Le jeu au sol fera la différence
Football jeudi, 1 févr. 2007. 14:40 samedi, 14 déc. 2024. 23:45
Plusieurs s'attendent à être témoin, dimanche lors du Super Bowl XLI, d'un duel épique entre l'attaque dévastatrice des Colts d'Indianapolis et la défensive sans merci des Bears de Chicago. Personnellement, je crois que la clé de ce duel ne réside pas dans la force des deux équipes, mais dans leur faiblesse : ce sera la défensive des Colts contre l'attaque des Bears. C'est là, pour moi, que le match se jouera.
Est-ce que la défensive des Colts sera capable d'arrêter l'attaque au sol des Bears? Et lequel de ses visages Rex Grossman nous montrera-t-il?
Les Colts n'ont pas encore accordé 100 verges au sol dans un match éliminatoire cette saison, limitant leurs adversaires à une moyenne de 73 verges par match par la course. Impressionnant pour une unité qui a pratiquement été la risée de la NFL cette saison. Rappelez-vous la facilité déconcertante avec laquelle les Jaguars de Jacksonville avaient couru le ballon lors de la semaine 14.
Pour expliquer ce regain de vie des Colts en défensive, on peut certainement regarder du côté de leur maraudeur Bob Sanders, blessé pendant pratiquement toute la saison régulière. Quand on pense à la défensive de Chicago, on pense aux Gros Méchants Bears : une unité vorace au tempérament bouillant, une présence intimidante. Chez les Colts, défensive rime avec rapidité et agilité. De belles qualités certes, mais qui ne font peur à personne. Mais Sanders, le meilleur plaqueur du groupe, apporte cette petite touche d'arrogance qui donne une bonne dose de confiance à ses coéquipiers. En défensive, les Colts privilégie principalement un système Cover 2, dans lequel les maraudeurs restent en retrait. Mais depuis le retour de Sanders, on l'amène dans la boîte défensive pour contrer la course et jusqu'ici, ça a fonctionné. Les Colts jouent plus rapidement, avec plus de fougue, d'intensité. On voit toujours quatre ou cinq joueurs autour du plaqué.
Les partisans des Colts doivent espérer que cette tendance se poursuivra parce que si c'est la vieille défensive qui se présente sur le terrain dimanche, ça risque d'être difficile. Depuis une vingtaine d'années, la défensive du gagnant du Super Bowl se classait toujours dans le Top 10 de la Ligue en saison régulière. Les Colts ont terminé 23e cette année.
La clé : le jeu au sol
Ce sont les deux quarts-arrières qui volent les manchettes depuis une semaine. Peyton Manning est enfin au Super Bowl, mais parviendra-t-il à remporter le match ultime pour se débarrasser de cette réputation du quart incapable de livrer la marchandise dans les gros matchs? Et Rex Grossman... Verra-t-on celui qu'on comparait à Joe Montana en début de saison ou celui qui a été tout simplement atroce dans les derniers matchs du calendrier régulier ?
Sans vouloir diminuer l'impact que ces deux joueurs auront sur l'issue du plus gros match de l'année dans la NFL, la clé au Super Bowl est dans le jeu au sol. Dans la capacité des formations à l'établir en attaque et à le neutraliser en défensive. L'équipe que sera en mesure de dominer cette facette du jeu va prendre une sérieuse option sur la victoire.
