Les Argos ont été ramenés sur terre
Football vendredi, 30 juil. 2010. 23:58 jeudi, 12 déc. 2024. 10:32
Les Alouettes ont réservé aux Argonauts de Toronto le même traitement qu'ils avaient servi aux Tiger-Cats de Hamilton la semaine précédente. En bon québécois, ils ont pété leur "balloune".
Comme leurs voisins ontariens, les Argos se disaient améliorés - ce qui n'est pas faux - et arrivaient à Montréal gonflés à bloc, déterminés à prouver qu'ils avaient réduit l'écart qui les séparait des champions en titre de la coupe Grey. Pour eux, la rencontre de jeudi au stade Percival-Molson se voulait un match baromètre, une façon idéale de mesurer le progrès réalisé depuis un an.
Je ne veux pas faire de peine à personne, mais les Argonauts ne peuvent pas faire autrement que de dresser un constat d'échec. Ils sont arrivés ici regorgeant de confiance et sont repartis la tête basse, la queue entre les deux jambes et devant l'évidence qu'il y a encore beaucoup de travail à faire.
Chez les Alouettes, il y a plusieurs performances qu'on ne peut passer sous silence. Avon Cobourne a été élu joueur du match, mais Anthony Calvillo a aussi amassé des statistiques impressionnantes et la défensive a une fois de plus été solide. En fait, c'est peut-être le premier match de la saison au cours duquel les trois facettes du jeu ont véritablement bien fait.
Les unités spéciales avaient peut-être été la seule constante de l'équipe au cours des quatre premiers matchs. On connaît l'histoire de la défensive, qui a pris un match et demi avant de se mettre en marche, mais qui est intraitable depuis. Et en attaque, c'était un début de saison en dents de scie. Mais on peut officiellement dire que jeudi, les Alouettes ont, pour la première fois de l'année, joué à plein régime.
Le résultat final ne ment pas. D'accord, le pointage était assez serré après une demie, mais les Alouettes ont gagné la deuxième demie 24-0. Les Argonauts n'ont jamais été capables de suivre la cadence.
Les habitués de ma chronique savent que je m'époumone souvent à parler de l'importance du jeu au sol pour pouvoir compter sur une attaque équilibrée et ce n'est certainement pas aujourd'hui que je vais en démordre : quand Cobourne connaît du succès, l'offensive des Alouettes est encore meilleure, encore plus dangereuse. Si l'adversaire doit jouer de façon honnête et chercher à se défendre autant contre la passe que contre la course, l'attaque des Alouettes, avec tout le talent qu'elle possède et le niveau d'exécution qu'elle est capable d'atteindre, est pratiquement impossible à arrêter.
On en a eu une preuve contre Toronto.
Le facteur Avon Cobourne
Les succès de Cobourne contre les Argonauts ont ouvert la voie au jeu aérien. Calvillo a complété 30 de ses 36 passes - et je ne compte pas celles échappées par Jamel Richardson et Ben Cahoon - avec des gains approchant les 400 verges et deux passes de touché. En plus, après s'être fait brasser la cage pas à peu près dans les quatre matchs précédents, Calvillo a eu tout l'espace nécessaire pour faire son travail et n'a été victime d'aucun sac. Ce n'est pas des farces, le gérant de l'équipement de l'équipe pourrait pratiquement prendre l'uniforme de Calvillo et le mettre tout de suite sur un support dans son casier pour le prochain match. Même pas besoin de le laver, je me demande s'il a sué dedans!
Je sais que souvent, les stratégies offensives sont directement liées au style défensif et au personnel de l'équipe que tu affrontes, mais ça ne change rien au nœud de ma théorie : quand l'attaque au sol des Alouettes fonctionne bien, le jeu aérien fonctionne bien. Je ne dis donc pas de courir pour passer moins souvent, mais plutôt de courir pour être encore meilleur quand on décide de passer.
