Un seul match sépare les quatre dernières équipes en lice dans la Ligue canadienne du match de la Coupe Grey. Après les demi-finales d’Association la semaine dernière, place aux finales et les deux affrontements ont de quoi nous mettre l’eau à la bouche.

Tout d’abord dans l’Est, on a droit à une reprise de la finale de 2015. Si le match de ce dimanche ressemble un tant soit peu à cette confrontation d’il y a trois ans, nous allons être gâtés, car le Rouge et Noir avait eu le dessus 35-28, mais on se souviendra que dans la dernière minute de jeu de cette rencontre, l’attaque d’Ottawa était sur le terrain et devait convertir un 2e essai et 25 verges. Il était donc impératif que le Rouge et Noir concrétise cet essai afin de poursuivre sa séquence. C’en était suivi un touché sur 93 verges de Greg Ellingson qui a battu son couvreur qui était à ce moment Ed Gainey.

Si jamais cette finale de l’Est en 2018 doit se jouer dans les dernières minutes, comme ce fut le cas en 2015, on pourra dire qu’on aura assisté à un bon spectacle.

Ce qu’il y a de particulier dans cette confrontation, c’est que c’est déjà la quatrième fois cette saison que les deux équipes se retrouvent sur le terrain. Le Rouge et Noir a jusqu’ici eu l’avantage avec trois victoires. Évidemment, cette fiche parfaite en saison régulière contre un rival ne veut rien dire si tu perds le match éliminatoire. La pression est donc entièrement sur les épaules du Rouge et Noir.

C’est l’équipe qui a terminé au premier rang de l’association, le match est à leur domicile et ils ont connu du succès toute l’année contre Hamilton. Tout le monde s’attend à ce que le Rouge et Noir l’emporte. Les Tiger-Cats vont aussi jouer le jeu des négligés en vantant les mérites de l’autre équipe. Ils vont mentionner « espérer pouvoir rivaliser avec une bonne équipe comme le Rouge et Noir ». Ils vont jouer cette carte afin d’essayer de les endormir.

Par contre, ce n’est pas facile pour une équipe de toujours connaître du succès contre la même formation comme c’est le cas ici. Le Rouge et Noir doit se dire qu’il connaît la recette pour vaincre les Ti-Cats et qu’ils ont peu de changements à apporter.  Par contre, ces derniers peuvent étudier les bandes vidéos des derniers affrontements entre les deux équipes et voir les tendances de la formation ontarienne.

Même si j’en conviens, ce sont les joueurs qui sont sur le terrain et qui exécutent les jeux, j’ai l’impression que plus les équipes se sont affrontées souvent en cours de saison, plus il s’agit d’un match entre les entraîneurs, à savoir qui saura supplanter l’autre avec ses stratégies. Il faudra voir qui saura le mieux déguiser ses stratégies. Tu ne peux pas tout changer et balayer ce qui t’a amené à ce stade-ci de la saison. Le Rouge et Noir ne modifiera pas son ADN alors que c’est une équipe qui repose sur son attaque. L’entraîneur-chef peut sans doute varier l’utilisation de ses jeux et le moment pour les utiliser, mais il ne modifiera pas le cahier de jeux au complet.

Dans ce genre de match, les clichés sont d’autant plus présents en ce qui concerne les joueurs, alors que chacun doit chercher à gagner sa confrontation à un contre un, à se démarquer, pour trouver une ouverture. Même si les deux équipes ne devraient pas surprendre avec leurs stratégies de base, c’est aussi le temps ou jamais pour sortir des lapins de son chapeau. Si une formation a besoin d’un jeu truqué, c’est le moment de l’utiliser, car c’est la dernière rencontre avant celle de la Coupe Grey.

Harris doit sortir de l'ombre

Outre ce duel de stratégies entre les entraîneurs, je vais avoir à l’œil le quart du Rouge et Noir Trevor Harris. Il doit pour sa part sortir de l’ombre d’Henry Burris. Celui-ci avait amené son équipe à la Coupe Grey en 2015 et l’avait remporté l’année suivante. Harris a de bonnes statistiques, connaît une carrière potable, mais la question qu’on se poste : est-il un quart élite? Il doit prouver qu’il peut gagner lorsque les enjeux sont importants. Il aura de la pression, c’est évident.

Il ne s’agira que de son deuxième match éliminatoire alors qu’il avait perdu celui de l’an dernier contre les Roughriders de la Saskatchewan. Il n’était pas seul dans la défaite c’est certain, mais malgré ses 457 verges par la passe, il avait été victimes de revirements à des mauvais moments dans la rencontre (deux interceptions, en plus d’avoir échappé le ballon). Il avait d’ailleurs terminé ce match avec 60 passes tentées. Si c’est le cas contre les Tiger-Cats en fin de semaine, je ne m’attends pas à ce que le Rouge et Noir soit de retour en finale de la Coupe Grey.