Si on se souvient du début de match qu'a connu Rex Grossman contre les Saints de la Nouvelle-Orléans il y a deux semaines, nul besoin de spécifier qu'il a besoin que ses porteurs de ballon connaissent du succès, et vite. S'il commence la rencontre en ne complétant que quatre de ses 18 premières passes, Grossman ne pourra compter sur les Colts pour commettre trois revirements
La meilleure façon de contrôler un front défensif petit et rapide, comme celui des Colts, c'est de courir en puissance. Pour ça, les Bears sont bien équipés. Ils ont une grosse ligne à l'attaque, un atout que Lovie Smith voudra certainement utiliser pour punir ses opposants. Personne ne va se plaindre chez les Bears si Thomas Jones et Cedric Benson portent le ballon entre 35 et 40 fois. Ça voudra dire que tout va bien. Le scénario idéal pour les Bears serait de pouvoir courir le plus longtemps possible et de rester patients : les petites courses de trois ou quatre verges en début de match se transforment souvent en gains de sept ou huit verges au quatrième quart quand l'adversaire n'en peut plus de se faire rentrer dedans.
On court, on court, on court jusqu'à ce que l'équipe adverse soit fatiguée de se faire piler sur le corps et qu'elle amène un maraudeur dans la boîte défensive. Les receveurs de passe se retrouvent alors en couverture homme à homme et c'est à ce moment qu'on voit toujours les fameuses bombes à Bernard Berrian. Grossman a essuyé beaucoup de critiques cette saison, certaines étaient justifiées, mais il faut lui donner ce qui lui revient : il est bon sur les longs jeux de passe. Ce ne sont pas tous les quarts qui peuvent repérer régulièrement et avec précision leurs receveurs sur de longs tracés, mais Grossman le fait bien. Par contre, il n'est pas le genre de gars qui va conduire une séquence de dix jeux avec dix passes de sept verges. Pour lui, c'est tout ou rien. Il a besoin plus que quiconque que son attaque connaisse du succès pour avoir un poids de moins sur les épaules.
Les Bears pourraient ainsi avoir les Colts à l'usure, mais la défensive aura son rôle à jouer dans cette stratégie. Si elle ne tient pas le coup contre Peyton Manning, Grossman devra tenter de répliquer œil pour œil, et c'est là que ça se corserait.
Par contre, il y a une chose que j'aimerais voir les Bears faire, une chose qu'aucune équipe n'a fait depuis le début des éliminatoires contre les Colts : débuter le match comme l'ont fait les Steelers de Pittsburgh l'an dernier contre les Colts. Tout le monde s'attendait à voir Willie Parker et Jerome Bettis, mais Ben Roethlisberger avait commencé à distribuer le ballon à ses receveurs, notamment à l'ailier rapproché Heath Miller, une stratégie qui avait vraiment déstabilisé les Colts. Du coup, on s'est méfié du bras de Big Ben et des dommages qu'il pouvait causer. Les Bears gagneraient un gros avantage s'ils pouvaient en faire autant. Et même si ces premières passes sont incomplètes, au moins ils enverraient le message aux Colts. Est-ce que ça vous intéresse de nous donner un jeu de 50 verges? Voulez-vous vraiment prendre cette chance?
De toute façon, Grossman n'aura pas le choix. Il n'est pas le meilleur joueur des Bears, mais est sans doute leur plus important. Il va falloir qu'il complète des passes. Il devra convertir des troisièmes essais. On va même lui demander d'y aller sur des quatrièmes essais, comme les Patriots de Bill Belichik l'ont si souvent fait. Il ne pourra pas se contenter de gérer le match et on ne pourra pas le cacher dans un rôle plus secondaire. Il va falloir qu'il fasse des gros jeux. Il devra faire tout en son pouvoir pour garder son unité sur le terrain le plus longtemps possible et forcer Manning à regarder tout ça des lignes de côté. Parce que Manning, lui, quand il en aura la chance, il va en mettre des points au tableau.
La bonne nouvelle pour Grossman, c'est qu'il se prépare à affronter une équipe qui ne blitze pas beaucoup. Parce que s'il y a une faiblesse qu'on a décelée dans son jeu, c'est son incapacité à lire le blitz, à le prévoir et à y réagir. Les Colts jouent une défensive de zone et appliquent de la pression à quatre joueurs. Techniquement, Grossman devrait toujours savoir d'où la pression va venir. Reste à savoir si son horloge interne sera aussi bonne que celle de Tom Brady, qui est capable de rester droit comme un chêne dans sa zone de protection même quand la pression est là, à quelques pieds de lui.