Revenons à Cobourne... Vous savez, ce n'est pas un cliché quand on dit que les succès d'un porteur de ballon sont proportionnels au nombre de fois où il touche au ballon. Plus un demi offensif est impliqué dans le match, plus il court en confiance et, surtout, meilleure est sa vision de ce que la défensive adverse lui présente. Un porteur de ballon occupé anticipe mieux les mouvements défensifs visant à le contrer. Il atteint un niveau où il sait exactement où les brèches s'ouvriront et peut ainsi faire ses changements de direction au bon endroit et au bon moment. Mike Pringle, qui était à son meilleur au quatrième quart, en est un bon exemple.
Chapeau à Cobourne, donc, qui a amassé plus de 100 verges au sol et par la passe, une première pour lui depuis un match de la saison 2008 contre... les Argos. Mais le plus beau, c'est que sa contribution ne s'est pas arrêtée là. Au-delà de ses belles courses et de tous ses attrapés, je retiens surtout le rôle qu'il a joué dans la protection de Calvillo. De mon siège, je l'ai vu réussir des blocs assez spectaculaires qui ont empêché le quart-arrière de se retrouver sur le derrière à quelques reprises.
Ce qu'il faut comprendre, c'est que les Alouettes en demandent beaucoup à Cobourne au niveau des protections. Souvent, un porteur de ballon va se faire assigner un joueur à bloquer. Parfois, on va lui demander de faire une double lecture. Mais les tâches qu'on donne à Cobourne sont plus complexes. On lui demande souvent de guetter une moitié complète du terrain et ce qui le rend si bon, c'est qu'il a cette capacité à balayer du regard ce qui se passe devant lui et à se déplacer rapidement d'est en ouest pour boucher une faille qui se serait créée dans la ligne offensive.
Pour moi, Cobourne a réalisé son plus beau jeu du dernier match sur un blitz des Argos. Il était responsable du côté droit de la protection, mais quand il a vu que personne ne menaçait sa zone, il a porté son regard à gauche, a traversé le terrain devant Calvillo pour aller frapper, à la dernière seconde, un secondeur qui s'en venait à toute vitesse. Ça peut paraître simple, mais c'est loin de l'être.
J'ai toujours dit que Cobourne était la bougie d'allumage de l'attaque des Alouettes. Il a le don de soulever la foule et ses coéquipiers parce qu'à mon avis, une longue course est un jeu plus rassembleur qu'une longue passe, en ce sens qu'elle implique tout le monde sur le plan physique. Un jeu de course qui fonctionne va apporter beaucoup d'énergie et d'adrénaline à toute l'unité offensive.
À l'inverse, être victime d'un revirement sur un jeu au sol peut avoir des effets dévastateurs sur le moral des troupes. Pour cette raison, et connaissant l'"affection" de Trestman pour cette facette du jeu, j'ai eu peur que Cobourne soit relégué aux oubliettes lorsqu'il a perdu possession de l'objet ovale au début du deuxième quart. D'autant plus qu'avant de commettre cette bourde, sa moyenne de gain par course n'était que de 4,4 verges, un rendement inacceptable de l'aveu même de Calvillo.
Mais j'ai aimé la réponse des Alouettes. Dès le retour de l'attaque sur le terrain, Calvillo a trouvé Cobourne pour un gain de sept verges, lui envoyant ainsi le message qu'il avait besoin de lui et que sa confiance en lui n'était pas affectée. Visiblement, le petit numéro 6 a apprécié parce qu'il a été meilleur à partir de ce moment.
Au niveau des stratégies sur les jeux au sol, les Alouettes nous ont montré des blocages différents. Kerry Carter a été impliqué dans plusieurs blocs pièges où on lui demandait de passer derrière la ligne offensive en diagonale et de frapper un joueur défensif de côté.
Aussi, à partir de schémas de blocage identiques, on a vu Cobourne attaquer à des endroits complètement opposés. C'était bien visible au quatrième quart : à quelques reprises, les Argonauts pensaient avoir compris un stratagème des Alouettes, mais Cobourne les surprenait en empruntant une direction différente. Les Alouettes ont fait du bon travail pour semer la confusion dans le front défensif des Argos.