À sa défense, Harris a connu une bonne fin de campagne, alors qu’il a complété 77 % de ses passes, avec une moyenne de 316 verges et 11 passes de touché contre deux interceptions à ses six derniers matchs. Au cours des matchs contre les Tiger-Cats cette saison, il complété 72 % de ses passes, a obtenu deux passes de touché contre aucune interception. S’il garde cette recette, son équipe a de bonnes chances de l’emporter.

Pour protéger son travail et s’assurer qu’il n’effectue pas 60 passes dans le match, l’équipe doit se tourner vers son jeu au sol et William Powell. Il a été mis sur les lignes de côté au cours de quatre semaines et il sera donc frais et dispo. C’est vrai qu’il aura des jambes fraîches, mais le danger, et particulièrement avec les porteurs de ballon en raison de la multitude des contacts, c’est de savoir s’il pourra protéger le ballon.

Si je suis les Tiger-Cats, en défense, je dois mettre de la pression sur Harris afin qu’il ne prenne pas son rythme. C’est un joueur qui aime prendre son rythme et travailler dans sa pochette. Si la défense parvient à lui briser son rythme et le forcer à aller à sa troisième ou quatrième lecture, elle pourra connaître du succès. L’unité défensive doit chercher à reproduire ce qui s’est produit contre les Lions de la Colombie-Britannique alors qu’elle avait enregistré quatre sacs et six revirements. Pour mettre le tout en perspective, elle en avait réalisé 31 au cours de la saison. C’est la recette pour les Tiger-Cats s’ils veulent déranger Harris et l’emporter.

De l’autre côté, la ligne à l’attaque du Rouge et Noir a été malmenée cette saison avec un total de 43 sacs accordés, ce qui est bon pour le huitième rang dans la Ligue. Par contre, elle a limité l’équipe adverse à trois sacs du quart à ses trois dernières rencontres. Ce sera une bataille à surveiller.

La défense du Rouge et Noir doit continuer d’avoir la mentalité qu’a inculquée Noel Thorpe depuis son arrivée avec l’équipe. En 2017, l’équipe avait enregistré 11 interceptions, six échappés provoqués et seulement 22 revirements au total. Cette année, ces chiffres ont grimpé à 16 interceptions et 19 échappés ce qui leur a conféré le troisième rang de la Ligue. On voit l’effet Noel Thorpe et c’est pour ça que l’équipe avait été cherchée ses services. Des 16 interceptions, il y en a eues quatre aux dépens du quart des Tiger-Cats Jeremiah Masoli. Si on pousse plus loin un peu, Hamilton marque en moyenne 28,5 points par rencontre cette saison, mais contre Ottawa, la moyenne chute à 19,7.

Si Trevor Harris est l’homme de la situation et que la défense provoque des revirements, le Rouge et Noir retournera à la finale de la Coupe Grey pour la troisième fois depuis le retour de l’équipe dans la LCF en 2014. Disons que c’est un très bon ratio pour une équipe d’expansion.

Une équipe reposée contre une équipe en confiance

Pour ce qui est de la finale de l’Ouest, nous avons véritablement droit à un affrontement entre une équipe reposée et qui avait besoin de repos avec les Stampeders de Calgary, et une équipe qui a le vent dans les voiles avec les Blue Bombers de Winnipeg. C’est l’éternel dilemme afin de savoir si c’est mieux d’avoir un congé pour accéder directement à la finale ou d’avoir le momentum en arrivant pour cette rencontre.

Les Blue Bombers ont remporté six de leurs sept derniers matchs et leur unique défaite est survenue lors de la dernière semaine d’activités alors que la formation a laissé de côté plusieurs partants comme ce match n’avait plus d’incidence au classement. C’était tout l’inverse à Calgary qui s’est incliné lors de trois de ses quatre dernières sorties, mais le repos a sûrement fait le plus grand bien, car cette équipe avait de nombreux blessés dans ses rangs. Même si son équipe a terminé au premier rang dans la Ligue canadienne avec une fiche de 13-5, l’entraîneur-chef des Stamps Dave Dickenson joue lui-même la carte des négligés et cherche à baisser les attentes. Il a d’ailleurs indiqué qu’il ne serait pas surpris que les experts optent pour les Bombers dans cette confrontation comme ils jouent de l’excellent football. C’est toujours intéressant de voir ce petit jeu avant le match, mais tout va se décider sur le terrain.