Évidemment, cette pression va provenir en grande partie de Dwight Freeney. Ça sera d'ailleurs un autre beau face-à-face à observer : celui entre Freeney et le plaqueur John Tait. Tait est très grand tandis que Freeney est plus trapu et est passé maître dans l'art de se baisser et de tourner le coin. J'ai hâte de voir si Tait sera capable de le ralentir.
Une carte cachée
Pour l'aider à faire avancer le ballon, Grossman devra exploiter sa plus belle carte cachée, son ailier rapproché Desmond Clark, qui pourrait bien s'avérer être le héros obscur du match. Gardez un œil attentif sur le numéro 88 et observez son rôle sur les jeux au sol des Bears. Vous découvrirez un excellent bloqueur.
Les Bears ont quelques jeux qu'ils utilisent régulièrement et qui mettent à profit les habiletés de Clark. Un tracé en puissance invitera le porteur de ballon à courir derrière Clark, qui sera aidé dans sa cause par le centre-arrière et le garde du côté opposé qui décrochera pour venir appuyer l'offensive. Un autre laisse croire à la défensive qu'on ira à l'opposé de Clark, seulement pour mieux revenir derrière lui.
Par la passe, c'est lui qui pourrait bénéficier le plus du système de couverture numéro 2 des Colts, à l'intérieur duquel on demande aux maraudeurs de tricher un peu plus vers les lignes de côtés. Si tu as un bon ailier rapproché, tu peux attaquer le milieu du terrain et ça devient une arme assez importante. La défensive décide de solutionner le problème en fermant le centre du terrain? Elle vient peut-être d'en créer un autre, puisque les receveurs espacés auront automatiquement plus de liberté.
Il passe souvent inaperçu, ce n'est pas un gros nom, il ne reçoit pas toujours les fleurs qu'il mérite, mais Desmond Clark détient l'une des clés de l'attaque des Bears.
L'importance d'Addai et Rhodes
Dans mon livre, les deux joueurs clés chez les Colts seront les deux porteurs de ballon, Joseph Addai et Dominic Rhodes. Indianapolis gagne en moyenne 137 verges au sol depuis le début des éliminatoires, une production de 25% supérieure à celle à laquelle ils nous ont habitués en saison régulière. Les Colts ont une attaque équilibrée et même si c'est tentant d'y aller allègrement par la voie des airs avec de tels joueurs, ils ont besoin de leur attaque au sol pour connaître du succès.
Oui, j'en conviens, Manning est plus équipé que son vis-à-vis pour lancer 50 passes dans un match s'il doit le faire, mais même lui a besoin de son attaque au sol pour garder la défensive adverse honnête, ralentir le front défensif qui le pourchasse et établir ses feintes de courses/passes. Pour des ailiers défensifs comme Alex Brown et Adewale Ogunleye, plus tu absorbes des blocs pour le jeu au sol, plus ça te fatigue et moins tu as de jus pour appliquer de la pression plus tard dans le match.
La force de Manning, c'est qu'il prend ce que la défensive adverse lui donne. Généralement, il va appeler trois ou quatre jeux dans le caucus et lorsqu'il arrivera à la ligne d'engagement, il va en choisir un. S'il voit que les deux maraudeurs ont les pieds ancrés à dix ou douze verges de la ligne d'engagement, il va appeler un jeu au sol parce qu'il sait qu'il n'y a que sept gars dans le front défensif. S'il voit que huit joueurs forment la boîte défensive et qu'un seul maraudeur patrouille le milieu de terrain, il va probablement appeler un jeu de passe. On revient alors à l'importance du jeu au sol. Si les Bears tiennent vraiment à protéger les zones profondes pour se protéger contre Marvin Harrison, Reggie Wayne et compagnie, les numéros de Rhodes et Addai seront appelés à profusion.
