MONTRÉAL – Quand ils ont croisé le fer avec le Rouge et Noir d’Ottawa pour la dernière fois le 17 juillet, les Eskimos d’Edmonton ne s’attendaient certainement pas à les revoir devant eux pour le match de la coupe Grey.

C’est simple, le Rouge et Noir constituait le représentant le moins probable pour la division Est lorsque la saison 2015 s’est amorcée. À vrai dire, la jeune formation ontarienne essayait avant tout de se relever d’une première campagne de 2-16. Le chemin emprunté semblait le bon avec deux victoires pour entamer le calendrier 2016, mais le Rouge et Noir a ensuite perdu ses deux confrontations d’affilée contre les Eskimos dont celle du 17 juillet.

Mais le vétéran quart-arrière Henry Burris avait gardé quelques tours de magie dans son chapeau pour mener les siens à un dossier final de 12-6 et il a coiffé le tout avec le titre de joueur par excellence de la LCF.

Le revirement orchestré par le quart de 40 ans et l’organisation dirigée par Marcel Desjardins a fini par attirer la sympathie des gens. Maintenant que les sept autres équipes de la LCF sont éliminées, plusieurs des friands du football canadien ont décidé de se ranger dans le camp de cette formation à découvrir.

Attrapé au téléphone vendredi après-midi durant une autre journée très occupée, le Québécois Antoine Pruneau a confirmé qu’il sentait que le cœur de beaucoup de personnes était avec le Rouge et Noir.

« Oui, on reçoit de nombreux témoignages. Mon coéquipier Jonathan Beaulieu-Richard me montrait justement tantôt une vidéo de son école secondaire qui démontrait son support », a confié Bruneau qui a terminé au troisième rang de son équipe pour les plaqués.

Tout comme Pruneau, Patrick Lavoie a accédé à la coupe Grey pour la première fois de sa carrière. L’ancien des Alouettes a également eu vent de ce mouvement même si sa concentration est définitivement axée sur la rencontre ultime. Quelques joueurs du Rouge et Noir

Les deux athlètes sont devenus de bons amis même s’ils ont évolué pour les grands ennemis des Carabins de l’Université de Montréal et le Rouge et Or de l’Université Laval sur la scène du football universitaire québécois. Depuis leur folle victoire de 35-28 en finale de l’Est contre les Tiger-Cats de Hamilton, Pruneau et Lavoie découvrent l’ampleur d’une semaine de la coupe Grey.

« C’est vraiment unique, j’ai l’impression d’évoluer dans une ligue différente depuis le début de la semaine avec l’attention médiatique et tout ce qui se passe. Je pense notamment au déjeuner avec les médias durant lequel on mangeait en veston-cravate, c’est spécial! Notre horaire est réglé au quart de tour, c’est plus gros que ce que je m’attendais », a avoué Pruneau.

Comme l’a souligné Lavoie, les joueurs doivent s’assurer de maximiser leur temps et de retrouver leur concentration.

« On a vécu tellement d’émotions en finale de l’Est. On n’était pas encore remis de ça et on décollait déjà pour Winnipeg mardi. On essaie donc de revenir sur terre et on tente de ne pas avoir les émotions trop élevées pour exceller au bon moment », a proposé le centre-arrière.

L’importance du rendez-vous permet d’oublier les « charmes » de la météo de Winnipeg.

Patrick Lavoie« Ça tournait autour de -15 vendredi, c’est le plus froid que j’ai connu pour l’entraînement. Les responsables de l’équipement ont bien pris soin de nous, mais disons que c’était le temps que ça finisse », a raconté Pruneau en riant.

Une fois que le botté d’envoi aura été effectué, les émotions feront grimper le mercure de quelques degrés dans la tête des joueurs qui ont déjà vu pire.

« Avec le Rouge et Or, je me souviens d’un match éliminatoire à Calgary en 2011 où il faisait -28 », a témoigné Lavoie (photo).

