Considérant qu'il s'agissait d'un match préparatoire, on a quand même eu droit à un spectacle potable jeudi soir quand les Alouettes ont accueilli les Blue Bombers de Winnipeg au stade Percival-Molson.

Quand tu dois disputer un match de football après seulement dix jours de camp d'entraînement, le choc est normalement beaucoup plus difficile pour les unités offensives. En attaque, tout est basé sur le synchronisme et les répétitions tandis qu'en défensive, tout repose sur les instincts, l'effort, la poursuite.

Toutefois, les Alouettes, qui amorcent leur quatrième saison dans le système de Marc Trestman, sont encore partis sur les chapeaux de roues.

La première conclusion qu'on peut tirer à la lumière du match de jeudi soir, c'est qu'il y a plus de profondeur chez les Alouettes que chez les Blue Bombers. Après tout, les matchs préparatoires se résument souvent à ça : une bataille de réservistes. On a eu droit à sept revirements et 21 pénalités. Ce n'était pas toujours joli et ça manquait parfois de rythme, mais il y a quand même de belles choses qui en sont ressorties.

D'entrée de jeu, on ne peut passer sous silence la qualité des receveurs de passes des Alouettes. La majorité des partants ne jouait pas, mais ça a été un véritable festival aérien. Les trois quarts-arrières ont été bons, mais leurs receveurs ont vraiment ressorti du lot.

Les coordonnateurs défensifs de la Ligue canadienne qui ont regardé le match vont commencer à se gratter la tête. Jeudi soir, les Bombers ont fait beaucoup de homme à homme, une tactique souvent utilisé en matchs hors-concours pour évaluer le talent de tes demis défensifs. Mais le problème, c'est quand tu décides de faire du homme à homme contre des gros receveurs de passes comme les Brandon London, S.J. Green, Éric Deslauriers et Prechae Rodriguez de ce monde.

Un receveur qui veut se défaire d'une couverture homme à homme tentera de créer de la séparation avec sa vitesse et des changements de direction, mais à la fin du jeu, au point de réception, il doit ultimement gagner la bataille physique. Il doit gagner les attrapés contestés. Contre les Bombers, c'est en plein ce qu'on a vu.

Les Alouettes ont vu du « un contre un » et ils en ont profité. À preuve, on a été témoin de jeux de 47, 22, 44 et 25 verges. Pourquoi? Parce que leurs gros receveurs physiques gagnaient leurs batailles au point de réception. Ça, c'est un méchant casse-tête pour l'équipe adverse. Et imaginez donc ce que ce sera avec le retour de Jamel Richardson et sa bande!

J'ai hâte de voir ce que ça donnera quand tout le monde sera en poste. Il ne faut pas trop s'exciter, mais disons que le potentiel est là. En tout cas, tout semble indiquer que la perte de Ben Cahoon ne se fera pas trop sentir.

Si vous êtes un habitué de cette chronique, vous savez que Ben a toujours été un de mes préférés. Mais la réalité, c'est que dans la nouvelle façon de faire des Alouettes, ses forces n'étaient pas mises de l'avant. Ben, c'était un gars de zone alors que l'adversaire jouait de plus en plus de homme à homme pour casser le rythme d'Anthony Calvillo.

Passe Adrian, passe!

J'ai aussi bien aimé le travail d'Adrian McPherson. En fait, la statistique qui me ravit par rapport à sa première sortie de la saison, ce n'est pas qu'il ait complété 60% de ses passes ou qu'il ait amassé des gains aériens de 112 verges. C'est qu'il ait seulement effectué une course pour un gain de quatre verges.

Je ne voulais pas voir McPherson courir contre les Bombers. Pourquoi? Parce que je sais déjà qu'il est capable de le faire. En saison régulière, s'il doit courir pour accomplir la besogne, ça ne me cause aucun problème. S'il peut aller chercher des premiers jeux de cette façon, tant mieux! Mais en matchs préparatoires, je veux qu'il s'améliore en tant que passeur.

À la blague, avant le match, je disais souhaiter que Marc Trestman interdisse à McPherson de courir et qu'il le force à faire sa lecture de jeux comme tout quart-arrière qui se respecte. À mon grand bonheur, c'est exactement ce qu'il a fait sur le touché de Bo Bowling. Le jeu était destiné dans le flanc du côté droit à Brandon Whitaker, mais les Bombers ont bien réagi pour lui enlever cette option. McPherson a donc scanné le terrain. Il a regardé à l'extérieur à droite, puis à l'intérieur à droite avant de revenir à gauche et BANG! Touché.

Bon, je comprends que ce n'était pas l'équipe A des Blue Bombers sur le terrain, mais reste que McPherson a fait le travail contre les joueurs qui avaient pour mission de l'en empêcher.