Combien de fois a-t-on vu Peyton Manning aller à son petit dépanneur dans le flanc ou encore repérer son porteur qui s'était faufilé derrière la ligne défensive et devant les secondeurs, prêt à recevoir une courte passe de trois ou quatre verges, souvent pour un premier jeu?
Vous vous souvenez du petit jeu auquel les Colts se sont adonnés contre les Patriots en finale d'association? On avait réussi à isoler Dallas Clark ou Bryan Fletcher contre le secondeur Eric Alexander et la stratégie avait donné de gros jeux. Je ne crois pas que ça sera possible de jouer le même tour au Bears. Il n'y a pas beaucoup d'unités défensives, à travers la NFL, qui a autant de rapidité à la position de secondeur. Brian Urlacher est capable de courir avec Clark. Lance Briggs peut contenir les porteurs du ballon qui quittent le champ arrière. Hunter Hillenmeyer peut s'occuper de Ben Utecht, qui n'est pas un marchand de vitesse. J'ai hâte de voir ces confrontations un contre un, parce que je pense que les Bears sont équipés pour avoir le dessus. Et même si Manning réussit à rejoindre ses receveurs, les Bears ont la rapidité nécessaire pour fermer les ouvertures et minimiser les gains après l'attrapée.
Vinatieri d'un bord, Hester de l'autre
Tony Dungy regarde ses unités spéciales et à l'exception du botteur Adam Vinatieri, je ne crois pas qu'il doit regorger de confiance. Dungy a vu Ellis Hobbs amasser 220 verges sur les retours de bottés il y a deux semaines. Avec tout le respect que j'ai envers M. Hobbs, il n'est quand même pas Devin Hester.
Donc, même si Robbie Gould a été excellent et a un bel avenir devant lui, il faut donner l'avantage aux Colts sur les bottés de précision. Vinatieri est déjà passé par-là. Il a gagné deux Super Bowls sur le dernier jeu du match. Il est imperturbable sous pression.
Vinatieri n'est toutefois pas parfait. Sur les 73 bottés d'envoi qu'il a effectués cette saison, 63 ont été retournés. C'est donc dire qu'il n'a pas la puissance requise pour envoyer ses bottés très profondément dans la zone des buts sur une base régulière, ce qui signifie plus d'opportunités pour Hester. Sur les retours de bottés cette saison, les Colts se sont classé 30e sur les bottés d'envoi et 31e sur les bottés de dégagement.
C'est l'inverse chez les Bears. Hester a tendance à voler la vedette, mais on oublie que les unités de couverture ont terminé dans le Top 10 sur les bottés de dégagement et troisièmes sur les bottés d'envoi. On a vu leur efficacité la semaine dernière lorsqu'elles ont encore provoqué une échappée sur le retour de Michael Lewis.
Dans la fameuse bataille du positionnement sur le terrain, les Bears sont donc en voiture. Un gros plus quand on pense que c'est toujours plus facile de marquer des points quand ton attaque débute au milieu du terrain que si 80 verges la séparent de la zone des buts.
On se mouille
Quand on regarde froidement cet affrontement : le parcours des Colts pour en arriver là, la bataille en apparence inégale au poste de quart, la domination de l'Association américaine sur la nationale en saison régulière, on peut comprendre pourquoi les Colts sont favoris par un touché. Mais au football, tout se décide dans un match et Dieu sait que tout peut arriver. En 2002, les Raiders s'étaient présentés au Super Bowl avec la meilleure attaque de la NFL menée par le joueur par excellence en saison régulière, le quart-arrière Rich Gannon. La réponse des Buccaneers de Tampa Bay ? Cinq interceptions et une victoire de 48-21.
