Le premier match d'une saison de football, c'est toujours comme une boîte à surprises. Une équipe ne montre jamais ses vraies cartes pendant son calendrier préparatoire et par conséquent, on ne savait pas trop à quoi s'attendre des Alouettes.

La seule chose à laquelle on était en droit de s'attendre, c'était un match chaudement disputé et c'est en plein ce qu'on a eu. Le match de jeudi dernier était le septième de saison régulière entre les Alouettes et les Lions de la Colombie-Britannique depuis 2008. Avec la victoire, les Oiseaux ont brisé l'égalité et montrent un dossier de 4-3, mais ce qui est surtout remarquable, c'est que l'issue de six de ces rencontres s'est décidée dans les trois dernières minutes.

C'est encore le scénario qu'on a vécu pour le début de la saison 2011 à Montréal et je m'en réjouis. Je n'essaierai pas de vous faire croire que je ne suis pas heureux quand les Alouettes gagnent, mais avant tout, je veux voir un bon spectacle. Vu de cet angle, le premier match du calendrier n'a pas déçu.

On ne s'enlignait toutefois pas vers un tel scénario après la première moitié du match. À la demie, les Alouettes menaient par 17 points et l'attaque aérienne dirigée par Anthony Calvillo s'était complètement moquée de l'opposition offerte par les Lions. Si vous êtes un partisan des Alouettes, vous êtes probablement déçu que l'équipe n'ait pas été en mesure de s'envoler avec la victoire plus tôt dans la partie.

De mon côté, je préfère mettre les choses en perspective. Quand on y pense, 333 verges d'attaque, trois touchés et 27 points, ce sont des statistiques anormales pour 30 minutes de football. C'est vrai que les Alouettes n'ont inscrit que six points et n'ont généré que 131 verges d'attaque en deuxième demie, mais il ne fallait pas non plus s'attendre à ce que les chiffres de la première demie soient dupliqués. Pensez-y! Des récoltes de 700 verges dans match, ça ne se voit pas au football.

Non, je préfère jeter un regard positif sur le départ canon des Alouettes. Fidèles à leurs habitudes, les joueurs sont sautés sur le terrain bien préparés et ont obtenu les résultats qui viennent généralement avec l'exécution d'un excellent plan de match. Les hommes de Marc Trestman étaient prêts, ça personne ne peut en douter.

Chapeau aussi aux Lions pour avoir apporté les ajustements adéquats à la mi-temps. C'est souvent ça, le football. Un jeu, un coup de poing sur la margoulette qui affaiblit la confiance de l'adversaire, qui le rend plus fragile. Pour les Lions, ce jeu a été le touché de Tim Brown sur les unités spéciales, tôt au troisième quart.

Seulement sur ce retour de botté de 97 verges, on a été témoin de tous les ennuis qui ont affecté les unités spéciales des Alouettes lors du camp d'entraînement.

- Le botté comme tel ne manquait pas de distance, mais il n'avait pas assez de hauteur. L'unité de couverture est donc arrivée en retard sur le jeu.

- Une fois que Brown a pris la poudre d'escampette, cette même unité de couverture a manqué de discipline dans ses corridors. L'espace entre les joueurs des Alouettes n'était pas bon et, pire encore, on a vu des joueurs des Als se suivre plutôt que de courir côte à côte. Dans le grand livre des unités spéciales, il s'agit d'une erreur majeure, une règle d'or bafouée.

- Des joueurs en poursuite ont manqué leur freinage et n'ont donc pas été en mesure de se donner un bon angle de poursuite. Avec la superficie du terrain et la qualité des retourneurs dans la Ligue canadienne, ça pardonne rarement.

Comme je disais, donc, c'est le coup de poing que les Lions ont asséné aux Alouettes pour les ébranler et revenir dans le combat. Ça n'a pas été un K.-O., mais ça a néanmoins changé complètement l'allure du match.

Par contre, ce que je retiens encore une fois de tout ça, c'est que la défensive des Alouettes a tenu le fort. Dans un match qui s'est soldé par un mince écart de quatre points, le chiffre que je retiens, c'est « 5 ». C'est le nombre de bottés de précision tentés par les Lions.

Le constat qu'on peut en tirer : c'est une chance que la défensive des Alouettes a plié sans jamais casser. On s'amuse avec les chiffres, mais si deux des cinq bottés sont transformés en touchés, Montréal perd le match 34-30.

Vous pouvez choisir de voir le verre à moitié vide en constatant que la tertiaire des Alouettes a concédé dix jeux de plus de 20 verges et un total de 366 verges par la passe. Je sais que ce n'est pas joli, mais personnellement je préfère voir le verre à moitié plein : quand c'était le temps de fermer la porte, on l'a fait.

Pas pareil sans Jerald Brown

Il y a aussi un bémol qu'il faut apporter au rendement défensif des Alouettes. Quand on perd, dès le début d'un match, un joueur de la qualité de Jerald Brown, on devient automatiquement plus vulnérable.

