Le Carey Price des Alouettes
Football mercredi, 12 oct. 2011. 10:43 jeudi, 12 déc. 2024. 13:27
Très jeune, Anthony Calvillo croyait être né pour jouer au football, mais il n'a jamais imaginé qu'il aurait un jour l'étoffe d'un héros sportif, d'une légende. Encore aujourd'hui, dans sa peau de recordman de tous les temps, il a sans doute du mal à se considérer comme tel. L'homme fort des Alouettes a la réputation de ne jamais s'octroyer trop de crédit.
Lundi, il a établi une marque qu'il pourrait éventuellement placer hors de portée pour une nouvelle génération de passeurs. Après avoir interrompu malgré lui un match qu'il se devait absolument de gagner, afin que de grands quarts-arrières qui étaient déjà passés par là lui rendent leurs hommages, il a quitté le stade Percival-Molson pour aller servir des repas à des démunis en compagnie d'une poignée de coéquipiers.
Les vrais grands sont ceux qui gardent les pieds solidement sur terre dans les moments de gloire comme dans l'adversité. Et Calvillo est un grand. Dans la bouche des gens de son milieu à qui j'ai parlé depuis deux jours, les mêmes qualificatifs reviennent : Un vrai pro, de la classe, respectueux et généreux.
Il venait à peine de vivre le moment le plus éclatant de sa carrière. C'était véritablement sa journée. Il aurait pu aller fêter l'événement en compagnie de sa femme, de ses deux filles, de sa mère venue de la Californie et de quelques intimes dans l'une des meilleures tables de la ville. Ç'aurait été mal le connaître. Chaque année, à l'Action de grâce, il se rend à la Mission Bon-Accueil pour servir des repas à des gens qui n'ont probablement jamais assisté à un match de football de leur vie. Il a fallu que l'Action de grâce 2011 coïncide avec le plus grand jour de son illustre carrière.
Un homme qui a temporairement quitté son sport quand sa femme a été sérieusement menacée par le cancer et qui a lui-même été frappé par cette terrible maladie sait mettre ses priorités dans le bon ordre. Calvillo, qui est reconnaissant que sa femme et lui soient toujours vivants et en bonne santé, sait se rendre utile dans la communauté.
Il n'oublie pas non plus d'où il vient. La misère, il a connu ça. Un père absent, un frère qui a fait la loi dans la rue avant d'écoper d'une peine de prison de huit ans et des notes scolaires insuffisantes pour lui valoir une bourse d'études dans une grande université américaine où il aurait pu se faire voir dans le sport qu'il avait choisi, il a connu tout ça.
Calvillo revient de loin à plus d'un point de vue. Il a profité d'une première chance avec une équipe qui disputait ses matchs dans le terrain de stationnement d'un casino de Las Vegas. On a cru que sa carrière ne prendrait jamais son envol. Puis, les trois saisons futiles qui ont suivi chez les Tiger-Cats de Hamilton auraient pu devenir le cimetière d'une carrière qu'il n'arrivait pas à faire lever.
Montréal a été sa planche de salut. Arrivé ici dans un rôle de soutien à Tracy Ham, il a enfin vu une porte s'entrouvrir pour lui. Il ne s'est pas contenté d'y mettre le pied. Il y a mis tout son corps, son âme, sa rage de jouer et un talent quasi insoupçonné. Il s'est imposé dès lors une discipline rigide. Il a adopté une nouvelle approche en se présentant au stade bien avant les autres. Il prêche par l'exemple sans arrêt depuis.
Le voilà maintenant recordman de tous les temps, peu importe les ligues, devant des quarts-arrières multimillionnaires comme Dan Marino et Brett Favre, lui qui s'est hissé au sommet de son sport dans une modeste ligue qui paie ses joueurs tout aussi modestement.
On va se garder une petite gêne
Mes jeunes collègues de RDS ont tenté de situer Calvillo dans l'histoire sportive d'une ville comme Montréal. Ils ont l'excuse de leurs jeunes années après l'avoir classé au cinquième rang de tous les temps derrière Maurice Richard, Jean Béliveau, Guy Lafleur et Patrick Roy. Je comprends parfaitement leur enthousiasme dans les circonstances, mais je pense qu'il serait justifié de se garder une petite gêne.