J'avais fait l'erreur de prendre l'attaque des Raiders contre les Buccaneers. Depuis ce temps-là, j'ai toujours eu comme règle de base de prendre la meilleure défensive et je ne me suis jamais trompé. Cette année, je me risque en retournant avec l'attaque. Je m'attends toutefois à un match serré : les Colts l'emporteront, mais par moins d'un touché.
Propos recueillis par RDS.ca
Est-ce que la défensive des Colts sera capable d'arrêter l'attaque au sol des Bears? Et lequel de ses visages Rex Grossman nous montrera-t-il?
Les Colts n'ont pas encore accordé 100 verges au sol dans un match éliminatoire cette saison, limitant leurs adversaires à une moyenne de 73 verges par match par la course. Impressionnant pour une unité qui a pratiquement été la risée de la NFL cette saison. Rappelez-vous la facilité déconcertante avec laquelle les Jaguars de Jacksonville avaient couru le ballon lors de la semaine 14.
Pour expliquer ce regain de vie des Colts en défensive, on peut certainement regarder du côté de leur maraudeur Bob Sanders, blessé pendant pratiquement toute la saison régulière. Quand on pense à la défensive de Chicago, on pense aux Gros Méchants Bears : une unité vorace au tempérament bouillant, une présence intimidante. Chez les Colts, défensive rime avec rapidité et agilité. De belles qualités certes, mais qui ne font peur à personne. Mais Sanders, le meilleur plaqueur du groupe, apporte cette petite touche d'arrogance qui donne une bonne dose de confiance à ses coéquipiers. En défensive, les Colts privilégie principalement un système Cover 2, dans lequel les maraudeurs restent en retrait. Mais depuis le retour de Sanders, on l'amène dans la boîte défensive pour contrer la course et jusqu'ici, ça a fonctionné. Les Colts jouent plus rapidement, avec plus de fougue, d'intensité. On voit toujours quatre ou cinq joueurs autour du plaqué.
Les partisans des Colts doivent espérer que cette tendance se poursuivra parce que si c'est la vieille défensive qui se présente sur le terrain dimanche, ça risque d'être difficile. Depuis une vingtaine d'années, la défensive du gagnant du Super Bowl se classait toujours dans le Top 10 de la Ligue en saison régulière. Les Colts ont terminé 23e cette année.
La clé : le jeu au sol
Ce sont les deux quarts-arrières qui volent les manchettes depuis une semaine. Peyton Manning est enfin au Super Bowl, mais parviendra-t-il à remporter le match ultime pour se débarrasser de cette réputation du quart incapable de livrer la marchandise dans les gros matchs? Et Rex Grossman... Verra-t-on celui qu'on comparait à Joe Montana en début de saison ou celui qui a été tout simplement atroce dans les derniers matchs du calendrier régulier ?
Sans vouloir diminuer l'impact que ces deux joueurs auront sur l'issue du plus gros match de l'année dans la NFL, la clé au Super Bowl est dans le jeu au sol. Dans la capacité des formations à l'établir en attaque et à le neutraliser en défensive. L'équipe que sera en mesure de dominer cette facette du jeu va prendre une sérieuse option sur la victoire.
Si on se souvient du début de match qu'a connu Rex Grossman contre les Saints de la Nouvelle-Orléans il y a deux semaines, nul besoin de spécifier qu'il a besoin que ses porteurs de ballon connaissent du succès, et vite. S'il commence la rencontre en ne complétant que quatre de ses 18 premières passes, Grossman ne pourra compter sur les Colts pour commettre trois revirements
La meilleure façon de contrôler un front défensif petit et rapide, comme celui des Colts, c'est de courir en puissance. Pour ça, les Bears sont bien équipés. Ils ont une grosse ligne à l'attaque, un atout que Lovie Smith voudra certainement utiliser pour punir ses opposants. Personne ne va se plaindre chez les Bears si Thomas Jones et Cedric Benson portent le ballon entre 35 et 40 fois. Ça voudra dire que tout va bien. Le scénario idéal pour les Bears serait de pouvoir courir le plus longtemps possible et de rester patients : les petites courses de trois ou quatre verges en début de match se transforment souvent en gains de sept ou huit verges au quatrième quart quand l'adversaire n'en peut plus de se faire rentrer dedans.
