LOS ANGELES, États-Unis - Pour la troisième saison consécutive, la NFL est prise au piège à l'aube de la saison 2018 qui débute jeudi : elle n'a toujours pas trouvé de solution pour gérer le mouvement de boycott de l'hymne américain lancé en 2016 par Colin Kaepernick.

Les dirigeants de la puissante et richissime NFL croyaient avoir tout fait pour éviter une réédition de la crise catastrophique de l'automne 2017, attisée par les tweets et déclarations incendiaires de Donald Trump.

Mais à quelques heures du premier match de la saison entre les Eagles de Philadelphie, vainqueur du dernier Super Bowl, et les Falcons d'Atlanta, ils se retrouvent à la merci à la fois de leurs joueurs, d'une nouvelle offensive du président américain très remonté sur le sujet et, désormais, du géant Nike qui a décidé de faire de Kaepernick l'un des visages très visibles et controversés de sa dernière campagne de publicité.

En mai dernier, la NFL et les 32 propriétaires d'équipes étaient pourtant parvenus après deux jours d'âpres discussions à un accord pour définir une règlementation spécifique.

Dans l'espoir de satisfaire et les joueurs et leurs virulents critiques – Donald Trump et certains propriétaires très conservateurs en tête –, la NFL avait autorisé les gestes de boycott lorsque retentit avant chaque match le Star-Spangled Banner, comme le genou posé à terre popularisé par Kaepernick... à condition que les protestataires restent dans les vestiaires.

Statu quo depuis juillet

Elle avait aussi laissé le champ libre aux équipes pour qu'elles sanctionnent avec des amendes les contrevenants, tout en rappelant qu'elle attendait de ses joueurs qu'ils respectent l'hymne.

Mais deux mois plus tard, après les protestations de l'association des joueurs de NFL qui regrettait de ne pas avoir été consultée, cette règlementation était gelée.

« Pour permettre la poursuite d'un dialogue constructif, nous avons décidé avec la NFL d'un statu quo », a annoncé l'association des joueurs (NFLPA) le 19 juillet.

Depuis, ni les représentants des joueurs ni la NFL n'ont souhaité s'exprimer, et ce n'est pas l'irruption de Nike dans ce dossier explosif qui va rapprocher les deux parties, même si Donald Trump s'est pour l'instant abstenu de fustiger la célèbre marque à la virgule.

Les joueurs, eux, ne désarment pas : ce n'est pas (encore?) le mouvement de masse de 2017, mais Kenny Stills et Albert Wilson (Dolphins de Miami) et Marshawn Lynch (Raiders d'Oakland) ont ainsi refusé de rester debout ou ont levé un poing lors de l'hymne avant les matchs de préparation de leur équipe respective.

Alors qu'ils veulent attirer l'attention sur les violences policières commises contre les Noirs, les protestataires sont présentés par leurs détracteurs comme de mauvais Américains, des « fils de pute » même pour Donald Trump, qui méprisent ainsi le drapeau et les militaires tués ou blessés au combat.

Effritement des audiences

L'enjeu est de taille pour la NFL et son président Roger Goodell, très critiqué alors que son homologue de la NBA Adam Silver a réussi à désamorcer toute crise similaire avec un dialogue constructif avec les joueurs.

Plus encore que des procédures en justice lancées par Kaepernick et son ancien coéquipier Eric Reid qui l'accusent de s'être entendu avec les 32 équipes pour qu'ils ne jouent plus, la NFL s'inquiète des conséquences financières.

Alors que l'affaire Kaepernick divise profondément les État-Unis comme le montre un récent sondage pour NBC News et le Wall Street Journal –43% des personnes interrogés trouvent « appropriés » les gestes de protestation, contre 54% « inappropriés », un chiffre qui bondit à 88% chez les électeurs républicains –, les audiences TV s'effritent avec une baisse de 7% sur un an pour les matchs de la dernière saison.

Au point que les deux géants de l'audiovisuel ESPN et CBS ont décidé de ne plus diffuser le protocole d'avant-match pour éviter de montrer d'éventuelles protestations.

Sauf bien sûr en février prochain pour le Super Bowl, la finale de la saison qui attire chaque année devant leurs petits écrans plus de 110 millions de téléspectateurs américains.