Enfin, bravo à la ligne à l'attaque! On lui a donné la chance d'imposer sa volonté, de frapper l'adversaire au lieu de toujours attendre de se faire frapper et elle a bien répondu à l'appel : aucun sac du quart accordé en plus de bloquer pour un porteur de ballon qui a récolté plus de 100 verges. Ça dans le fond, c'est le meilleur des deux mondes pour une ligne à l'attaque. Il n'existe pas beaucoup de statistiques pour les gros bonshommes en avant, mais l'accomplissement de ces deux objectifs représente toujours une belle source de fierté.
Marc Trestman avait pensé à tout
Dès le premier botté d'envoi, on a vu que les Alouettes étaient bien préparés pour affronter les Argos. À leur première possession, ils ont complété les huit passes qui ont été appelées dans le caucus, filant allègrement vers la zone des buts. Marc Trestman avait donc bien identifié les items de son livre de jeux qui fonctionneraient contre Toronto.
Une autre observation me dit que l'entraîneur des Alouettes ne laisse aucun détail au hasard. Avant d'arriver à Montréal, la défensive des Argonauts avait tendance à blitzer à outrance et dès la première séquence, elle a décidé de montrer ses couleurs. Avec un schéma défensif qu'on appelle sting, qui consiste à amener le maraudeur vers la ligne d'engagement afin d'envoyer de la pression avec un joueur de plus que l'adversaire n'a de bloqueurs, elle a tenté de se rendre à Calvillo en créant un surnombre.
Mais les Alouettes l'attendaient, ce jeu, et c'est à ce moment qu'ils ont décoché la première petite passe à Cobourne dans le centre. Résultat : on est allé chercher un premier essai sur un "2e et long" et ça a refroidi complètement les Argonauts, qui sont soudainement devenus beaucoup moins agressifs.
À la base, ce jeu peut sembler anodin. On peut penser que Calvillo a simplement remis le ballon à son dépanneur en réaction à la pression qui commençait à se faire sentir, mais ce n'est pas le cas. Il s'agissait d'un jeu préparé sur mesure pour une tactique que les entraîneurs avaient décelée sur les bandes vidéo.
Alors chapeau à Trestman et à ses adjoints, qui ont remporté la bataille stratégique dès les premières minutes de la partie.
Une défensive plus agressive et donc plus efficace
Comme je le mentionnais un peu plus tôt, après les six premiers quarts de la saison, la défensive des Alouettes a retrouvé ses repères.
On dit souvent que la clé de toute bonne défensive est de savoir arrêter le jeu au sol. Il est donc bon de noter que les Alouettes viennent de menotter coup sur coup Jamal Robertson des Lions, DeAndra Cobb des Tiger-Cats et Cory Boyd des Argonauts. On les a complètement éliminés de l'équation, forçant ainsi l'adversaire à passer le ballon.
La défensive des Alouettes pratique un style très physique. Jeudi, chaque fois qu'un joueur adverse touchait au ballon, il était entouré de plusieurs chandails rouges. Prenez par exemple l'échappé de Chad Owens, qui a été suivi du long retour d'Eric Wilson. L'ancien des Alouettes avait deux demis défensifs sur le dos quand Shea Emry est arrivé en poursuite pour lui faire perdre le ballon.
C'est de la discipline, de l'effort, de l'intensité. Ça n'a rien à voir avec la stratégie! C'est ça la défensive des Alouettes. On ne peut jamais lui reprocher son manque d'effort.
Seule petite tache au dossier : on doit s'améliorer sur les situations de deuxième essai et long.
On a vu une volonté à cet effet lors de la deuxième demie contre les Argos. Toronto a un nouveau quart, un nouveau groupe de receveurs et les Alouettes ont finalement décidé de tester leur exécution. Finie la petite défensive "pépère", trop prudente. Ils sont passés à l'attaque et ont pris le pari que l'exécution des Argos ne serait pas à point sous pression. Et c'est exactement ce qui est arrivé.
Maintenant, il serait important d'implanter cette mentalité en début de rencontre.
Sans vouloir vexer qui que ce soit, je crois que la meilleure défensive des Alouettes contre les Argos aura été l'attaque, qui a passé 37 minutes sur le terrain.
Boulay a été frappé par un train!
