Pour plusieurs amateurs de la NFL, le clou du spectacle dans cette fin de semaine de football éliminatoire était le duel entre deux vétérans aguerris, Tom Brady et Drew Brees, dimanche soir.

Historiquement, on a souvent évalué la place des quarts-arrières dans l'histoire de leur sport par le nombre de championnats qu'ils ont remporté. Ça ne rend pas toujours justice à la qualité de la carrière connue par le quart en question. Il y a d'excellents athlètes à cette position qui n'ont jamais soulevé le trophée Vince-Lombardi, et à l'inverse, des quarts-arrières franchement très ordinaires ont goûté aux plus grands honneurs.

Dans le cas de Brady, le compteur est à six conquêtes du Super Bowl, et je pense que c'est parfaitement applicable dans ce cas de le juger de cette façon. Le no 12 des Buccaneers de Tampa Bay est bien sûr un quart de grand talent, mais aussi un athlète capable de s'ajuster avec brio au défi que lui présente son adveraire.

Je trouve que le match de dimanche remporté 30-20 par les Bucs face aux Saints de La Nouvelle-Orléans est une autre preuve de cette capacité innée qu'a Brady. On s'attendait peut-être à un match où l'offensive a un plus grand mot à dire. En début de match, on a vu le quart de Tampa tenter quatre ou cinqs passes dans les zones profondes, des tentatives qui ont voyagé 20 verges et plus dans les airs, et qui n'ont pas trouvé leur destinataire. Pendant ce temps, Brees éprouvait des difficultés face à une unité défensive qui jouait très bien, surtout à la lumière des réserves qu'on avait émises à son endroit.

Bien sûr, c'est Byron Leftwich qui sélectionne les jeux offensifs pour les Bucs. Mais soyez certains que Brady a eu un gros mot à dire à la mi-temps quant à la stratégie à adopter en 2e demie. On a opté pour une présence plus importante de la course, et pour de courts tracés de passes. C'est devenu du football de possession visant à contrôler le tempo et le positionnement de terrain. À mon avis, c'est ce qui a permis aux Bucs de gagner. Brady a perçu que la victoire allait passer par sa défense, qui jouait avec énormément d'aplomb. Ainsi, il en a fait juste assez. Ce n'était pas une performance grandiose, loin de là, mais il a reconnu que son club avait les dispositions nécessaires dimanche pour qu'il n'ait pas à multiplier les miracles.

Comment c'est le cas dans à peu près tous les sports, si tu capitalises sur les erreurs de ton rival, tu connaîtras sûrement du succès. Les Bucs ont appliqué ce dicton à la lettre, alors que leurs trois touchés dans le match ont été le résultat de revirements provoqués contre l'attaque des Saints (deux interceptions de Brees et un échappé de Jared Cook). Ç'a été un élément clé de la victoire.

La fin pour Drew Brees

Je veux bien sûr parler du vis-à-vis de Tom Brady dans ce duel entre deux futurs membres du Temple de la renommée du football.

Depuis quelques saisons, Brees connaît un ralentissement plutôt visible, contrairement à Brady, dont le bras ne semble pas se fatiguer. Dans le cas du général des Saints, on sent qu'il y a une régression évidente dans la force et la vélocité de ses passes. Ç'a été comme ça toute la saison, mais il arrivait à camoufler cette diminution dans ses capacités notamment en se fiant à son Q.I. du football exceptionnel. 

En réalité, Brees était le quart parfait pour la jeune tertiaire des Bucs. Il s'agit d'une unité très agressive et téméraire. Elle prend des chances, et dans ce cas-ci, c'était le match parfait, car Brees n'est plus en mesure d'exploiter les zones profondes avec confiance. On savait donc qu'on pouvait se compromettre un peu plus. Les demis défensifs avaient le loisir de travailler plus près de la ligne d'engagement. D'ailleurs, l'interception réalisée par Sean Murphy-Bunting alors qu'il était affecté à la couverture de Michael Thomas illustre très bien cette réalité. Il a été très physique avec le receveur no 1 des Saints sur la séquence, se doutant bien que le risque que Brees réussisse à passer le ballon plus haut était très mince.

