MONTRÉAL – Thomas Dimitroff n’est pas un directeur général comme les autres. Cet oiseau rare de la NFL l’a prouvé une fois de plus en accordant une généreuse entrevue au RDS.ca même s’il doit gérer, en parallèle, la délicate opération du retour graduel de ses troupes au complexe d’entraînement du club. 

Avant de plonger dans ce dossier d’actualité qui retient l’attention dans le monde, soulignons que Dimitroff a fait ses premières armes dans le côté des opérations football d’une équipe dans la Ligue canadienne de football avec les Roughriders de la Saskatchewan en 1990 et 1991. On aura l’occasion d’y revenir plus tard. 

Ainsi, la NFL avait accordé le feu vert aux organisations de rouvrir leur complexe d’entraînement à partir de mardi. Bien sûr, on parle ici des équipes pour lesquelles les instances gouvernementales et locales le permettaient. Quelques directives avaient été établies comme un maximum de 75 employés pour débuter, sans oublier que les entraîneurs et les joueurs devaient encore s’armer de patience. 

Prudents, les Falcons ont choisi d’entamer cette relance avec une quinzaine d’employés seulement. Dimitroff s’est donc lui-même présenté au complexe situé en banlieue d’Atlanta avec un masque et des gants. Il admet sans aucune gêne que c’était très particulier d’expérimenter cette réalité et que le sentiment de bien-être n’est pas le même pour l’instant. 

« On s’est tout de même limité à 15 personnes qui travaillent majoritairement dans les opérations de l’équipe. Les personnes présentes doivent organiser la relance à différents chapitres. Notre président et moi, nous chapeautons le tout pour que ça se passe bien. Mais on n’est pas là à travailler 10 heures par jour, on va plutôt s’assurer que ça fonctionne. On veut surtout déterminer ce qui pourrait causer des enjeux et on tente de trouver des solutions. On veut le faire avant que plus de personnes puissent réintégrer notre complexe », a décrit Dimitroff alors que les Cowboys, les Texans, les Cardinals, les Chiefs et les Colts ont aussi participé à cette première vague. 

C’est bien connu, les directeurs généraux – peu importe le sport – détestent se lancer dans les spéculations. Face à une crise sans précédent comme celle-ci, il fallait malgré tout tenter de découvrir la vision de Dimitroff en vue de la saison 2020 et il a accepté de se mouiller. 

« Il y a encore énormément d’éléments inconnus. Par exemple, est-ce qu’on sera en mesure de respecter une distanciation sociale dans le stade? Bien sûr, on se demande aussi si on pourra jouer devant nos partisans, c’est un enjeu majeur pour les propriétaires et les joueurs. Une tonne d’autres facteurs sont évalués présentement. C’est évident que ce sera très compliqué à exécuter, mais c’est une évidence que chaque organisation devra aborder le tout très sérieusement. Mais bon, c’est complexe. Et quand on ajoute tout le côté des athlètes, ça devient encore plus difficile. Disons que les joueurs arrivent au mois d’août pour le camp d’entraînement, on aurait 90 joueurs sur notre formation plus une centaine d’employés. Si un joueur était déclaré positif à la COVID-19, c’est là que ça devient encore plus corsé. Comment ça affectera le reste des joueurs et des entraîneurs ? C’est très, très incertain pour le moment », a exposé celui qui orchestre les décisions football des Falcons depuis 2008.

Repartir la machine du sport professionnel s’accompagne sans contredit de son lot d’obstacles majeurs en débutant par la nature physique du sport. Toutefois, la NFL dispose d’un avantage par rapport à son calendrier automnal. Elle pourra observer la relance de certaines disciplines sportives et s’ajuster pour ne pas répéter de possibles erreurs. 

Comment composer avec Tom Brady et Drew Brees

Pour sa 13e année aux commandes Falcons, Dimitroff ne pouvait nullement s’attendre à un tel scénario alors que sa troupe tentera d’éviter une troisième exclusion consécutive des éliminatoires. Rien pour aider sa cause, la division Sud de l’Association nationale vient d’accueillir un invité de marque. 

On fait allusion à l’entrée en scène Tom Brady avec les Buccaneers de Tampa Bay. Ainsi, Matt Ryan et les Falcons voient un nouveau client de taille s’ajouter en plus de devoir déjà composer avec Drew Brees et les Saints de La Nouvelle-Orléans. Thomas Dimitroff

« Oh je le sais, j’ai travaillé pour les Patriots pendant six ans et j’ai eu l’occasion de vivre deux conquêtes du Super Bowl grâce à Tom Brady que je considère encore comme le meilleur de tous les temps à cette position », s’est empressé de répondre Dimitroff.  