Avant la rencontre, on craignait que Cory Boyd, le gros porteur de ballon des Argonauts, ne fasse des ravages dans la défensive des Alouettes. Finalement, le meneur pour les gains par la course dans la LCF a été limité à 53 verges, mais Étienne Boulay se souviendra longtemps de sa rencontre avec l'imposant demi offensif!
À la fin du premier quart, alors que les Argonauts s'avançaient profondément dans le territoire des Alouettes, Boyd a trouvé une brèche au centre de la défensive et s'est rendu jusque dans la tertiaire, où il est entré en collision avec le maraudeur québécois qui, disons-le, a encaissé le gros du choc! Boulay n'a peut-être pas bien paru, mais il a néanmoins fait son travail. Il a eu le courage de se mettre dans le chemin du géant et de lui bloquer le passage vers la terre promise.
Et à la défense d'Étienne, il y a quelque chose que vous devez comprendre. Au football, les pires porteurs de ballon à affronter sont ceux bâtis dans le moule de Boyd, c'est-à-dire le genre de gaillard très physique, mais assez rapide pour te contourner. C'est l'enfer, parce que tu n'as aucune idée du sort qui te sera réservé.
Si tu crois qu'il s'enligne pour te battre de vitesse et que finalement, il a décidé de te passer sur le corps et t'attrape alors que tu es sur les talons, tu vas en manger une sincère! Si, au contraire, tu t'attends à ce qu'il t'attaque en robustesse et que tu plantes tes pieds en baissant la tête pour donner le gros coup, mais qu'il opte pour une voie de contournement, tu passes dans le beurre à pleine vitesse.
Bref, les probabilités d'avoir l'air fou sont assez élevées. C'est la raison pour laquelle je souligne le travail d'Étienne. Il ne mérite peut-être pas une grosse note pour l'esthétique, mais il a été efficace et c'est tout ce qui compte.
Des bâtons dans les roues
Vous savez, au football, on parle souvent du fameux momentum. Souvent, une équipe a le vent dans les voiles jusqu'à ce qu'un petit pépin survienne et tout à coup, la balance commence à pencher de l'autre côté.
On ne saura jamais comment l'histoire du match aurait été écrite si ce n'était pas arrivé, mais j'ai rarement vu une pénalité changer l'allure d'une rencontre comme celle d'E.J. Kuale, qui est allé frapper Damon Duval après un botté de dégagement au milieu du deuxième quart. Les Argonauts avaient marqué dix points consécutifs pour prendre les devants et venaient de forcer les Alouettes à sortir du terrain après deux jeux consécutifs. En plus, Chad Owens avait capté le botté de dégagement et l'avait ramené dans le territoire montréalais. Et puis BANG! Pénalité...
Sans cette gaffe, les Argos vont peut-être marquer un deuxième touché pour prendre une avance de dix points. Les Alouettes se retrouvent peut-être avec le moral dans les talons et ne s'en remettent peut-être jamais. On ne sait pas. Ce qu'on sait, c'est que la pénalité a littéralement scié les jambes des Argonauts.
Finalement, les Alouettes ont conservé le ballon, sont allés marquer un touché et on connaît la fin de l'histoire.
Un petit calcul rapide, avant de vous quitter...
On a vu les Alouettes démolir les Tiger-Cats avec seulement un entraînement dans le corps. Ils ont ensuite pulvérisé les Argonauts avec deux entraînements derrière la cravate. Qu'est-ce que ce sera contre les Roughriders de la Saskatchewan, que les Alouettes affronteront après une bonne semaine de trois entraînements.
Les Alouettes ont eu leur part de problèmes avec le calendrier depuis le début de la saison. Leurs nombreux voyages ne leur laissaient pas beaucoup de temps pour pratiquer et récupérer. Et bien j'ai des petites nouvelles pour les joueurs des Riders : c'est leur tour de devoir composer avec cette situation. Quand les deux équipes croiseront le fer, il se sera écoulé huit jours depuis le dernier match des Alouettes et seulement six depuis le dernier des Verts, qui devront en plus se taper le voyage.