Jacques Chapdelaine, le coordonnateur à l'attaque des Lions, n'est pas un deux de pique. Pendant tout le match, il a utilisé ce que j'appelle la formation Delta, qui s'approche de ce que les Anglais appellent le Bunch. Cette formation se caractérise par la présence d'un triangle formé de trois receveurs de passes, un devant et deux derrière, à l'extrémité de la ligne d'engagement.

Cette stratégie demande beaucoup de communication au sein de la défensive adverse et chez les Alouettes, la blessure de Brown a provoqué deux changements au sein de l'unité. Billy Parker a pris directement sa place tandis que Jeff Hecht, une recrue, a remplacé Parker. Chapdelaine s'est dit que ces gars-là n'avaient probablement jamais pratiqué ensemble et a donc décidé de leur envoyer des formations destinées à semer la confusion parmi les troupes ennemies. Son plan a fonctionné. Le touché de Hakeem Foster à partie de la porte des buts en est l'exemple parfait.

La perte de Brown est certainement un développement dont les Alouettes auraient pu se passer. Le demi de coin est non seulement l'un des meilleurs joueurs de l'unité défensive, il est l'un des membres importants de l'équipe. On entend de lui qu'il est un joueur super intelligent et qu'il est un excellent leader. Sa perte sera considérable au niveau de la dynamique de l'équipe.

Le seul côté positif dans tout ça, c'est que sa blessure est survenue lors de la première semaine de la saison et non en finale de l'Est, une semaine avant le match de la coupe Grey. C'est dommage, mais la vie continue et l'équipe a encore 17 matchs de saison régulière à disputer. On peut sympathiser avec Brown, mais c'est surtout le temps de lui trouver un remplaçant.

On pourrait rapatrier De'Audra Dix, qui n'avait pas survécu aux coupures printanières. Il y a aussi Seth Williams qui avait très bien fait au camp d'entraînement, mais il est présentement blessé à une jambe. On s'attendait à une absence de quatre à six semaines dans son cas, après quoi on avait l'intention de le ramener. Ça pourrait être une solution à moyen terme.

À l'interne, les options se résument à ça. Mais la blessure de Brown est survenue au premier quart et je suis convaincu qu'à la demie, Jim Popp avait déjà utilisé la moitié de ses batteries de téléphone cellulaire pour trouver un plan B.

L'an dernier, les Alouettes ont survécu à la perte d'Anthony Calvillo. Il n'y a donc pas de raison qu'ils ne s'en tirent pas sans Jerald Brown cette année.

De solides liens de confiance

Parlant de Calvillo, on a pu constater qu'il n'avait rien perdu de sa touche pendant la saison morte.

C'est quand même incroyable, quand on y pense! Le gars a pris part à quatre jeux et a lancé deux passes en pré-saison. Il arrive sur le terrain pour affronter les Lions, qu'on voit comme l'une des bonnes équipes de la LCF cette année, et complète 73% de ses passes. Trois d'entre elles sont converties en touchés - des séquences spectaculaires de 52, 40 et 46 verges - et il n'est victime d'aucune interception.

Et comme si ce n'était pas assez, ce bon vieux Anthony, en pleine forme, nous claque une course de 20 verges. Il m'a fait penser à Tom Brady quand il avait servi une tasse de café à Brian Urlacher! Chose certaine, Marc Trestman a dû retenir son souffle quand il a vu son vétéran quart-arrière prendre ses jambes à son cou. Sur le jeu, Calvillo, en petit coquin qu'il est, a tenté le diable par la queue en déjouant Solomon Elimimian. La recrue de l'année dans la LCF la saison dernière est l'un des plus gros cogneurs du circuit!

Disons que Calvillo a choisi le bon moment pour sortir sa plus belle feinte de l'année!

Calvillo a distribué le ballon à six receveurs différents, mais 68% des 22 passes qu'il a complétées ont été captées par Jamel Richardson et S.J. Green. Les deux tours des Alouettes ont totalisé 15 attrapés pour des gains de 250 verges (80% des gains aériens de l'équipe) et trois touchés.

Dans le fond, on ne peut pas vraiment être surpris de voir ces deux gars-là être utilisés à outrance par Calvillo... et c'est justement ce qui rend leur performance impressionnante. Les Lions devaient le savoir que c'est ce qui s'en venait. À chaque jeu, ils pouvaient se dire qu'ils n'avaient qu'à les arrêter pour connaître du succès, mais ils n'étaient pas capables de le faire. Ça doit être difficile à avaler pour une défensive!

Pour une première performance, Brandon Whitaker a été excellent. Première demie : huit courses pour 73 verges. Deuxième demie : neuf courses, 46 verges. Ça lui donne une très bonne moyenne de sept verges par portée.

