlan Davis lui a été égal sur les bottés d'envoi. Quand je parle des jeunes qui cherchent à prendre de plus en plus de place, je crois qu'on peut ajouter ces deux-là à l'équation.

Le jeu du match

De mon point de vue, la victoire des Alouettes s'est jouée sur une séquence qui a débuté par le sac d'Alain Kashama. Il restait 2:33 au match, les Alouettes menaient 19-13 mais les Argos avaient le ballon à leur ligne de 47. Premier essai et dix.

Depuis le début de la deuxième demie, Toronto avait réussi à progresser sur le terrain grâce à plusieurs courtes passes dirigées vers les lignes de côté, déjouant la plupart du temps la couverture du demi de coin Mark Estelle.

Sur le jeu en question, le même tracé se dessinait et Estelle avait l'air déterminé à ne pas se faire prendre de nouveau. Sauf que Damon Allen a fait semblant de décocher sa passe à Rashaun Woods pendant que celui-ci feintait Estelle pour poursuivre son tracé vers les zones profondes. Woods était découvert et fin prêt à capter la passe d'Allen, mais Kashama a rabattu le vétéran quart-arrière au sol avant qu'il n'ait le temps de compléter son jeu.

Sue le jeu suivant, les Argos n'ont pu franchir les 20 verges qui les séparaient d'un premier essai et ont été forcés de dégager, seulement pour voir Bratton franchir toute la distance qui le séparait de la zone des buts sur le retour de botté.

Parlons-en, du travail de la ligne défensive…

Allen a connu un bon début de match parce que les Alouettes lui permettaient de sortir de sa zone de protection, une situation dans laquelle il est beaucoup plus à l'aise. D'ailleurs, la défensive montréalaise a fait une seule erreur flagrante au cours du match et c'est sur le touché de Jeff Johnson. Seuls ceux qui étaient dans le caucus le savent, mais tout semble indiquer que Diamond Ferri n'a pas couvert son homme dans le flanc.

Par la suite, Montréal s'est ajusté et a réussi à contenir Allen. On amenait un secondeur extérieur vers le quart et on faisait reculer un ailier défensif en couverture pour que la pression arrive un peu plus de l'extérieur. Ça semble avoir fonctionné, puisque Allen n'a pas été aussi à l'aise par la suite.

Pour utiliser cette stratégie, une équipe doit compter sur des ailiers défensifs athlétiques, mais aussi disciplinés et dédiés à l'équipe. Si on prend le match contre Winnipeg, les Alouettes ont demandé 32 fois à un ailier défensif de retraiter en couverture de passe. Après, on se plaint qu'ils ne réussissent pas assez de sacs du quart. Il ne faudrait pas oublier que pour réussir un sac, il faut en avoir l'opportunité.

Plus un joueur de ligne défensive à de chances de foncer vers le quart-arrière, plus il prendra son rythme et plus il pourra préparer sa stratégie, mettre la table. Il attaquera son vis-à-vis à l'extérieur une, deux, trois, quatre fois consécutives et puis PAF!, il va répliquer à l'intérieur quand son adversaire ne s'en attend pas. C'est impossible de travailler de la sorte quand on te demande constamment d'aller faire le travail d'un secondeur. Ce n'est pas leur spécialité, mais ils le font pour le bien de l'équipe.

Avant de réussir cinq sacs jeudi, les Alouettes n'en avaient réussi que six dans leurs quatre matchs précédents. Les membres de la ligne défensive méritent une partie du blâme, mais il faudrait prendre certaines choses en considération avant de les critiquer aveuglément.

En bref…

Contre Toronto, une équipe qui avait accordé 15 points par match depuis le début de la saison, l'attaque des Alouettes a encore péché par manque de constance. Elle a inscrit 17 points en première demie, mais seulement deux en deuxième demie.

C'est la même chose depuis le début de la saison et c'est facile de voir que l'équipe adverse a remarqué cette tendance. Elle n'abandonne jamais, a toujours espoir que les Alouettes s'écrouleront. Contre Hamilton, Montréal peut se compter chanceux que le match ne durait pas cinq minutes de plus.

Je ne peux pas mettre mon doigt sur ce qui explique cette baisse de régime - y a-t-il des ajustements à apporter ou est-ce une simple coïncidence? - mais il faut que ça arrête. Les Alouettes doivent développer leur instinct du tueur et rester forts mentalement pendant 60 minutes.

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À moins qu'il ne s'agisse d'une simple erreur de communication, Jim Popp a commis sa première erreur de coaching. Son équipe était à la ligne de 4 des Argonauts vers la fin du deuxième quart et une course de trois verges d'Anthony Calvillo a amené les troupes à la ligne de 1 pour un deuxième essai. Il y avait pénalité sur le jeu, mais plutôt que de l'accepter et de profiter de trois chances pour franchir la ligne des buts à partir de la ligne de 2, Popp a préféré y aller avec le deuxième essai à partir de l'endroit où Calvillo avait transporté le ballon.

Les Alouettes ont finalement dû se contenter du placement.

C'est dommage, parce que la semaine dernière, les Alouettes avaient eu tellement de difficulté à la porte des buts. Je leur avais alors reproché de ne pas avoir de formation typique, musclée pour cette position sur le terrain et ils l'avaient fait cette semaine avec quatre ailiers rapprochés et un centre-arrière, mais ils ne s'en sont servis qu'une seule fois.

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La ligne offensive a fait du bon travail, n'accordant que deux sacs du quart et permettant à l'attaque au sol de gagner 132 verges. Paul Lambert a bien fait au centre en remplacement de Brian Chiu. Skip Seagraves avait pris la place de Lambert sur la ligne et Jeff Perrett a remplacé adéquatement Luke Fritz quand celui-ci s'est blessé au genou.

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Comme je le disais dans ma chronique précédente, il n'y a encore rien d'alarmant pour les Alouettes. Les Lions de la Colombie-Britannique, champions en titre de la coupe Grey, ont débuté la saison dernière avec une fiche de 2-3. Mais c'est le temps pour les hommes de Jim Popp de trouver leur rythme, de commencer à coller des victoires.

Il ne faut pas oublier que les Alouettes ne sont pas encore allés dans l'Ouest et la deuxième moitié du calendrier ne sera pas facile. En septembre seulement, ils s'en iront à Vancouver, Edmonton et Regina. C'est pour ça que je dis qu'il est temps d'ouvrir tranquillement pas vite la machine, de prendre de l'assurance et démontrer de la constance.

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Bon, je pense que j'en ai assez dit pour cette chronique. Et je n'ai même pas eu le temps de vous parler de la performance des arbitres...

*Propos recueillis par RDS.ca.