Pas question ici de diminuer l'ampleur de son exploit. On est tous d'accord que Calvillo a établi des records prestigieux jusqu'ici. Il est, à n'en pas douter, une légende dans une ligue de football qui n'a toutefois rien de la NFL. La Ligue canadienne est un bon circuit de football qui produit d'intéressants spectacles, notamment le match de la coupe Grey qui est très souvent plus excitant que le Super Bowl. Toutefois, les comparaisons boiteuses s'arrêtent là.
Ce n'est pas rendre justice à la formidable carrière de Calvillo que de le comparer à des grands héros québécois du hockey. Calvillo dans la lignée des Richard, Béliveau, Lafleur et Roy? Voyons donc.
La Ligue canadienne de football n'arrive pas à la cheville de la Ligue nationale de hockey. Comment comparer le Canadien et les Alouettes, une équipe qui est disparue de la scène à deux ou trois occasions par manque d'intérêt de la population? Comme peut-on laisser baigner dans la même sauce une organisation qui vire le Québec à l'envers à la moindre occasion à une autre qui est actuellement incapable de jouer à guichets fermés dans son petit stade.
Les Alouettes sont les préférés d'une clientèle fidèle qui s'y connaît en football. Il s'agit néanmoins d'un public relativement restreint au Québec, et ce, même si le football s'est développé d'une façon spectaculaire à tous les niveaux chez nous ces dernières années.
Calvillo est une légende, mais son nom peut-il côtoyer celui de Doug Harvey, le plus grand défenseur dans l'histoire du Canadien, le Bobby Orr de son époque? Les 11 bagues de la coupe Stanley de Henri Richard peuvent-elles se comparer aux trois coupes Grey de Calvillo? Les dix bagues d'Yvan Cournoyer ne l'ont-elles pas faire entrer dans la légende bien avant le quart des Alouettes? Et comment écarter Larry Robinson, Ken Dryden et Jacques Plante qui, à trois, totalisent 18 coupes Stanley?
On devrait accepter Anthony Calvillo pour ce qu'il est : un grand athlète et un très grand quart-arrière, sans chercher à le rendre plus grand que nature. Cet homme discret et réservé, qui hésite toujours à parler de lui-même, préférant placer l'équipe devant lui, en serait le premier embarrassé si on insistait là-dessus.
Si on tient absolument à associer le sympathique Mexicain d'origine au monde du hockey, on devrait le considérer comme le Carey Price des Alouettes. Si jamais Price subissait une blessure grave, le Canadien piquerait du nez. Quand Calvillo tombe au combat, les Alouettes deviennent une formation en péril.
Sans ces deux-là, il n'y aurait pas de salut possible pour leur équipe. Ça les place déjà dans une classe à part.
Lundi, il a établi une marque qu'il pourrait éventuellement placer hors de portée pour une nouvelle génération de passeurs. Après avoir interrompu malgré lui un match qu'il se devait absolument de gagner, afin que de grands quarts-arrières qui étaient déjà passés par là lui rendent leurs hommages, il a quitté le stade Percival-Molson pour aller servir des repas à des démunis en compagnie d'une poignée de coéquipiers.
Les vrais grands sont ceux qui gardent les pieds solidement sur terre dans les moments de gloire comme dans l'adversité. Et Calvillo est un grand. Dans la bouche des gens de son milieu à qui j'ai parlé depuis deux jours, les mêmes qualificatifs reviennent : Un vrai pro, de la classe, respectueux et généreux.
Il venait à peine de vivre le moment le plus éclatant de sa carrière. C'était véritablement sa journée. Il aurait pu aller fêter l'événement en compagnie de sa femme, de ses deux filles, de sa mère venue de la Californie et de quelques intimes dans l'une des meilleures tables de la ville. Ç'aurait été mal le connaître. Chaque année, à l'Action de grâce, il se rend à la Mission Bon-Accueil pour servir des repas à des gens qui n'ont probablement jamais assisté à un match de football de leur vie. Il a fallu que l'Action de grâce 2011 coïncide avec le plus grand jour de son illustre carrière.
Un homme qui a temporairement quitté son sport quand sa femme a été sérieusement menacée par le cancer et qui a lui-même été frappé par cette terrible maladie sait mettre ses priorités dans le bon ordre. Calvillo, qui est reconnaissant que sa femme et lui soient toujours vivants et en bonne santé, sait se rendre utile dans la communauté.
Il n'oublie pas non plus d'où il vient. La misère, il a connu ça. Un père absent, un frère qui a fait la loi dans la rue avant d'écoper d'une peine de prison de huit ans et des notes scolaires insuffisantes pour lui valoir une bourse d'études dans une grande université américaine où il aurait pu se faire voir dans le sport qu'il avait choisi, il a connu tout ça.