On ne l'a pas vu dans la protection, ce qui veut dire qu'il a fait le travail. Un porteur de ballon en protection, c'est comme un joueur de ligne à l'attaque : on ne parle de lui que s'il commet une gaffe ou lorsque le quart-arrière se fait écraser comme une crêpe.

Il a aussi attrapé quelques passes comme dépanneur. D'ailleurs, est-ce un hasard si Trestman a appelé son numéro sur le premier jeu de la saison 2011? Je trouve que c'est un beau message qu'a envoyé l'entraîneur. Il a mis son porteur en confiance avec un jeu facile d'exécution dès le départ et ne lui a pas trop mis de pression en distribuant bien les responsabilités sur les jeux de passes.

Whitaker a été bien épaulé et ça ne devrait pas nous surprendre venant de Trestman. C'est le genre de détail auquel il pense tout le temps. Assez d'encre avait coulé sur les gros souliers que le kid avait à remplir et le plan de match dessiné autour de lui était parfait.

L'utilisation de Whitaker n'est pas la seule carte que Trestman a bien jouée.

En début de match, alors que son attaque avait peut-être une verge et demie à aller chercher sur un troisième essai, à partir du milieu de terrain, le coach a décidé de garder son attaque dans la mêlée. Son audacieux pari a mené au premier touché du match.

Cette décision était un message positif évident envers son attaque, mais aussi un vote de confiance subtil envers sa défensive. En risquant ainsi de redonner le ballon à l'adversaire, Trestman a démontré à son unité défensive qu'il la croyait capable de renverser la vapeur si sa stratégie échouait.

Whyte a bien botté sous pression

Sean Whyte devra s'améliorer pour placer ses bottés d'envoi et de dégagement. Il devra aussi accepter de sacrifier un peu de distance pour ajouter de la hauteur à ses bottés, question de donner plus de temps à ses coéquipier pour entourer le retourneur lorsqu'il reçoit le ballon.

Mais dans l'ensemble, j'ai bien aimé le travail du nouveau botteur des Alouettes. Il a raté sa première tentative de placement, sur une distance de 35 verges, mais j'ai apprécié de le voir revenir comme il l'a fait. Après son échec en début de match, il a été 3-en-3 par la suite et ses deux dernières réussites ont couvert des distances de 47 et 46 verges.

Le dernier était particulièrement important parce qu'il portait la marque à 30-20 pour les Alouettes. À partir de ce moment, les Lions ne pouvaient donc plus créer l'égalité avec une seule possession du ballon. C'était un gros moment dans le match et ça nous a démontré que Whyte était capable de répondre sous pression.

Avant même le début du match, j'approuvais la décision des Alouettes d'insérer Whyte, et non Sandro DeAngelis, dans leur formation. Dans le fond, ce n'était pas une surprise parce que l'organisation a toujours été claire sur ce point. Lorsque DeAngelis a été embauché, la situation lui a bien été expliquée. On misait sur lui pour être une soupape de sécurité et pour installer un climat de compétition au camp d'entraînement. On avait pratiquement donné le job à Whyte en se disant que s'il n'était pas capable de vivre avec un peu d'adversité, aussi bien le découvrir pendant le camp d'entraînement qu'au quatrième quart du match de la coupe Grey.

Les Riders seront affamés

Les Alouettes s'en vont maintenant à Regina pour affronter les Roughriders de la Saskatchewan, qui ont été surpris par les Eskimos d'Edmonton en fin de semaine. Si on peut avoir la moitié de l'action lors du match en Saskatchewan l'an passé, on va en avoir pour notre argent!

S'il y a un ajustement que les Alouettes devront apporter pour faire concurrence aux Riders, il est sur le front défensif. Contre les Lions, les joueurs de ligne et les secondeurs montréalais ont été incapables, pour la majeure partie du match, de contenir le quart-arrière Travis Lulay dans sa pochette. Pour une équipe qui compte sur de jeunes demis défensifs et qui joue plus souvent qu'autrement du homme à homme, ce n'est pas l'idéal.

Vous pouvez être certain que les entraîneurs des Roughriders l'ont remarqué sur les vidéos. Darian Durant, il est assez mobile à votre goût? Si Lulay a pu aller chercher des premiers jeux à sa guise avec ses jambes, Durant va accueillir les Alouettes avec l'eau à la bouche! Les Oiseaux devront donc absolument trouver une solution à ce problème.

J'aimerais aussi voir les Roughriders adopter la fameuse formation Delta qui a fait le succès des Lions. Souvent, des équipes prennent pour acquis que leurs rivaux vont avoir corrigé leurs erreurs du match précédent et ne prennent même pas la peine de les tester dans cette facette du jeu. Mais personnellement, j'aime voir une équipe vérifier par elle-même si la brèche a été colmatée. Les Riders le feront-ils?

Vous le saurez si vous vous joignez à notre équipe samedi prochain pour la télédiffusion du match. D'ici là, bonne semaine à tous!

*Propos recueillis par Nicolas Landry.