J'ai déjà hâte à ce match-là, parce que disons que le premier duel a mis la barre assez haute. C'est à souhaiter que les partisans montréalais auront droit au même genre de spectacle!
À la semaine prochaine!
*Propos recueillis par Nicolas Landry.
Comme leurs voisins ontariens, les Argos se disaient améliorés - ce qui n'est pas faux - et arrivaient à Montréal gonflés à bloc, déterminés à prouver qu'ils avaient réduit l'écart qui les séparait des champions en titre de la coupe Grey. Pour eux, la rencontre de jeudi au stade Percival-Molson se voulait un match baromètre, une façon idéale de mesurer le progrès réalisé depuis un an.
Je ne veux pas faire de peine à personne, mais les Argonauts ne peuvent pas faire autrement que de dresser un constat d'échec. Ils sont arrivés ici regorgeant de confiance et sont repartis la tête basse, la queue entre les deux jambes et devant l'évidence qu'il y a encore beaucoup de travail à faire.
Chez les Alouettes, il y a plusieurs performances qu'on ne peut passer sous silence. Avon Cobourne a été élu joueur du match, mais Anthony Calvillo a aussi amassé des statistiques impressionnantes et la défensive a une fois de plus été solide. En fait, c'est peut-être le premier match de la saison au cours duquel les trois facettes du jeu ont véritablement bien fait.
Les unités spéciales avaient peut-être été la seule constante de l'équipe au cours des quatre premiers matchs. On connaît l'histoire de la défensive, qui a pris un match et demi avant de se mettre en marche, mais qui est intraitable depuis. Et en attaque, c'était un début de saison en dents de scie. Mais on peut officiellement dire que jeudi, les Alouettes ont, pour la première fois de l'année, joué à plein régime.
Le résultat final ne ment pas. D'accord, le pointage était assez serré après une demie, mais les Alouettes ont gagné la deuxième demie 24-0. Les Argonauts n'ont jamais été capables de suivre la cadence.
Les habitués de ma chronique savent que je m'époumone souvent à parler de l'importance du jeu au sol pour pouvoir compter sur une attaque équilibrée et ce n'est certainement pas aujourd'hui que je vais en démordre : quand Cobourne connaît du succès, l'offensive des Alouettes est encore meilleure, encore plus dangereuse. Si l'adversaire doit jouer de façon honnête et chercher à se défendre autant contre la passe que contre la course, l'attaque des Alouettes, avec tout le talent qu'elle possède et le niveau d'exécution qu'elle est capable d'atteindre, est pratiquement impossible à arrêter.
On en a eu une preuve contre Toronto.
Le facteur Avon Cobourne
Les succès de Cobourne contre les Argonauts ont ouvert la voie au jeu aérien. Calvillo a complété 30 de ses 36 passes - et je ne compte pas celles échappées par Jamel Richardson et Ben Cahoon - avec des gains approchant les 400 verges et deux passes de touché. En plus, après s'être fait brasser la cage pas à peu près dans les quatre matchs précédents, Calvillo a eu tout l'espace nécessaire pour faire son travail et n'a été victime d'aucun sac. Ce n'est pas des farces, le gérant de l'équipement de l'équipe pourrait pratiquement prendre l'uniforme de Calvillo et le mettre tout de suite sur un support dans son casier pour le prochain match. Même pas besoin de le laver, je me demande s'il a sué dedans!
Je sais que souvent, les stratégies offensives sont directement liées au style défensif et au personnel de l'équipe que tu affrontes, mais ça ne change rien au nœud de ma théorie : quand l'attaque au sol des Alouettes fonctionne bien, le jeu aérien fonctionne bien. Je ne dis donc pas de courir pour passer moins souvent, mais plutôt de courir pour être encore meilleur quand on décide de passer.
Revenons à Cobourne... Vous savez, ce n'est pas un cliché quand on dit que les succès d'un porteur de ballon sont proportionnels au nombre de fois où il touche au ballon. Plus un demi offensif est impliqué dans le match, plus il court en confiance et, surtout, meilleure est sa vision de ce que la défensive adverse lui présente. Un porteur de ballon occupé anticipe mieux les mouvements défensifs visant à le contrer. Il atteint un niveau où il sait exactement où les brèches s'ouvriront et peut ainsi faire ses changements de direction au bon endroit et au bon moment. Mike Pringle, qui était à son meilleur au quatrième quart, en est un bon exemple.