Tous derrière Henry Burris

Évidemment, le défi le plus imposant sera celui des Eskimos, une puissance défensive et offensive qui s’avère la seule équipe que le Rouge et Noir n’a pas vaincue en deux ans d’existence.

Les deux formations ont grandement évolué et changé depuis leur dernière confrontation il y a quatre mois, mais le Rouge et Noir croit pouvoir renverser cette tendance sous l’impulsion de ses piliers.

« Je ressens une grande confiance en nos meneurs en commençant par Henry Burris et Jovon Johnson. Leur expérience produit un effet considérable sur nous et on va jouer du football en famille en prenant soin de tous nos partenaires », a évoqué Pruneau.

Burris n’a pas connu sa sortie la plus éclatante dimanche dernier et la défense des Eskimos lui a déjà causé des ennuis. Ceci dit, le quart-arrière est parvenu à orchestrer le jeu décisif et sa troupe ne cesse d’être épatée par son rendement.

« Ce qui est le plus fou, c’est qu’il a 40 ans! C’est tellement plaisant de le voir aller et c’est un peu irréel ce qu’il fait sur le terrain et à l’extérieur. On doit juste s’assurer de le suivre », a proposé Lavoie.

« C’est quand même hallucinant de le voir aller. Quand tu le vois travailler aussi fort, ça t’incite à en faire un peu plus et il n’a certainement pas l’air d’être sur la pente descendante », a ajouté Pruneau.

Le brio de Burris a donné l’élan nécessaire au Rouge et Noir pour se démarquer, mais Pruneau prétend qu’il avait perçu les signes d’un tel revirement.

Antoine Pruneau et Luke Tasker« Je pouvais quand même le sentir venir parce que j’ai toujours trouvé que nous avions beaucoup de talent, il restait à apprendre à jouer ensemble. Ça devait finir par arriver avec tous les efforts investis. Dans notre équipe, il n’y a pas un gars qui respecte la limite de 4,5 heures de travail dans une journée. On vit tous pour le football et ceux qui ne le faisaient pas autant ont embarqué dans le train, tu en viens à suivre l’exemple de tes partenaires », a soutenu Pruneau.

L’ancien des Carabins parle d’un groupe hors de l’ordinaire et il l’a constaté une fois de plus lors du plus récent match. En effet, Pruneau avait été battu de belle façon par Luke Tasker sur le touché égalisateur tard au dernier quart. 

« C’était difficile à avaler et j’avais la mine basse en retournant au banc. Mais les gars m’ont dit que ce n’était pas fini et j’ai pu voir Greg (Ellingson) me sauver la peau en quelque sorte (avec un touché de 93 verges). C’était à l’image de notre saison : quand quelqu’un se fait prendre, un autre joueur est là pour le relever », a décrit le demi défensif de 26 ans.

Parmi ce groupe, Pruneau et Lavoie ont le bonheur de côtoyer quatre autres représentants du Québec en Beaulieu-Richard, Chris Milo, Vincent Desloges et Scott Macdonell.

« C’est certain que ça ajoute un petit cachet spécial et c’est plaisant de voir qu’on représente bien la province », a admis Lavoie, le capitaine des unités spéciales, l’unité qui a freiné le dangereux Brandon Banks dimanche.

« Ça devient une motivation supplémentaire de jouer avec eux. C’est aussi drôle de se retrouver avec des gars du Rouge et Or, c’est le fun de voir qu’on se ressemble tous », a mentionné Pruneau qui suit, sans surprise, de très près le parcours des Carabins.

Tous ces exemples de la qualité du football québécois voudront contribuer au succès collectif. Leur aide serait la bienvenue puisque la ville d’Ottawa n’a pas goûté aux joies de la coupe Grey depuis 1976.

« L’appui est là et plus les gens vont apprendre à connaître le Rouge et Noir, plus ils vont nous aimer », a conclu Pruneau avec une affirmation qui serait certainement favorisée par une victoire.