On court, on court, on court jusqu'à ce que l'équipe adverse soit fatiguée de se faire piler sur le corps et qu'elle amène un maraudeur dans la boîte défensive. Les receveurs de passe se retrouvent alors en couverture homme à homme et c'est à ce moment qu'on voit toujours les fameuses bombes à Bernard Berrian. Grossman a essuyé beaucoup de critiques cette saison, certaines étaient justifiées, mais il faut lui donner ce qui lui revient : il est bon sur les longs jeux de passe. Ce ne sont pas tous les quarts qui peuvent repérer régulièrement et avec précision leurs receveurs sur de longs tracés, mais Grossman le fait bien. Par contre, il n'est pas le genre de gars qui va conduire une séquence de dix jeux avec dix passes de sept verges. Pour lui, c'est tout ou rien. Il a besoin plus que quiconque que son attaque connaisse du succès pour avoir un poids de moins sur les épaules.
Les Bears pourraient ainsi avoir les Colts à l'usure, mais la défensive aura son rôle à jouer dans cette stratégie. Si elle ne tient pas le coup contre Peyton Manning, Grossman devra tenter de répliquer œil pour œil, et c'est là que ça se corserait.
Par contre, il y a une chose que j'aimerais voir les Bears faire, une chose qu'aucune équipe n'a fait depuis le début des éliminatoires contre les Colts : débuter le match comme l'ont fait les Steelers de Pittsburgh l'an dernier contre les Colts. Tout le monde s'attendait à voir Willie Parker et Jerome Bettis, mais Ben Roethlisberger avait commencé à distribuer le ballon à ses receveurs, notamment à l'ailier rapproché Heath Miller, une stratégie qui avait vraiment déstabilisé les Colts. Du coup, on s'est méfié du bras de Big Ben et des dommages qu'il pouvait causer. Les Bears gagneraient un gros avantage s'ils pouvaient en faire autant. Et même si ces premières passes sont incomplètes, au moins ils enverraient le message aux Colts. Est-ce que ça vous intéresse de nous donner un jeu de 50 verges? Voulez-vous vraiment prendre cette chance?
De toute façon, Grossman n'aura pas le choix. Il n'est pas le meilleur joueur des Bears, mais est sans doute leur plus important. Il va falloir qu'il complète des passes. Il devra convertir des troisièmes essais. On va même lui demander d'y aller sur des quatrièmes essais, comme les Patriots de Bill Belichik l'ont si souvent fait. Il ne pourra pas se contenter de gérer le match et on ne pourra pas le cacher dans un rôle plus secondaire. Il va falloir qu'il fasse des gros jeux. Il devra faire tout en son pouvoir pour garder son unité sur le terrain le plus longtemps possible et forcer Manning à regarder tout ça des lignes de côté. Parce que Manning, lui, quand il en aura la chance, il va en mettre des points au tableau.
La bonne nouvelle pour Grossman, c'est qu'il se prépare à affronter une équipe qui ne blitze pas beaucoup. Parce que s'il y a une faiblesse qu'on a décelée dans son jeu, c'est son incapacité à lire le blitz, à le prévoir et à y réagir. Les Colts jouent une défensive de zone et appliquent de la pression à quatre joueurs. Techniquement, Grossman devrait toujours savoir d'où la pression va venir. Reste à savoir si son horloge interne sera aussi bonne que celle de Tom Brady, qui est capable de rester droit comme un chêne dans sa zone de protection même quand la pression est là, à quelques pieds de lui.