Un sixième joueur de ligne

Le front défensif des Blue Bombers jouait de façon combative et pendant que la tertiaire était agressive en homme à homme, il pouvait se concentrer à arrêter le jeu au sol. Marc Trestman, qui vous le savez n'est pas le plus grand adepte de cette facette de l'attaque, ne s'est donc pas obstiné. C'est pourquoi ça s'est principalement passé par la voie des airs pour l'offensive des Alouettes.

De toute façon, Trestman a été clair. Son porteur de ballon, c'est au niveau de la protection qu'il doit faire la différence. Brandon Whitaker n'a rien fait de spécial, mais il n'a rien fait pour perdre son job non plus. Selon moi, c'est encore son nom qui est en haut de la liste.

Vu la situation que je viens de décrire, c'est probablement une bonne chose qu'on n'ait pas trop entendu parler de Whitaker, parce que si ce dernier doit être considéré comme un sixième joueur de ligne, il fera surtout réagir lorsqu'il fera une gaffe.

Deux jeux, 100 verges gratuites

Ce qui ressort du côté de la défensive, ce sont les plaqués ratés. Mais soyons réalistes, c'est ce à quoi il faut s'attendre lors des parties préparatoires. Pendant le camp d'entraînement, il n'y a pas une pratique au cours de laquelle tu fais des plaqués. Le premier match hors-concours, c'est la première occasion de finir tes blocs et de compléter tes plaqués.

Tôt dans le match, on a vu Étienne Boulay prendre une bonne tasse de café, double espresso bien tassé, sur une petite passe dans le flanc à Perry Floyd. Un jeu banal de trois ou quatre verges qui s'est transformé en un gain de 33 verges.

Avant de trotter sur une distance de 64 verges, Alex Henderson aurait très bien pu se faire stopper derrière la ligne de mêlée, mais un joueur dont l'identité m'échappe - je crois que c'était Kitwana Jones - a failli à la tâche.

Je viens de donner deux jeux qui ont donné presque 100 verges de plus à l'adversaire. Vous savez, des fois on parle de complexité, de stratégie, de miroirs et de fumée, mais la base, ça reste toujours important et plaquer, ça sera toujours l'un des éléments essentiels au football.

Bon, je sais que ça reste le premier match de la saison. Et pour revenir à Étienne, je sais aussi qu'il a été ennuyé par des petites blessures aux cuisses lors du camp d'entraînement. Mais il faudra néanmoins s'appliquer à faire les petites choses au quotidien pour connaître du succès en saison régulière.

Deux botteurs nez à nez

Finalement, il y a le dossier des botteurs. Je ne sais pas comment les entraîneurs vont analyser la situation, mais personnellement, après le premier test, je ne suis pas plus convaincu sur l'identité de celui qui devrait être le partant.

Sean Whyte a cumulé une moyenne de 43 verges sur ses bottés de dégagement, Sandro DeAngelis 40. Sur les bottés d'envoi, DeAngelis a obtenu un mince avantage d'une verge. Et Whyte a raté sa seule tentative de placement tandis que DeAngelis a été parfait en deux occasions.

Bref, ce qu'on a vu hier, c'est ce qu'on sait depuis le début du camp. On a un gars, DeAngelis, qui est meilleur sur les placements et on en a un autre, Whyte, qui est meilleur sur les dégagements. Je me dis qu'à un moment donné, il y en a un qui devra se démarquer sur le terrain de l'autre. Celui qui gagnera le poste sera peut-être celui qui saura montrer la plus belle amélioration dans ses points faibles.

À mon avis, les trois points que procurent les placements sont très importants, mais les bottés de dégagement, surtout au football canadien, sont beaucoup plus nombreux et la bataille du positionnement sur le terrain peut certainement s'avérer être la différence entre la victoire et la défaite.

Whyte a quand même bien fait. Toutefois, il avait la chance de gagner en confiance et de prouver à tout le monde qu'il était le numéro un et il n'a su la saisir. En ratant une tentative de placement de 38 verges en début de match, il n'a pas lancé un grand message.

Il reste maintenant le match contre les Tiger-Cats de Hamilton, quoique rien n'empêche les Alouettes, si leur décision n'est toujours pas prise à ce moment, de garder les deux, s'ils sont d'accord, pour amorcer le calendrier régulier. Rien n'empêche l'organisation de garder deux botteurs dans sa liste de 46 joueurs, mais d'en habiller un seul le jour d'un match.

S'il faut que la bataille du camp d'entraînement se poursuive jusqu'au mois d'août pour qu'on ait la certitude de prendre le bon gars, bien qu'on le fasse. C'est un luxe que l'organisation peut se permettre. Tout ne doit pas être décidé en revenant de Hamilton.

Propos recueillis par Nicolas Landry.