Calvillo revient de loin à plus d'un point de vue. Il a profité d'une première chance avec une équipe qui disputait ses matchs dans le terrain de stationnement d'un casino de Las Vegas. On a cru que sa carrière ne prendrait jamais son envol. Puis, les trois saisons futiles qui ont suivi chez les Tiger-Cats de Hamilton auraient pu devenir le cimetière d'une carrière qu'il n'arrivait pas à faire lever.
Montréal a été sa planche de salut. Arrivé ici dans un rôle de soutien à Tracy Ham, il a enfin vu une porte s'entrouvrir pour lui. Il ne s'est pas contenté d'y mettre le pied. Il y a mis tout son corps, son âme, sa rage de jouer et un talent quasi insoupçonné. Il s'est imposé dès lors une discipline rigide. Il a adopté une nouvelle approche en se présentant au stade bien avant les autres. Il prêche par l'exemple sans arrêt depuis.
Le voilà maintenant recordman de tous les temps, peu importe les ligues, devant des quarts-arrières multimillionnaires comme Dan Marino et Brett Favre, lui qui s'est hissé au sommet de son sport dans une modeste ligue qui paie ses joueurs tout aussi modestement.
On va se garder une petite gêne
Mes jeunes collègues de RDS ont tenté de situer Calvillo dans l'histoire sportive d'une ville comme Montréal. Ils ont l'excuse de leurs jeunes années après l'avoir classé au cinquième rang de tous les temps derrière Maurice Richard, Jean Béliveau, Guy Lafleur et Patrick Roy. Je comprends parfaitement leur enthousiasme dans les circonstances, mais je pense qu'il serait justifié de se garder une petite gêne.
Pas question ici de diminuer l'ampleur de son exploit. On est tous d'accord que Calvillo a établi des records prestigieux jusqu'ici. Il est, à n'en pas douter, une légende dans une ligue de football qui n'a toutefois rien de la NFL. La Ligue canadienne est un bon circuit de football qui produit d'intéressants spectacles, notamment le match de la coupe Grey qui est très souvent plus excitant que le Super Bowl. Toutefois, les comparaisons boiteuses s'arrêtent là.
Ce n'est pas rendre justice à la formidable carrière de Calvillo que de le comparer à des grands héros québécois du hockey. Calvillo dans la lignée des Richard, Béliveau, Lafleur et Roy? Voyons donc.
La Ligue canadienne de football n'arrive pas à la cheville de la Ligue nationale de hockey. Comment comparer le Canadien et les Alouettes, une équipe qui est disparue de la scène à deux ou trois occasions par manque d'intérêt de la population? Comme peut-on laisser baigner dans la même sauce une organisation qui vire le Québec à l'envers à la moindre occasion à une autre qui est actuellement incapable de jouer à guichets fermés dans son petit stade.
Les Alouettes sont les préférés d'une clientèle fidèle qui s'y connaît en football. Il s'agit néanmoins d'un public relativement restreint au Québec, et ce, même si le football s'est développé d'une façon spectaculaire à tous les niveaux chez nous ces dernières années.
Calvillo est une légende, mais son nom peut-il côtoyer celui de Doug Harvey, le plus grand défenseur dans l'histoire du Canadien, le Bobby Orr de son époque? Les 11 bagues de la coupe Stanley de Henri Richard peuvent-elles se comparer aux trois coupes Grey de Calvillo? Les dix bagues d'Yvan Cournoyer ne l'ont-elles pas faire entrer dans la légende bien avant le quart des Alouettes? Et comment écarter Larry Robinson, Ken Dryden et Jacques Plante qui, à trois, totalisent 18 coupes Stanley?
On devrait accepter Anthony Calvillo pour ce qu'il est : un grand athlète et un très grand quart-arrière, sans chercher à le rendre plus grand que nature. Cet homme discret et réservé, qui hésite toujours à parler de lui-même, préférant placer l'équipe devant lui, en serait le premier embarrassé si on insistait là-dessus.
Si on tient absolument à associer le sympathique Mexicain d'origine au monde du hockey, on devrait le considérer comme le Carey Price des Alouettes. Si jamais Price subissait une blessure grave, le Canadien piquerait du nez. Quand Calvillo tombe au combat, les Alouettes deviennent une formation en péril.
Sans ces deux-là, il n'y aurait pas de salut possible pour leur équipe. Ça les place déjà dans une classe à part.