Chapeau à Cobourne, donc, qui a amassé plus de 100 verges au sol et par la passe, une première pour lui depuis un match de la saison 2008 contre... les Argos. Mais le plus beau, c'est que sa contribution ne s'est pas arrêtée là. Au-delà de ses belles courses et de tous ses attrapés, je retiens surtout le rôle qu'il a joué dans la protection de Calvillo. De mon siège, je l'ai vu réussir des blocs assez spectaculaires qui ont empêché le quart-arrière de se retrouver sur le derrière à quelques reprises.
Ce qu'il faut comprendre, c'est que les Alouettes en demandent beaucoup à Cobourne au niveau des protections. Souvent, un porteur de ballon va se faire assigner un joueur à bloquer. Parfois, on va lui demander de faire une double lecture. Mais les tâches qu'on donne à Cobourne sont plus complexes. On lui demande souvent de guetter une moitié complète du terrain et ce qui le rend si bon, c'est qu'il a cette capacité à balayer du regard ce qui se passe devant lui et à se déplacer rapidement d'est en ouest pour boucher une faille qui se serait créée dans la ligne offensive.
Pour moi, Cobourne a réalisé son plus beau jeu du dernier match sur un blitz des Argos. Il était responsable du côté droit de la protection, mais quand il a vu que personne ne menaçait sa zone, il a porté son regard à gauche, a traversé le terrain devant Calvillo pour aller frapper, à la dernière seconde, un secondeur qui s'en venait à toute vitesse. Ça peut paraître simple, mais c'est loin de l'être.
J'ai toujours dit que Cobourne était la bougie d'allumage de l'attaque des Alouettes. Il a le don de soulever la foule et ses coéquipiers parce qu'à mon avis, une longue course est un jeu plus rassembleur qu'une longue passe, en ce sens qu'elle implique tout le monde sur le plan physique. Un jeu de course qui fonctionne va apporter beaucoup d'énergie et d'adrénaline à toute l'unité offensive.
À l'inverse, être victime d'un revirement sur un jeu au sol peut avoir des effets dévastateurs sur le moral des troupes. Pour cette raison, et connaissant l'"affection" de Trestman pour cette facette du jeu, j'ai eu peur que Cobourne soit relégué aux oubliettes lorsqu'il a perdu possession de l'objet ovale au début du deuxième quart. D'autant plus qu'avant de commettre cette bourde, sa moyenne de gain par course n'était que de 4,4 verges, un rendement inacceptable de l'aveu même de Calvillo.
Mais j'ai aimé la réponse des Alouettes. Dès le retour de l'attaque sur le terrain, Calvillo a trouvé Cobourne pour un gain de sept verges, lui envoyant ainsi le message qu'il avait besoin de lui et que sa confiance en lui n'était pas affectée. Visiblement, le petit numéro 6 a apprécié parce qu'il a été meilleur à partir de ce moment.
Au niveau des stratégies sur les jeux au sol, les Alouettes nous ont montré des blocages différents. Kerry Carter a été impliqué dans plusieurs blocs pièges où on lui demandait de passer derrière la ligne offensive en diagonale et de frapper un joueur défensif de côté.
Aussi, à partir de schémas de blocage identiques, on a vu Cobourne attaquer à des endroits complètement opposés. C'était bien visible au quatrième quart : à quelques reprises, les Argonauts pensaient avoir compris un stratagème des Alouettes, mais Cobourne les surprenait en empruntant une direction différente. Les Alouettes ont fait du bon travail pour semer la confusion dans le front défensif des Argos.
Enfin, bravo à la ligne à l'attaque! On lui a donné la chance d'imposer sa volonté, de frapper l'adversaire au lieu de toujours attendre de se faire frapper et elle a bien répondu à l'appel : aucun sac du quart accordé en plus de bloquer pour un porteur de ballon qui a récolté plus de 100 verges. Ça dans le fond, c'est le meilleur des deux mondes pour une ligne à l'attaque. Il n'existe pas beaucoup de statistiques pour les gros bonshommes en avant, mais l'accomplissement de ces deux objectifs représente toujours une belle source de fierté.