Cette recette, Tampa l'a appliqué à de multiples reprises dans le match, et bien que Brees ait essayé quelques fois de décocher de longues passes, c'était clair que ça n'allait pas être une option. Tout le monde dans l'unité défensive des Bucs pouvait donc se tenir à une distance maximale de 10-12 verges de la ligne de mêlée pour congestionner cette zone du terrain.

C'est triste que ça se termine ainsi pour Brees, un quart qui a tellement dominé la NFL statistiquement durant de multiples saisons. Un match de trois interceptions et une défaite en finale de division comme dénouement, ce n'est pas ce qu'il souhaitait. Il avait autour de lui une des meilleures éditions que les Saints lui ont offertes, mais force est d'admettre qu'en 2020, c'est Brees qui a ralenti le groupe.

Si on n'était pas en présence d'une légende de son sport, on aurait possiblement vu un changement à la position de quart-arrière, mais ça ne pouvait pas se terminer ainsi. C'était hors de question que Sean Payton le cloue au banc au profit de Jameis Winston. Il faut dire aussi que les absences de Taysom Hill et Latavius Murray ont contribué à enlever à l'attaque des Saints des dimensions qu'elle aurait apprécié avoir face aux Buccaneers.

Les limitations de Lamar Jackson en évidence

Les Ravens de Baltimore ont subi la défaite au domicile des Bills de Buffalo samedi, et une des conclusions qui sautent aux yeux est que Lamar Jackson n'a pas su livrer la marchandise lorsqu'on a demandé de lui qu'il crée des étincelles dans le jeu aérien.

Il est partant dans la NFL depuis la mi-saison en 2018, et sa fiche est désormais de 1-3 en contexte éliminatoire, avec trois passes de touché et cinq interceptions. Si vous voulez mon avis, l'échantillon commence à être assez signifcatif pour que l'on déduise que lorsque le match dépend du bras de Jackson contre une bonne défense, c'est cause perdue.

Dans une association Américaine bondée de quarts-arrières qui ont de splendides habiletés de passeur (Patrick Mahomes, Josh Allen, Deshaun Watson, Justin Herbert, Baker Mayfield, Joe Burrow et bientôt Trevor Lawrence, pour ne nommer que ceux-là), il faut être capable de tirer son épingle du jeu à ce chapitre tôt ou tard. J'ai peine à m'imaginer comment il peut connaître du succès en éliminatoires sans remédier à ça. 

Oui, ça fonctionne à certains moments. En fin de saison, les Ravens ont trouvé du rythme, jouaient bien en défense et démolissaient leurs rivaux un après l'autre avec leur attaque terrestre inarrêtable. Tu ne gagnes pas 11, 12, 13 et même 14 matchs dans une saison sans avoir de grandes qualités dans ton jeu.

Mais cette année, lorsqu'ils ont perdu, à cinq reprises sur six, c'était contre des équipes qui excellent pour passer le ballon (les Chiefs, les Steelers (x 2), les Titans et les Bills). La 6e défaite a été subie contre les Patriots de la Nouvelle-Angleterre dans un contexte particulier, sous une pluie diluvienne. Et lorsque tu arrives en calendrier d'après-saison, tu dois battre plusieurs bonnes équipes consécutivement, et ça, Jackson n'a pas encore prouvé qu'il était en mesure de le faire. Une fois qu'on lui enlevait le jeu au sol, ça devenait mission impossible.

Je vais lui faire porter une partie du blâme pour ses limitations, mais l'organisation a elle aussi sa part de torts. On a choisi de ne pas l'entourer de grands receveurs (grands dans tous les sens, puisque le receveur no 1 est Marquise Brown). On a réalisé en cours d'année qu'on avait besoin d'aide, et c'est vers Dez Bryant qu'on s'est tourné. Ça vous dit à quel point Baltimore était désespéré.

Le coordonnateur offensif Greg Roman doit aussi se remettre en question. Oui, les Ravens possèdent environ 2000 façons créatives de courir avec le ballon, et ça les sert bien presqu'à tous les matchs. Mais si tu délaisses ton jeu aérien, que celui-ci demeure prévisible, que les receveurs sont incapables de créer de la séparation lorsqu'on a besoin d'eux, tu t'exposes au danger de ne pas pouvoir jouer du football de rattrapage lorsque ça devient nécessaire.

