Dans quelques jours, Larry Smith quittera les Alouettes, une organisation qu'il a relancée de brillante façon après que les Stallions de Baltimore soient venus s'installer à Montréal, il y a 14 ans.

Ce n'est sans doute pas la sortie qu'il avait rêvé. Il partira sans qu'on lui donne une tape dans le dos pour tout ce qu'il a accompli durant ses deux règnes à la présidence de l'équipe. Remarquez qu'il a fait de même dans le point de presse qui a confirmé la fin de son association avec les Alouettes. Il n'a pas démontré la moindre chaleur envers les gens qui ont partagé son quotidien de président.

On le revoit encore debout, penché vers l'avant au-dessus d'une table modeste, appuyé sur ses mains, sans le moindre partenaire à ses côtés. Il ne s'est pas soucié de s'asseoir et d'adopter le comportement d'un président qui aurait dû partir la tête haute, avec la satisfaction du devoir accompli. Vraiment, ça faisait un peu basse classe pour un homme qui occupe une telle place sur la scène sportive montréalaise. Une ligue de garage n'aurait pas eu de mal à orchestrer un point de presse plus professionnel.

On l'a laissé s'arranger avec ses problèmes. Smith le leur a bien rendu cette indifférence en prenant bien soin de ne remercier qui que ce soit, surtout ses principaux lieutenants, les vice-présidents de l'organisation qui, comme lui, ont participé activement à la renaissance du football professionnel à Montréal et qui ont fait des Alouettes ce qu'ils sont devenus, une équipe championne qui sera peut-être encore couronnée dimanche.

Smith a même été disgracieux à l'endroit du propriétaire Robert Wetenhall qui, entre deux verres, n'a jamais cessé d'engloutir des millions de dollars de sa fortune personnelle dans cette équipe qui a longtemps navigué dans le rouge. Quand on lui a demandé pourquoi Wetenhall ne l'accompagnait pas pour cette annonce, il a rétorqué que le début de l'après-midi n'est pas un moment où le grand patron est très fonctionnel. Une crampe au cerveau qui ne l'honore pas.

Smith peut se compter chanceux que Wetenhall n'ait pas fait changer la serrure de son bureau sur-le-champ. Ronald Corey l'a déjà fait pour beaucoup moins que cela avec Guy Lafleur.

Dommage que les choses se terminent de cette façon pour Smith à qui on doit le retour du football de la Ligue canadienne à Montréal. Quand il a quitté son poste de commissaire de la ligue pour accepter la présidence de l'équipe en 1997, les Montréalais n'étaient pas du tout intéressés par les Alouettes. Pendant neuf ans, la ville de Montréal avait été privée de football professionnel et s'en était fort bien accommodée.

Il a presque fallu que Smith nous enfonce les Alouettes dans la gorge. Il a parcouru toutes les régions du Québec en prêchant la bonne parole. Il a travaillé ferme pour monopoliser l'attention du public sportif. Il a contribué à établir le football amateur québécois sur des bases solides. Il a convaincu le propriétaire d'injecter des fonds sans arrêt dans l'équipe. Il a fait une place à l'élément francophone chez les Alouettes. Tant et si bien que les Québécois en général et les Montréalais en particulier ont fini par embarquer avec lui. Plus tard, quand les Alouettes ont déménagé leurs pénates à l'Université McGill, une petite folie s'est emparée du stade. Le plaisir y est depuis.

Le petit Larry tombe de haut

Depuis l'an 2000, les Alouettes en sont à leur huitième match de la coupe Grey, avec et sans Smith qui s'est absenté durant trois ans pour tenter sa chance comme éditeur à The Gazette. Cette séquence de succès assez exceptionnelle a peut-être fait de Smith un personnage plus grand que l'équipe elle-même.

Malgré cela, ses réalisations ne lui valent pas une très belle sortie. Une fin en queue de poisson, faut-il le dire. Smith quitte l'équipe, à laquelle il a aussi donné neuf saisons comme joueur, dans un climat de mésentente totale.

Chez les Alouettes, on prend le soin de préciser qu'il n'a pas rempli le stade Percival Molson à lui seul, comme le veut l'opinion populaire. Ce fut le résultat d'un travail d'équipe. Le projet d'agrandissement a notamment été piloté par deux vice-présidents, Mark Weightman et Claude Rochon.

On dit de Smith qu'il avait tendance à s'accorder beaucoup de crédit pour diverses réalisations. Sa plus grande erreur a été de soulager le v.-p. Partenariats d'entreprises, Richard Blais, de ses principaux dossiers pour les donner à son fils Wes que Wetenhall a personnellement congédié au cours de la saison. Blais, un homme aimé et respecté dans les bureaux de l'équipe, s'est retrouvé sur une tablette, ce qui a créé un malaise évident à l'étage administratif.

Le propriétaire a perdu confiance en Smith pour diverses raisons. L'une d'elles l'aurait particulièrement chatouillé quand il a été connu que Smith exigeait un cachet personnel de 7 000 $ pour prononcer des conférences qui avaient pour thème les Alouettes. Il en aurait fait plus d'une trentaine par année.

Ses intérêts auraient changé en cours de route. Peut-être que les succès répétés de l'équipe, qui étaient en partie les siens, l'ont placé sur un piédestal dont il a vite pris goût. Peut-être que «le petit Larry», comme il aime bien s'identifier dans la communauté, est devenu plus gros que son mandat.

On dit de lui qu'il a diversifié ses intérêts. Il occupe notamment un poste de direction à Westmount Moving, une entreprise de déménagement. Rien de mal à cela, même si durant la conférence de presse marquant son départ, il a un peu mêlé les affaires en trouvant le moyen de mentionner le nom de la compagnie à trois occasions.

Un froid à l'interne

À l'interne, Smith a accusé les quatre vice-présidents de l'équipe d'avoir orchestré le départ de son fils, ce qui explique qu'il n'ait salué aucun d'eux dans son point de presse.

Dans les circonstances, les Alouettes se présenteront à la finale de la coupe Grey avec un premier dirigeant qui n'a plus grand-chose à dire. Smith, qui n'a plus beaucoup d'influence dans les bureaux administratifs, est à toute fin pratique parti.

Ce qui n'affecte en rien le quotidien de l'équipe, assure un informateur. Les Alouettes ont une administration solidement structurée avec quatre vice-présidents très actifs, Mark Weightman, Claude Rochon, Richard Blais et Laurie Bennett, qui sont tous en poste depuis plus de 12 ans.

«Ils connaissent l'entreprise sur le bout de leurs doigts. Ils pilotent tous d'importants dossiers, si bien que l'équipe aurait pu opérer sans président si la situation l'avait commandé», me dit-on.

Par ailleurs, on ne comprend toujours pas pourquoi Smith a annoncé son départ au lendemain d'une défaite humiliante de 30-4 contre Toronto dans le dernier match de la saison, laissant ainsi supposer que l'organisation au complet prenait l'eau. Cette décision de passer aux actes dans un moment déjà négatif a été la sienne. On l'a mal pris en haut lieu.

Mais, comme me l'indique cet informateur, cela n'aurait rien changé à la situation s'il avait patienté jusqu'à la fin du match de la coupe Grey pour agir. Pour lui, les carottes étaient cuites depuis longtemps avec le propriétaire.