Le début de rencontre sera primordial dans cette finale de l’Ouest et sera un bon indicateur pour la suite des choses. Il faudra voir si les Stampeders auront quelques ennuis sur le plan du synchronisme comme ils seront de retour à l’action après une pause. Je ne crois pas qu’ils peuvent se permettre un début de rencontre en dents de scie puisque les Blue Bombers sont les plus dominants lors des deux premiers quarts. En première demie, la formation de Winnipeg a inscrit 335 points pour un ratio positif de + 139. Pour mettre cette statistique en perspective, Calgary est l’équipe qui vient au deuxième rang avec un ratio de + 65… C’est assez dominant, vous en conviendrez. La combinaison est telle que les Stamps ne peuvent avoir un trop grand déficit lors des premières minutes de ce match afin que la foule demeure de leur côté.

Les deux équipes ont remporté une confrontation contre leurs présents adversaires lors de la saison. La recette a été simple pour les Bombers alors que dans leur victoire, l’attaque a eu possession du ballon durant 33 minutes et avait amassé 153 verges au sol. Elle avait également réalisé quelques gros jeux dont un touché de 60 et un autre d’un peu plus de 50 verges. Andrew Harris avait terminé la rencontre avec 86 verges. À l’inverse, dans une cause perdante, Winnipeg n’avait obtenu que 53 verges au sol et Harris n’avait amassé que 13 verges en sept courses. Il ne faut donc pas trop chercher loin dans leur cas pour expliquer le résultat.

Tout un duel dans les tranchées

Il y a des confrontations ou ce qu’on aime appeler des matchs à l’intérieur du match et dans le cas présent, sans doute aussi un léger défaut professionnel, c’est celui entre la ligne à l’attaque des Blue Bombers et le front défensif des Stampeders. On retrouve l’attaque no 1 au sol contre celle qui est au sommet à ce chapitre. J’adore la ligne à l’attaque des Bombers qui reposent sur des joueurs avec un bon physique, qui sont mobiles et qui jouent avec de la hargne. Elle veut déplacer, écraser, aplatir l’équipe adverse et on l’a bien vu contre les Roughriders alors que deux joueurs sur cette unité ont été mis à l’amende pour avoir poussé leur bloc un peu trop loin. Ça me montre que ces joueurs ont du chien et bien qu’on veut les appeler les gros nounours, je veux que ce soit des gros nounours avec de l’attitude.

La ligne défensive des Stampeders est sans doute la meilleure de la ligue avec Micha Johnson et le secondeur intérieur Alex Singleton ne s’en laisse pas imposer. Il devrait y avoir des flammèches sur le terrain avec ces deux unités. Les joueurs de Calgary devront être alertes pour effectuer les plaqués au bon moment.

La défense de Calgary vient aussi au premier rang pour les points, les sacs du quart et les revirements. Autre statistique intéressante la concernant, elle a forcé l’attaque adverse à dégager après seulement deux jeux à 100 occasions. Mémo aux Bombers : produire en premier essai, car sinon, le botteur de dégagement risque d’être fatigué à la fin de la rencontre.

Même si la défense des Bombers a bien fait contre les Riders en n’allouant que 18 points, sans vouloir manquer de respect à Brandon Bridge, il n’est pas Bo Levi Mitchell. L’unité offensive de Calgary est beaucoup plus dynamique et talentueuse que celle de la Saskatchewan donc ce sera tout un défi.

Cependant, la défense des Bombers est très opportuniste. Elle trouve le don de faire payer les erreurs avec un gros revirement au moment opportun. Lors des six derniers gains de l’équipe, la défense a volé le ballon à 23 occasions, ça fait que les Bombers ont un ratio de +15. En fait ce n’est pas compliqué, les deux équipes ont une fiche de 11 victoires et aucun revers lorsqu’elle gagne la bataille des revirements dans un match.

En réponse à Bo Levi Mitchell, Matt Nichols doit bien gérer le match. Il n’aime pas être comparé à un gestionnaire de match, mais c’est un quart qui va aider à gagner des matchs, mais qu’il n’en fera pas gagner à son équipe à lui tout seul. Les Bombers doivent avoir du bon jeu au sol, la défense doit être opportuniste et Nichols doit être le même que lors des récents succès de son équipe où il a lancé huit passes de touché contre une seule interception. S’il lance pour plus de 300 verges tant mieux, mais il ne doit pas commettre l’erreur qui ouvrira la porte aux Stampeders.

Même si j’aime bien la formation de Winnipeg et Mike O’Shea qui est un ancien coéquipier, Calgary a tellement d’expérience dans les matchs importants que c’est non-négligeable. Sans avoir gagné, les Stampeders viennent d’accéder deux fois à la Coupe Grey alors que les Bombers sont une jeune équipe qui n’a pas beaucoup d’expérience en pareille situation. Je pense que l’expérience va faire la différence et permettre à Calgary de retourner au match ultime.

Nous pourrions avoir une reprise de la Coupe Grey de 2016 qui s’était alors conclu en prolongation à la faveur du Rouge et Noir contre les Stampeders.

*Propos recueillis par Maxime Tousignant