Quand les Alouettes se sont lancés à la recherche d'un successeur à Larry Smith, deux ou trois noms ont été mentionnés, dont celui de Ray Lalonde qui, dès le départ, semblait fait sur mesure pour le job.

Lalonde s'était bâti une réputation enviable durant une association à la fois brillante et controversée avec le Canadien. Les grands projets de marketing à cette enseigne ont été les siens. Dès qu'une idée nouvelle surgissait dans son cerveau, il pouvait aller de l'avant avec elle sans se soucier de la facture. Le Canadien avait les moyens de satisfaire ses ambitions les plus démesurées.

Toutefois, sans vouloir lui retirer une once de crédit, Lalonde n'aurait pas joui de la moitié de cette visibilité s'il avait eu les mêmes «flashes» ailleurs. Le Canadien a fait de lui ce qu'il est devenu et Lalonde a sûrement contribué à bien faire paraître ses anciens employeurs lors des grands moments de célébrations, notamment.

Pour les Alouettes, il avait de l'attrait puisqu'il avait déjà passé deux saisons à titre de directeur des communications et de directeur des opérations football de la Machine de Montréal, dans la Ligue mondiale de football. Il avait aussi travaillé au niveau du football universitaire de la NCAA. Pour toutes ces raisons, il était le genre d'homme qu'un chercheur de tête pouvait placer rapidement au sommet de sa liste.

J'admets avoir eu des sentiments partagés à l'heure de sa nomination. Les Alouettes avaient justement besoin d'un gars d'image dans son genre. Lalonde, qui ne manquait pas d'idées en matière de slogans chez le Canadien, allait sûrement répéter le même phénomène dans ce qui était, à ce moment-là, le deuxième sport majeur en ville. On ne doutait pas qu'on entendrait parler davantage des Alouettes, autant durant le calendrier régulier que durant la saison morte.

Mais, en même temps, j'avais des doutes sur sa relation future avec Jim Popp. Ni un ni l'autre n'accepte qu'on lui dise comment mener ses affaires. De surcroît, Popp a depuis longtemps l'oreille du propriétaire Bob Wetenhall. On peut comprendre Wetenhall de ne jurer que par lui puisqu'il est probablement le meilleur directeur général que cette organisation ait connu et assurément le meilleur architecte de la Ligue canadienne depuis plusieurs saisons. Si les Alouettes sont constamment dans la course et s'ils ont participé huit fois au match de la coupe Grey depuis 2000, c'est grâce à son flair et à son acharnement au travail. Quand Popp perd un joueur, il en a toujours un autre dans sa mire capable d'effectuer le boulot avec la même efficacité.

Avec lui, le président de l'équipe a tout avantage à ne pas occuper toute la place. C'est une direction un peu désarticulée que celle des Alouettes. Le président représente la première tête dirigeante de l'entreprise, mais le vrai boss, c'est Popp.

Ramené sur terre

Lalonde est issu d'une culture différente. Chez le Canadien, la hiérarchie est respectée. S'il avait une idée de génie et que Pierre Boivin s'y opposait, sa décision était sans appel. Imbu de pouvoir, Lalonde croyait sans doute pouvoir jouir de l'autorité suprême à son tour en se greffant aux Alouettes. Il n'a pas mis de temps à frapper un mur quand il a réalisé que dans cette drôle d'organisation, le directeur général est beaucoup plus puissant que le président. Dès lors, la relation Lalonde-Popp était vouée à l'échec.

Ce mode de gestion inusité a vu le jour quand, après le départ de Larry Smith pour The Gazette, la présidence a été accordée à Skip Prince, un drôle de pistolet américain qui n'avait pas le physique de l'emploi. Quand est venu le moment de renégocier les contrats du directeur général et de l'entraîneur, il a été si malhabile que Wetenhall l'a tassé pour se charger lui-même de ces négociations. Depuis cet événement, le président n'a plus jamais joui des mêmes pouvoirs. Le pouvoir, faut-il le préciser, est passé dans le camp de Popp.

Lalonde s'est brutalement fait ramener sur terre le jour où il a tenté de s'immiscer dans les décisions de football. En jouant dans la cour de Popp, c'était clair qu'il n'avait plus d'avenir avec les Alouettes. Entre Popp et Lalonde, le propriétaire a rapidement fait son choix.

Pourquoi Lalonde a-t-il été remercié à cette période de l'année? Parce que le bilan financier venait d'être présenté au propriétaire. Or, les résultats étaient loin d'être ceux que Wetenhall avait anticipés.

Assez rapidement, l'ex-président s'était mis beaucoup de monde à dos en faisant un «one man show» de son mandat. Dans un stade amélioré de 25 000 places, les abonnements de saison ont chuté de 4 000 billets. Des loges n'ont pas trouvé preneurs. Trois commanditaires majeurs (Nissan, Subway, Discount) n'ont pas renouvelé leurs ententes. Pour une équipe qui ne roule pas sur l'or, ces pertes financières sont catastrophiques. Les Alouettes ne représentent pas un produit qui se vend aussi facilement que le Canadien. On ne compte pas sur une clientèle corporative pour remplir les gradins. C'est avant tout un public mordu de football qui noircit les sièges.

En ce moment, l'équipe devrait être en pleine campagne de vente d'abonnements de saison. Pourtant, une publicité bien modeste dans les médias ne capte pas l'attention. Durant le règne de Lalonde, l'équipe a également été beaucoup moins présente dans la communauté. À l'époque de Larry Smith, on estime à plus de 300 les sorties publiques annuelles effectuées par l'équipe avec les joueurs, les mascottes et les cheerleaders.

D'autres détails en disent beaucoup sur le style controversé de Lalonde. La saison dernière, les partisans ont trouvé irritant de devoir faire la queue aux boutiques souvenirs pour obtenir la formation partante des deux équipes en présence, un simple carton qu'ils pouvaient se procurer depuis des années en franchissant les guérites.

À l'étage administratif de l'équipe, des employés (ils ne sont plus que cinq ou six parmi les 25 qui étaient là à l'occasion de son arrivée) se sont vus interdire d'afficher des photos de leur femme et enfants dans leur bureau, sous prétexte que cela ne reflétait pas une image professionnelle de sport.

Le successeur

Qui succédera à Ray Lalonde? La vraie question est la suivante: qui voudra devenir la tête première de l'organisation sans les pleins pouvoirs?

Dans les circonstances, il serait préférable que les Alouettes retiennent les services d'un homme aimé et respecté des Québécois, capable de les rejoindre et de les toucher, comme Smith l'a fait à ses premières années dans cette fonction. Un administrateur susceptible de leur inspirer confiance.

Le premier nom avancé est celui du président de l'Association des anciens joueurs des Alouettes, Éric Lapointe. Francophone, dynamique et toujours populaire, cette ancienne gloire de l'équipe, qui s'exprime aisément face aux caméras, serait certainement un candidat de premier ordre.

Les Alouettes doivent revenir aux valeurs qui leur ont permis de connaître beaucoup de succès. Lapointe, qui était là quand le ballon roulait fort bien pour l'équipe, saurait sans doute reprendre cette recette à succès.

Pourrait-il cohabiter avec Jim Popp? Ceux qui le connaissent bien le croient. C'est un homme intelligent qui pourrait s'adapter à certaines situations, croit-on. Lapointe possède aussi une bonne notion du travail en équipe après l'avoir longtemps préconisé sur le terrain. Bref, il pourrait faire rapidement oublier le «one man show» subi par les Alouettes depuis un an.

À suivre.