TORONTO -  Larry Smith sait très bien comment gérer les crises dans la Ligue canadienne de football.

Au cours de son règne comme commissaire, de 1992 à 1997, il a piloté le projet d'expansion américaine du circuit. De 1993 à 1995, la LCF comptait des équipes dans sept marchés américains: Las Vegas, Sacramento, Memphis, Baltimore, Birmingham, Shreveport et San Antonio. Les frais d'expansion ont aidé à garder la LCF en opération.

Alors qu'est-ce celui qui est maintenant un sénateur conservateur a pensé de l'aide demandée par la LCF - qui pourrait atteindre 150 millions $ - au gouvernement canadien en raison de la pandémie de COVID-19?

« J'ai été à la fois surpris et non, a dit Smith. Il faut savoir que le rôle du commissaire et de répondre aux propriétaires et d'assurer la continuité de la ligue.» 

« Le commissaire se rapporte aux propriétaires et à la gouvernance du circuit. Ce sont probablement les propriétaires qui ont décidé de passer à l'action de cette façon, alors il ne faut pas être trop dur à l'endroit de Randy Ambrosie.»

Smith est impliqué avec la LCF depuis qu'il en a été le premier choix au repêchage de 1972. En plus d'en être le commissaire, et il a servi deux fois comme président des Alouettes.

Le résident de Hudson de 69 ans comprend très bien l'impact que peut avoir le coronavirus sur le sport professionnel.

« Il y a énormément de pression sur tout le sport professionnel, car si les gens ne peuvent consommer votre produit, il est difficile de faire des affaires. Cela étant dit, je suis certain que les dirigeants de la LCF ont mis sur pied diverses stratégies, dont de demander l'aide du gouvernement. Est-ce la bonne? Seul le temps le dira. »

Alors que plusieurs Canadiens et plusieurs entreprises traversent de difficiles moments sur le plan financier, il serait mal vu qu'Ottawa allonge un si important chèque à la LCF. Surtout avec les trois clubs détenus par leur communauté - Winnipeg, Edmonton et Saskatchewan - ayant rapporté des profits en 2018 et que les six autres clubs sont détenus par des gens ou des groupes ayant d'importantes ressources.

Ottawa créerait aussi tout un précédent en aidant la LCF alors que d'autres entités sportives souffrent.

« Je ne jetterai pas le blâme sur la LCF, mais quand une entité sportive fait une telle demande, elle ouvre la porte pour toutes les autres, a expliqué Smith. La LCF tente de trouver une façon de s'en sortir. »

L'identité des propriétaires d'équipes dans la LCF laisse toutefois croire à Smith que le circuit Ambrosie est équipé pour affronter cette tempête.

« Je suis heureux de constater à quel point le groupe de propriétaires est fort. En même temps, c'est la force de ce groupe qui fait en sorte que leur demande est sujet très, très sensible. »

La semaine dernière, le maire de Toronto, John Tory, a d'ailleurs suggéré à la LCF de trouver ces fonds auprès de ses propriétaires, ses équipes, ses partisans et même la NFL avant de demander l'aide du gouvernement. Comme Smith, Tory parle d'expérience: il en a été le commissaire, de 1996 à 2000.

En 1996, la ligue n'avait pas suffisamment de fonds pour payer le boni de la Coupe Grey des joueurs des Eskimos et des Argonauts. C'est Tim Hortons qui a finalement payé la note.

La Ligue a fait face à une autre crise financière en 1997, mais elle a pu obtenir un prêt de 3 millions $ US de la NFL, qu'elle a remboursé avec intérêts.

Smith a aussi songé à la possibilité pour la LCF de jouer des matchs à huis clos. Toutefois, les droits de télédiffusion de la ligue ne permettraient pas de combler toutes les pertes des équipes si elles ne peuvent vendre de billets.

Les chiffres semblent appuyer les dires de Smith.

En 2018, les Blue Bombers de Winnipeg ont perçu 36 pour cent de leurs revenus de leurs matchs et 15 pour cent de plus de leurs concessions, en route vers des profits de 2,6 millions $ cette saisons-là.

Que se passera-t-il si le gouvernement n'acquiesce pas à la demande de la LCF?

« Je pense que le commissaire à plusieurs scénarios de prêts, a dit Smith. Je suppose qu'il y a eu plusieurs discussions dans les hautes sphères de la ligue à propos de ces autres options. x

« Le défi est plus vaste: il s'agit d'une crise nationale. (...) Comment gérez-vous les finances d'un pays qui aura une dette estimée à 250 milliards $? Ça pourrait obliger nos enfants et petits-enfants à rembourser cela pendant de nombreuses années, possiblement à des hausses d'impôts. »

« Les gens vont plutôt demander aux bien nantis qui sont propriétaires d'équipes professionnelles de trouver eux-mêmes des solutions. Les bien nantis ont toujours une meilleure chance de s'en sortir que ceux qui sont dans le besoin. »