Marc Trestman avait pensé à tout
Dès le premier botté d'envoi, on a vu que les Alouettes étaient bien préparés pour affronter les Argos. À leur première possession, ils ont complété les huit passes qui ont été appelées dans le caucus, filant allègrement vers la zone des buts. Marc Trestman avait donc bien identifié les items de son livre de jeux qui fonctionneraient contre Toronto.
Une autre observation me dit que l'entraîneur des Alouettes ne laisse aucun détail au hasard. Avant d'arriver à Montréal, la défensive des Argonauts avait tendance à blitzer à outrance et dès la première séquence, elle a décidé de montrer ses couleurs. Avec un schéma défensif qu'on appelle sting, qui consiste à amener le maraudeur vers la ligne d'engagement afin d'envoyer de la pression avec un joueur de plus que l'adversaire n'a de bloqueurs, elle a tenté de se rendre à Calvillo en créant un surnombre.
Mais les Alouettes l'attendaient, ce jeu, et c'est à ce moment qu'ils ont décoché la première petite passe à Cobourne dans le centre. Résultat : on est allé chercher un premier essai sur un "2e et long" et ça a refroidi complètement les Argonauts, qui sont soudainement devenus beaucoup moins agressifs.
À la base, ce jeu peut sembler anodin. On peut penser que Calvillo a simplement remis le ballon à son dépanneur en réaction à la pression qui commençait à se faire sentir, mais ce n'est pas le cas. Il s'agissait d'un jeu préparé sur mesure pour une tactique que les entraîneurs avaient décelée sur les bandes vidéo.
Alors chapeau à Trestman et à ses adjoints, qui ont remporté la bataille stratégique dès les premières minutes de la partie.
Une défensive plus agressive et donc plus efficace
Comme je le mentionnais un peu plus tôt, après les six premiers quarts de la saison, la défensive des Alouettes a retrouvé ses repères.
On dit souvent que la clé de toute bonne défensive est de savoir arrêter le jeu au sol. Il est donc bon de noter que les Alouettes viennent de menotter coup sur coup Jamal Robertson des Lions, DeAndra Cobb des Tiger-Cats et Cory Boyd des Argonauts. On les a complètement éliminés de l'équation, forçant ainsi l'adversaire à passer le ballon.
La défensive des Alouettes pratique un style très physique. Jeudi, chaque fois qu'un joueur adverse touchait au ballon, il était entouré de plusieurs chandails rouges. Prenez par exemple l'échappé de Chad Owens, qui a été suivi du long retour d'Eric Wilson. L'ancien des Alouettes avait deux demis défensifs sur le dos quand Shea Emry est arrivé en poursuite pour lui faire perdre le ballon.
C'est de la discipline, de l'effort, de l'intensité. Ça n'a rien à voir avec la stratégie! C'est ça la défensive des Alouettes. On ne peut jamais lui reprocher son manque d'effort.
Seule petite tache au dossier : on doit s'améliorer sur les situations de deuxième essai et long.
On a vu une volonté à cet effet lors de la deuxième demie contre les Argos. Toronto a un nouveau quart, un nouveau groupe de receveurs et les Alouettes ont finalement décidé de tester leur exécution. Finie la petite défensive "pépère", trop prudente. Ils sont passés à l'attaque et ont pris le pari que l'exécution des Argos ne serait pas à point sous pression. Et c'est exactement ce qui est arrivé.
Maintenant, il serait important d'implanter cette mentalité en début de rencontre.
Sans vouloir vexer qui que ce soit, je crois que la meilleure défensive des Alouettes contre les Argos aura été l'attaque, qui a passé 37 minutes sur le terrain.
Boulay a été frappé par un train!
Avant la rencontre, on craignait que Cory Boyd, le gros porteur de ballon des Argonauts, ne fasse des ravages dans la défensive des Alouettes. Finalement, le meneur pour les gains par la course dans la LCF a été limité à 53 verges, mais Étienne Boulay se souviendra longtemps de sa rencontre avec l'imposant demi offensif!
