«J'ai pris ça dur par moment...»
Golf mercredi, 5 déc. 2012. 09:37 mercredi, 11 déc. 2024. 20:53
Deux athlètes professionnels, un qu'on ne connaissait que de réputation et l'autre qui se produit au Québec depuis plus de 25 ans, ont connu un samedi matin d'une tristesse infinie.
Le secondeur Jovan Belcher, des Chiefs de Kansas City, dans la NFL, a commencé ce qui allait être la dernière journée de son existence en assassinant sa jeune compagne, mère d'un bébé de trois mois, avant d'aller se suicider sous le regard horrifié de son directeur général et de son entraîneur dans le stationnement du stade.
Au même moment, Jean-Louis Lamarre, golfeur émérite et respecté, ex-champion de la PGA canadienne et professionnel en titre au club Beloeil, s'apprêtait à porter en terre sa fidèle compagne des 32 dernières années et la mère de leurs deux garçons, Iannick, 21 ans, et Alex, 17 ans.
L'un pleure sa compagne et l'autre l'a tuée. L'un aimerait pouvoir comprendre comment le cancer peut être aussi cruellement impitoyable. L'autre n'est plus là pour expliquer pourquoi il a commis l'irréparable en laissant derrière lui une toute petite fille qui n'aura pas eu le temps de connaître ses parents. Pourtant, Belcher n'était pas l'un de ces truands comme on en connaît dans son sport. Il était reconnu comme un gars jovial et agréable à côtoyer. À l'Université du Maine, il avait complété ses études en développement de l'enfance et en relations familiales. Un paradoxe qui ne fait qu'ajouter au mystère de l'acte qu'il a commis.
Pour France Bouchard, qui était la soeur d'un autre golfeur professionnel, Rémi Bouchard, les derniers moments de sa vie ont été difficiles. Elle est partie comme on l'a connue, en femme droite et voracement déterminée.
En juin 2009, après avoir déjà combattu un cancer du sein, elle a consulté un spécialiste parce qu'elle disait avoir du mal à respirer. Le diagnostic a été percutant. Un cancer du foie, des poumons et des os gagnait graduellement du terrain jusqu'à son cerveau.
«C'était un cancer de grade 4, l'équivalent d'une condamnation à mort, explique son amoureux, Jean-Louis Lamarre. Pour elle, il n'y avait aucune chance de survie, mais je ne suis pas sûr qu'elle le savait. Nous n'en avons jamais parlé. Moi, je le savais. Le médecin m'avait prévenu que son espérance de vie serait de trois à quatre mois si elle ne répondait pas bien aux traitements. Si ça se passait bien, elle en avait pour trois ou quatre ans. Elle s'est accrochée durant trois ans et demi.»
Un championnat quasi miraculeux
Lamarre est un pince-sans-rire doté du même sens de l'humour que sa soeur, la comédienne et animatrice Chantal Lamarre. Ses chroniques de golf occasionnelles à La Presse, rédigées dans un style vivant, souvent amusant, sont du bonbon.
Derrière le comptoir de sa boutique à Beloeil, il est resté le même. Il a continué d'accueillir la clientèle sans afficher la morosité qu'il ressentait probablement à la pensée du départ inévitable de sa compagne. Pour ceux qui ignoraient tout de leur inquiétude familiale, rien n'y paraissait.
Quand on lui en fait la remarque, il réagit comme si cela allait de soi. «J'ai pris ça dur par moment, mais cela ne pouvait pas paraître continuellement, dit-il. France a quand même connu du bon temps après le verdict du médecin. Elle a même remporté le championnat du club, à Beloeil, en 2011. C'est quand même assez récent.»
Quelle démonstration elle avait offerte à ce championnat. Elle ne voulait pas y prendre part. Ce sont les femmes de Beloeil qui avaient insisté pour qu'elle joue. Elle était parmi les meilleures. À leurs yeux, il fallait qu'elle soit là. Elle avait finalement accepté. La température était maussade durant la compétition. Le terrain était détrempé. La chimio avait tellement causé de ravages à ses articulations et à ses pieds qu'elle avait joué parfois pieds nus, parfois en sandales. Elle avait bouclé les deux rondes sous les 80.
«Elle leur avait sacré toute une volée», souligne Jean-Louis dans un élan empreint d'admiration.
Elle venait tout juste d'avoir 50 ans. Il en a 52. Dans une voix fragilisée par l'émotion, il dit simplement que c'était une vraie bonne fille que tout le monde aimait.
«Nous étions ensemble depuis toujours, rappelle-t-il. Quand nous nous sommes connus, elle avait 16 ans. J'en avais presque 19. Elle était d'une telle générosité. À un moment ou un autre, on a tous assisté aux funérailles de gens pas toujours recommandables qu'on essayait de nous faire passer pour des saints. Elle, c'était vraiment pas ça. Samedi matin, je l'ai regardée et je me souviens de m'être dit: «Suis-je aux bonnes funérailles, moi là?»
Il lui tenait la main quand elle a cessé de respirer. Le père de France était à ses côtés. Sa condition s'était vite dégradée au cours des semaines précédentes. Elle était passée d'un état de grande faiblesse, à l'incapacité de marcher et de manger jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus avaler une goutte d'eau.
À Kansas City, Jovan Belcher n'a pas pardonné à sa compagne d'être revenue à la maison aux petites heures du matin après avoir assisté à un spectacle. Plus près de nous, Lamarre a vu s'éteindre sa darling des années 80 après une relation amoureuse de plus de 32 ans qu'il aurait souhaité pouvoir prolonger. Certains diront qu'il n'y a pas de justice.