L'entre-saison sera important pour les Ravens. D'une part, il faut absolument amener de nouvelles cibles à Lamar Jackson. De plus, un changement de coordonnateur offensif, ou à tout le moins un ajustement de la philosophie offensive, doit être fortement considéré. Car après trois ans, la preuve est maintenant faite que le style offensif de Baltimore rend la tâche très difficile de gagner plusieurs matchs consécutifs en éliminatoires.

Aaron Donald est le meilleur joueur défensif de la NFL

Cette affirmation n'a rien de controversé, mais on en a eu une preuve supplémentaire au Lambeau Field samedi.

Aaron Donald était visiblement diminué physiquement, et c'est lorsqu'il n'est pas à 100 % qu'on s'aperçoit à quel point la défense des Rams de Los Angeles dépend de lui.

Dès les premiers jeux du match contre les Packers de Green Bay, on a vu que Donald n'était pas l'ombre de lui-même en raison d'une blessure subie la semaine précédente. Il n'avait pas l'explosivité qu'on lui connaît et dès qu'il se faisait bloquer, il arrêtait et n'allait pas plus loin dans sa poursuite. À partir de ce moment, on a vu les Packers s'en donner à coeur-joie contre l'unité classée no 1 dans la NFL en saison régulière.

Lorsqu'il joue à fond de train, Donald requiert tellement d'attention de la ligne offensive que ses coéquipiers du front défensif s'en retrouvent tous à voir leur tâche être facilitée. La pression exercée par tout ce beau monde facilite donc le travail de la tertiaire. C'est un effet domino tout ça, et lorsque le plus gros domino ne peut être enclenché, il n'y a rien qui tombe!

Aaron Rodgers n'a pas été embêté du tout dans le match, n'ayant subi aucun sac du quart. Quand tu as devant toi le meilleur quart cette année et une attaque dynamique dans son ensemble et que tu les laisses travailler avec rythme, oublie ça, tu n'est déjà plus dans le coup. C'était une très belle prestation des Packers, qui n'eut été de quelques passes incomplètes auraient pu inscrire 40 points dans cet affrontement.

L'incomparable audace d'Andy Reid

Dans un match où le quart de concession des Chiefs de Kansas City Patrick Mahomes est tombé au combat, victime d'une commotion cérébrale, c'est le vétéran Chad Henne qui a eu pour mandat d'aider à préserver l'avance de cinq points des siens au 4e quart. Pas exactement une situation qu'on qualifierait de confortable!

Je ne reviendrai pas sur le match au grand complet, mais comment passer sous le silence ce tout dernier jeu, un 4e essai et quelques centimètres à franchir pour porter le coup de grâce aux Browns de Cleveland. Le jeu au sol des Chiefs avait somme toute assez bien fonctionné pour Kansas City tout au long du match. Mais l'identité du club d'Andy Reid, c'est le jeu aérien. La passe que l'entraîneur-chef a demandé à Henne d'exécuter n'était pas complexe, mais quand même, ça prend une immense dose d'audace, sachant que les Browns auraient pu reprendre pas tellement loin de la mi-terrain, avec la possibilité d'inscrire le touché qui aurait envoyé les champions défendants en vacances.

La manière dont ça s'est fait, c'est du bonbon également. Tout le groupe s'est présenté à la ligne de mêlée un peu pénard, en formation shotgun, donnant l'impression qu'avec un temps mort en poche, l'idée était peut-être juste de tenter de créer un hors-jeu, avant de dégager par la suite. En théorie, c'est ce que le livre aurait indiqué de faire. Mais ce livre, ça fait belle lurette qu'Andy Reid l'a jeté aux ordures et qu'il a écrit le sien! 

Tout le monde était un peu debout, sans réellement se tenir en formation offensive conventionnelle. Probablement que la consigne était que si tel ou tel alignement défensif était utilisé par les Browns, le jeu sélectionné par Reid allait être déployé sans attendre. Une fois arrivé à la ligne d'engagement, si c'était le cas, Henne allait employer un mot pour avertir tout son monde qu'on y allait en ce sens. Ce jeu, c'était un court sprint de Tyreek Hill vers l'extérieur, qui était laissé en couverture homme à homme, et qui allait pouvoir se servir de sa rapidité pour obtenir les quelques pouces manquants. Ç'a été exécuté à la perfection par Henne et son receveur, et résultat : on reverra les Chiefs en finale d'association dimanche prochain.

* propos recueillis par Maxime Desroches