À la fin du premier quart, alors que les Argonauts s'avançaient profondément dans le territoire des Alouettes, Boyd a trouvé une brèche au centre de la défensive et s'est rendu jusque dans la tertiaire, où il est entré en collision avec le maraudeur québécois qui, disons-le, a encaissé le gros du choc! Boulay n'a peut-être pas bien paru, mais il a néanmoins fait son travail. Il a eu le courage de se mettre dans le chemin du géant et de lui bloquer le passage vers la terre promise.
Et à la défense d'Étienne, il y a quelque chose que vous devez comprendre. Au football, les pires porteurs de ballon à affronter sont ceux bâtis dans le moule de Boyd, c'est-à-dire le genre de gaillard très physique, mais assez rapide pour te contourner. C'est l'enfer, parce que tu n'as aucune idée du sort qui te sera réservé.
Si tu crois qu'il s'enligne pour te battre de vitesse et que finalement, il a décidé de te passer sur le corps et t'attrape alors que tu es sur les talons, tu vas en manger une sincère! Si, au contraire, tu t'attends à ce qu'il t'attaque en robustesse et que tu plantes tes pieds en baissant la tête pour donner le gros coup, mais qu'il opte pour une voie de contournement, tu passes dans le beurre à pleine vitesse.
Bref, les probabilités d'avoir l'air fou sont assez élevées. C'est la raison pour laquelle je souligne le travail d'Étienne. Il ne mérite peut-être pas une grosse note pour l'esthétique, mais il a été efficace et c'est tout ce qui compte.
Des bâtons dans les roues
Vous savez, au football, on parle souvent du fameux momentum. Souvent, une équipe a le vent dans les voiles jusqu'à ce qu'un petit pépin survienne et tout à coup, la balance commence à pencher de l'autre côté.
On ne saura jamais comment l'histoire du match aurait été écrite si ce n'était pas arrivé, mais j'ai rarement vu une pénalité changer l'allure d'une rencontre comme celle d'E.J. Kuale, qui est allé frapper Damon Duval après un botté de dégagement au milieu du deuxième quart. Les Argonauts avaient marqué dix points consécutifs pour prendre les devants et venaient de forcer les Alouettes à sortir du terrain après deux jeux consécutifs. En plus, Chad Owens avait capté le botté de dégagement et l'avait ramené dans le territoire montréalais. Et puis BANG! Pénalité...
Sans cette gaffe, les Argos vont peut-être marquer un deuxième touché pour prendre une avance de dix points. Les Alouettes se retrouvent peut-être avec le moral dans les talons et ne s'en remettent peut-être jamais. On ne sait pas. Ce qu'on sait, c'est que la pénalité a littéralement scié les jambes des Argonauts.
Finalement, les Alouettes ont conservé le ballon, sont allés marquer un touché et on connaît la fin de l'histoire.
Un petit calcul rapide, avant de vous quitter...
On a vu les Alouettes démolir les Tiger-Cats avec seulement un entraînement dans le corps. Ils ont ensuite pulvérisé les Argonauts avec deux entraînements derrière la cravate. Qu'est-ce que ce sera contre les Roughriders de la Saskatchewan, que les Alouettes affronteront après une bonne semaine de trois entraînements.
Les Alouettes ont eu leur part de problèmes avec le calendrier depuis le début de la saison. Leurs nombreux voyages ne leur laissaient pas beaucoup de temps pour pratiquer et récupérer. Et bien j'ai des petites nouvelles pour les joueurs des Riders : c'est leur tour de devoir composer avec cette situation. Quand les deux équipes croiseront le fer, il se sera écoulé huit jours depuis le dernier match des Alouettes et seulement six depuis le dernier des Verts, qui devront en plus se taper le voyage.
J'ai déjà hâte à ce match-là, parce que disons que le premier duel a mis la barre assez haute. C'est à souhaiter que les partisans montréalais auront droit au même genre de spectacle!
À la semaine prochaine!
*Propos recueillis par Nicolas Landry.