Évidemment, cette pression va provenir en grande partie de Dwight Freeney. Ça sera d'ailleurs un autre beau face-à-face à observer : celui entre Freeney et le plaqueur John Tait. Tait est très grand tandis que Freeney est plus trapu et est passé maître dans l'art de se baisser et de tourner le coin. J'ai hâte de voir si Tait sera capable de le ralentir.
Une carte cachée
Pour l'aider à faire avancer le ballon, Grossman devra exploiter sa plus belle carte cachée, son ailier rapproché Desmond Clark, qui pourrait bien s'avérer être le héros obscur du match. Gardez un œil attentif sur le numéro 88 et observez son rôle sur les jeux au sol des Bears. Vous découvrirez un excellent bloqueur.
Les Bears ont quelques jeux qu'ils utilisent régulièrement et qui mettent à profit les habiletés de Clark. Un tracé en puissance invitera le porteur de ballon à courir derrière Clark, qui sera aidé dans sa cause par le centre-arrière et le garde du côté opposé qui décrochera pour venir appuyer l'offensive. Un autre laisse croire à la défensive qu'on ira à l'opposé de Clark, seulement pour mieux revenir derrière lui.
Par la passe, c'est lui qui pourrait bénéficier le plus du système de couverture numéro 2 des Colts, à l'intérieur duquel on demande aux maraudeurs de tricher un peu plus vers les lignes de côtés. Si tu as un bon ailier rapproché, tu peux attaquer le milieu du terrain et ça devient une arme assez importante. La défensive décide de solutionner le problème en fermant le centre du terrain? Elle vient peut-être d'en créer un autre, puisque les receveurs espacés auront automatiquement plus de liberté.
Il passe souvent inaperçu, ce n'est pas un gros nom, il ne reçoit pas toujours les fleurs qu'il mérite, mais Desmond Clark détient l'une des clés de l'attaque des Bears.
L'importance d'Addai et Rhodes
Dans mon livre, les deux joueurs clés chez les Colts seront les deux porteurs de ballon, Joseph Addai et Dominic Rhodes. Indianapolis gagne en moyenne 137 verges au sol depuis le début des éliminatoires, une production de 25% supérieure à celle à laquelle ils nous ont habitués en saison régulière. Les Colts ont une attaque équilibrée et même si c'est tentant d'y aller allègrement par la voie des airs avec de tels joueurs, ils ont besoin de leur attaque au sol pour connaître du succès.
Oui, j'en conviens, Manning est plus équipé que son vis-à-vis pour lancer 50 passes dans un match s'il doit le faire, mais même lui a besoin de son attaque au sol pour garder la défensive adverse honnête, ralentir le front défensif qui le pourchasse et établir ses feintes de courses/passes. Pour des ailiers défensifs comme Alex Brown et Adewale Ogunleye, plus tu absorbes des blocs pour le jeu au sol, plus ça te fatigue et moins tu as de jus pour appliquer de la pression plus tard dans le match.
La force de Manning, c'est qu'il prend ce que la défensive adverse lui donne. Généralement, il va appeler trois ou quatre jeux dans le caucus et lorsqu'il arrivera à la ligne d'engagement, il va en choisir un. S'il voit que les deux maraudeurs ont les pieds ancrés à dix ou douze verges de la ligne d'engagement, il va appeler un jeu au sol parce qu'il sait qu'il n'y a que sept gars dans le front défensif. S'il voit que huit joueurs forment la boîte défensive et qu'un seul maraudeur patrouille le milieu de terrain, il va probablement appeler un jeu de passe. On revient alors à l'importance du jeu au sol. Si les Bears tiennent vraiment à protéger les zones profondes pour se protéger contre Marvin Harrison, Reggie Wayne et compagnie, les numéros de Rhodes et Addai seront appelés à profusion.
Combien de fois a-t-on vu Peyton Manning aller à son petit dépanneur dans le flanc ou encore repérer son porteur qui s'était faufilé derrière la ligne défensive et devant les secondeurs, prêt à recevoir une courte passe de trois ou quatre verges, souvent pour un premier jeu?