«Je ne peux pas me placer dans la peau de Belcher, mentionne-t-il. J'ignore par où il est passé. Je ne peux pas le juger, même si je trouve odieux ce qu'il a fait. De mon côté, l'absence de France m'est pénible. Ça l'est aussi pour mes fils. C'est d'une telle tristesse tout ça.»
Le secondeur Jovan Belcher, des Chiefs de Kansas City, dans la NFL, a commencé ce qui allait être la dernière journée de son existence en assassinant sa jeune compagne, mère d'un bébé de trois mois, avant d'aller se suicider sous le regard horrifié de son directeur général et de son entraîneur dans le stationnement du stade.
Au même moment, Jean-Louis Lamarre, golfeur émérite et respecté, ex-champion de la PGA canadienne et professionnel en titre au club Beloeil, s'apprêtait à porter en terre sa fidèle compagne des 32 dernières années et la mère de leurs deux garçons, Iannick, 21 ans, et Alex, 17 ans.
L'un pleure sa compagne et l'autre l'a tuée. L'un aimerait pouvoir comprendre comment le cancer peut être aussi cruellement impitoyable. L'autre n'est plus là pour expliquer pourquoi il a commis l'irréparable en laissant derrière lui une toute petite fille qui n'aura pas eu le temps de connaître ses parents. Pourtant, Belcher n'était pas l'un de ces truands comme on en connaît dans son sport. Il était reconnu comme un gars jovial et agréable à côtoyer. À l'Université du Maine, il avait complété ses études en développement de l'enfance et en relations familiales. Un paradoxe qui ne fait qu'ajouter au mystère de l'acte qu'il a commis.
Pour France Bouchard, qui était la soeur d'un autre golfeur professionnel, Rémi Bouchard, les derniers moments de sa vie ont été difficiles. Elle est partie comme on l'a connue, en femme droite et voracement déterminée.
En juin 2009, après avoir déjà combattu un cancer du sein, elle a consulté un spécialiste parce qu'elle disait avoir du mal à respirer. Le diagnostic a été percutant. Un cancer du foie, des poumons et des os gagnait graduellement du terrain jusqu'à son cerveau.
«C'était un cancer de grade 4, l'équivalent d'une condamnation à mort, explique son amoureux, Jean-Louis Lamarre. Pour elle, il n'y avait aucune chance de survie, mais je ne suis pas sûr qu'elle le savait. Nous n'en avons jamais parlé. Moi, je le savais. Le médecin m'avait prévenu que son espérance de vie serait de trois à quatre mois si elle ne répondait pas bien aux traitements. Si ça se passait bien, elle en avait pour trois ou quatre ans. Elle s'est accrochée durant trois ans et demi.»
Un championnat quasi miraculeux
Lamarre est un pince-sans-rire doté du même sens de l'humour que sa soeur, la comédienne et animatrice Chantal Lamarre. Ses chroniques de golf occasionnelles à La Presse, rédigées dans un style vivant, souvent amusant, sont du bonbon.
Derrière le comptoir de sa boutique à Beloeil, il est resté le même. Il a continué d'accueillir la clientèle sans afficher la morosité qu'il ressentait probablement à la pensée du départ inévitable de sa compagne. Pour ceux qui ignoraient tout de leur inquiétude familiale, rien n'y paraissait.
Quand on lui en fait la remarque, il réagit comme si cela allait de soi. «J'ai pris ça dur par moment, mais cela ne pouvait pas paraître continuellement, dit-il. France a quand même connu du bon temps après le verdict du médecin. Elle a même remporté le championnat du club, à Beloeil, en 2011. C'est quand même assez récent.»
Quelle démonstration elle avait offerte à ce championnat. Elle ne voulait pas y prendre part. Ce sont les femmes de Beloeil qui avaient insisté pour qu'elle joue. Elle était parmi les meilleures. À leurs yeux, il fallait qu'elle soit là. Elle avait finalement accepté. La température était maussade durant la compétition. Le terrain était détrempé. La chimio avait tellement causé de ravages à ses articulations et à ses pieds qu'elle avait joué parfois pieds nus, parfois en sandales. Elle avait bouclé les deux rondes sous les 80.
«Elle leur avait sacré toute une volée», souligne Jean-Louis dans un élan empreint d'admiration.
Elle venait tout juste d'avoir 50 ans. Il en a 52. Dans une voix fragilisée par l'émotion, il dit simplement que c'était une vraie bonne fille que tout le monde aimait.
«Nous étions ensemble depuis toujours, rappelle-t-il. Quand nous nous sommes connus, elle avait 16 ans. J'en avais presque 19. Elle était d'une telle générosité. À un moment ou un autre, on a tous assisté aux funérailles de gens pas toujours recommandables qu'on essayait de nous faire passer pour des saints. Elle, c'était vraiment pas ça. Samedi matin, je l'ai regardée et je me souviens de m'être dit: «Suis-je aux bonnes funérailles, moi là?»
Il lui tenait la main quand elle a cessé de respirer. Le père de France était à ses côtés. Sa condition s'était vite dégradée au cours des semaines précédentes. Elle était passée d'un état de grande faiblesse, à l'incapacité de marcher et de manger jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus avaler une goutte d'eau.
À Kansas City, Jovan Belcher n'a pas pardonné à sa compagne d'être revenue à la maison aux petites heures du matin après avoir assisté à un spectacle. Plus près de nous, Lamarre a vu s'éteindre sa darling des années 80 après une relation amoureuse de plus de 32 ans qu'il aurait souhaité pouvoir prolonger. Certains diront qu'il n'y a pas de justice.
«Je ne peux pas me placer dans la peau de Belcher, mentionne-t-il. J'ignore par où il est passé. Je ne peux pas le juger, même si je trouve odieux ce qu'il a fait. De mon côté, l'absence de France m'est pénible. Ça l'est aussi pour mes fils. C'est d'une telle tristesse tout ça.»