« La seule chose que je peux dire, c’est que j’espère qu’il se concentrera un peu plus sur ‘Tompa Bay’ que sur Tampa Bay, a-t-il lancé en riant. Je présume que tu as vu certains trucs par rapport à cette approche marketing alors que bien des gens sont excités de son arrivée. Mais il est encore un excellent joueur à cet âge, il peut causer des dommages et on devra être bien préparés. C’est évident que notre défense devra être symbiose pour tenir le coup contre lui et les Saints également. »

Dans le cadre du dernier repêchage, tenu virtuellement, Dimitroff s’est justement attaquer à renflouer la défense. Notons par ailleurs que c’était la première fois en 13 repêchages avec les Falcons qu’il ne complétait pas une transaction. 

Le parcours de Dimitroff avec les Pats aura été majeur dans son développement. Il parvient à l’expliquer d’une manière concrète et on peut aussi déceler que certains éléments du régime de Bill Belichick lui ressemblaient moins.  

« J’ai appris très jeune, via mon père, qui a notamment œuvré dans la LCF comme tu le sais probablement, que c’est l’équipe qui compte et non les individus. Ce concept était déjà inculqué en moi, mais c’est vraiment en arrivant avec les Patriots que j’ai pu assister à la concrétisation de cette vision. C’est là que ça s’est mis en œuvre. Les Patriots ont souvent gagné pour cette raison, plusieurs joueurs étaient en mesure de camper des rôles bien précis et souvent dans l’ombre. Bill Belichick croit tellement à cette approche et on a pu voir les résultats », a-t-il vanté.  

« C’est donc évident que j’ai voulu transposer certains de mes apprentissages de Foxborough à Atlanta.  Mais je suis bien honnête aussi, j’ai mis de côté certains trucs qui ne me ressemblaient pas en tant que gestionnaire », a-t-il poursuivi.

Une proximité plus grande que dans certains clubs

Pendant que la philosophie des Patriots déploie une intransigeance pour mener à l’excellence alors que personne n’entend à rire avec le slogan Do your job, du côté des Falcons, l’état-major et l’entraîneur Dan Quinn croient plutôt fermement au mot Brotherhood (fraternité). 

Afin d’être conséquent, Dimitroff ne craint pas de réduire de la distanciation avec certains joueurs. 

Dan Quinn et Thomas Dimitroff« C’est une bonne question, tu avais soulevé tantôt le point que j’étais différent du directeur général typique. Pour moi, ça ne fait aucun doute que c’est vrai. Je n’essaie pas d’avoir un front, je ne prétends pas non plus que je détiens toutes les réponses, je m’assure surtout d’apprendre tous les jours. Quand j’interagis avec les entraîneurs, les joueurs, les médias et les partisans, c’est très important à mes yeux. Ça me permet de rester le plus terre à terre possible. Je ne dis pas que c’est toujours facile, mais c’est mon intention. Avec les joueurs, j’entretiens généralement une bonne relation et assez régulière. Ils peuvent venir me parler. Pour être honnête, il n’y a pas tant de joueurs qui se présentent à mon bureau, mais c’est clair que je parle plus à certains joueurs », a évoqué Dimitroff en faisant sans doute allusion à des piliers comme Matt Ryan et Alex Mack. 

Dimitroff souhaite que ses joueurs comprennent facilement son idéal. Il s’assure donc d’utiliser des comparaisons pertinentes pour que les athlètes développent le bon état d’esprit.  

« Chaque fois qu’un joueur arrive avec nous, je m’assure de lui exprimer ma vision. Je veux qu’ils se comportent comme s’ils travaillaient pour une grande entreprise comme IBM ou GE. Ils ne doivent pas baisser la tête et nous ignorer quand ils nous croisent. On doit être vus comme des patrons d’une entreprise typique, les joueurs doivent faire partie de la famille », a souhaité l’ancien étudiant et joueur de l’Université Guelph en Ontario. 

Le summum de cette expérience a failli culminer avec la conquête du Super Bowl au terme de la saison 2016, mais les Falcons ont échappé une avance de 28-3 face aux Patriots. En attendant d’atteindre l’objectif ultime, il se réjouit de quelques accomplissements. 

« Je considère que notre organisation a une proximité qui n’est pas visible dans d’autres clubs qui sont plus rigides. Je dois dire qu’on retire beaucoup de fierté de cet aspect », a admis Dimitroff. 

*Dans le deuxième article qui sera publié samedi, on abordera ses débuts dans la LCF et son lien spécial avec les partisans. Il a d’ailleurs développé une amitié inattendue avec un partisan.