Vous vous souvenez du petit jeu auquel les Colts se sont adonnés contre les Patriots en finale d'association? On avait réussi à isoler Dallas Clark ou Bryan Fletcher contre le secondeur Eric Alexander et la stratégie avait donné de gros jeux. Je ne crois pas que ça sera possible de jouer le même tour au Bears. Il n'y a pas beaucoup d'unités défensives, à travers la NFL, qui a autant de rapidité à la position de secondeur. Brian Urlacher est capable de courir avec Clark. Lance Briggs peut contenir les porteurs du ballon qui quittent le champ arrière. Hunter Hillenmeyer peut s'occuper de Ben Utecht, qui n'est pas un marchand de vitesse. J'ai hâte de voir ces confrontations un contre un, parce que je pense que les Bears sont équipés pour avoir le dessus. Et même si Manning réussit à rejoindre ses receveurs, les Bears ont la rapidité nécessaire pour fermer les ouvertures et minimiser les gains après l'attrapée.
Vinatieri d'un bord, Hester de l'autre
Tony Dungy regarde ses unités spéciales et à l'exception du botteur Adam Vinatieri, je ne crois pas qu'il doit regorger de confiance. Dungy a vu Ellis Hobbs amasser 220 verges sur les retours de bottés il y a deux semaines. Avec tout le respect que j'ai envers M. Hobbs, il n'est quand même pas Devin Hester.
Donc, même si Robbie Gould a été excellent et a un bel avenir devant lui, il faut donner l'avantage aux Colts sur les bottés de précision. Vinatieri est déjà passé par-là. Il a gagné deux Super Bowls sur le dernier jeu du match. Il est imperturbable sous pression.
Vinatieri n'est toutefois pas parfait. Sur les 73 bottés d'envoi qu'il a effectués cette saison, 63 ont été retournés. C'est donc dire qu'il n'a pas la puissance requise pour envoyer ses bottés très profondément dans la zone des buts sur une base régulière, ce qui signifie plus d'opportunités pour Hester. Sur les retours de bottés cette saison, les Colts se sont classé 30e sur les bottés d'envoi et 31e sur les bottés de dégagement.
C'est l'inverse chez les Bears. Hester a tendance à voler la vedette, mais on oublie que les unités de couverture ont terminé dans le Top 10 sur les bottés de dégagement et troisièmes sur les bottés d'envoi. On a vu leur efficacité la semaine dernière lorsqu'elles ont encore provoqué une échappée sur le retour de Michael Lewis.
Dans la fameuse bataille du positionnement sur le terrain, les Bears sont donc en voiture. Un gros plus quand on pense que c'est toujours plus facile de marquer des points quand ton attaque débute au milieu du terrain que si 80 verges la séparent de la zone des buts.
On se mouille
Quand on regarde froidement cet affrontement : le parcours des Colts pour en arriver là, la bataille en apparence inégale au poste de quart, la domination de l'Association américaine sur la nationale en saison régulière, on peut comprendre pourquoi les Colts sont favoris par un touché. Mais au football, tout se décide dans un match et Dieu sait que tout peut arriver. En 2002, les Raiders s'étaient présentés au Super Bowl avec la meilleure attaque de la NFL menée par le joueur par excellence en saison régulière, le quart-arrière Rich Gannon. La réponse des Buccaneers de Tampa Bay ? Cinq interceptions et une victoire de 48-21.
J'avais fait l'erreur de prendre l'attaque des Raiders contre les Buccaneers. Depuis ce temps-là, j'ai toujours eu comme règle de base de prendre la meilleure défensive et je ne me suis jamais trompé. Cette année, je me risque en retournant avec l'attaque. Je m'attends toutefois à un match serré : les Colts l'emporteront, mais par moins d'un touché.
Propos recueillis par RDS.ca