Au lendemain de sa victoire sans équivoque contre la Russie, l'équipe masculine de hockey du Canada est toujours en vie et a toujours une chance de remporter l'or olympique. Nous saurons dans quelques heures si les Canadiennes batteront les Américaines dans la finale du tournoi de hockey féminin. L'objectif de trois médailles d'or du Canada en hockey tient donc toujours. Trois médailles d'or?

Oui, parce qu'il ne faudrait surtout pas oublier qu'une troisième équipe canadienne de hockey pourrait nous rendre bien fière à Vancouver : l'équipe canadienne de hockey sur luge, qui luttera pour l'or lors des Jeux paralympiques en mars.

On ne la connaît pas nécessairement beaucoup, cette équipe. Tous les joueurs de cette équipe sont à découvrir, mais il y a un joueur en particulier qui m'épate au plus haut point.

Jetez brièvement un coup d'oeil à l'année de naissance des joueurs de l'équipe qui représenteront le Canada lors des Jeux paralympiques de hockey sur luge, en mars, à Vancouver. 1989, 1983, 1987, 1986, 1987, 1984, 1983, 1984… 1958. 1958? Une erreur de typographie, peut-être? Non, vous ne rêvez pas. L'équipe canadienne compte dans ses rangs un joueur qui a fêté ses 52 ans le 3 mars dernier. Son nom : Hervé Lord. 52 ans et toutes ses dents.

Hervé Lord fait partie de ces athlètes d'exception qui ont la capacité de rivaliser d'adresse avec les meilleurs au monde après avoir célébré leur demi-siècle. Un de ces rares athlètes qui pourraient être le père de plus de la moitié des joueurs de son équipe.

Mais Hervé Lord, qui a malencontreusement fauché la vie à deux personnes lors d'un accident de la route en 1983, accident à la suite duquel sa jambe droite a été amputée au niveau du genou, en a vu d'autres, et ce n'est certainement pas l'âge de ses coéquipiers qui va l'embêter, bien au contraire.

« Être deux fois plus vieux que la moitié des joueurs de l'équipe n'a aucune importance pour moi. J'estime même que cette différence d'âge importante est un plus pour notre groupe. Et moi, ça me garde jeune », lance-t-il d'entrée de jeu.

« Je regarde les jeunes aller et je veux aller aussi vite qu'eux. Je me défonce sur la glace pour demeurer aussi bon que les plus jeunes. C'est la même chose pour eux. Ils me voient moi, un énergumène de 52 ans sur la glace, et se disent qu'ils doivent mettre les bouchées doubles pour ne pas que je sois meilleur qu'eux. Ça nous incite à nous défoncer encore plus sur la glace », poursuit celui qui a amorcé sa carrière de joueur de hockey sur luge en 1987.

Et des bouchées doubles, les jeunes ont intérêt à en fournir sur une base quotidienne s'ils veulent rivaliser avec Hervé. Sa nature de combattant, de guerrier, d'homme qui ne connaît pas les demi-mesures, on la remarque évidemment à chacune de ses présences sur la glace.

Oui, un battant. Un homme qui s'est toujours battu après que la vie lui ait coupé la moitié de sa jambe droite et qui ne s'est jamais apitoyé sur son sort. Un homme qui a vu dans le sport sa planche de salut. Basketball, tennis et athlétisme en fauteuil roulant, Hervé Lord a pratiquement tout essayé. Mais pour lui, pas question de s'adonner à ces sports pour le loisir. Pour un guerrier comme Hervé, c'est la compétition… la victoire et rien d'autre.

Aux Championnats du monde d'athlétisme de Berlin en 1994, Hervé et ses coéquipiers fracassent la marque mondiale au relais 4x100 mètres en demi-finale… avant d'abaisser à nouveau la marque en finale! « L'entraînement et la compétition font partie de ma vie et je n'arrêterai jamais de faire du sport et de m'entraîner. »

« J'adore tous ces sports : basketball, tennis, athlétisme. Mais c'est le hockey que j'aime le plus. Pour moi, le hockey sur luge est le sport parfait parce que c'est comme quatre sports en un. C'est avant tout du hockey, mais ça me fait également penser au basketball en raison de la finesse que l'on doit déployer sur la glace, au football en raison de la robustesse omniprésente dans le sport et à l'athlétisme en raison de l'endurance que l'on doit démontrer sur la glace. C'est vraiment un sport complet », explique le numéro 3 de l'équipe canadienne.

Comme tous les athlètes olympiques et paralympiques canadiens, Hervé réalisera un rêve en mars alors qu'il participera à la compétition la plus importante au monde dans son pays. Et comme l'équipe canadienne de hockey sur luge est championne paralympique en titre, l'objectif à Vancouver est facile à deviner. « Nous visons l'or et rien d'autre ».

Avec une nouvelle médaille d'or en poche, Hervé Lord songera-t-il, à 52 ans, à accrocher sa luge? On pourrait croire que oui, mais ce serait bien mal connaître le principal intéressé.

« Les Jeux de Vancouver seront mes derniers Jeux paralympiques, mais ça ne sonnera pas la fin de ma carrière. Je veux continuer à jouer pour l'équipe canadienne pendant encore un an. Je veux rester parce que je veux aider les dirigeants à préparer la relève. J'ai encore des choses à réaliser au sein du programme », précise l'infatigable attaquant.

« Je n'arrêterai jamais de faire du sport et de m'entraîner. Ça fait partie de ma vie », répète-t-il en fin d'entrevue. « Après ma retraite du hockey, j'aimerais bien recommencer à jouer au tennis et participer à des tournois. »

Ça, je n'en doute pas une seconde.

Hervé Lord, un homme dont le courage, la détermination et l'éthique de travail devraient faire rougir de honte certains joueurs de hockey professionnels. Et surtout, un athlète à découvrir pendant les Jeux paralympiques.