Depuis plusieurs semaines, on ne tarit pas d‘éloges à l‘endroit du nouveau directeur général du Canadien, Marc Bergevin. Les avis sont unanimes : Marc Bergevin est l’homme dont le Canadien avait besoin. Avant que les hommes de Bergevin prouvent ce qu’ils ont dans le ventre cet automne, un autre groupe d’athlètes tentera de vous faire vivre autant d’émotions fortes du 27 juillet au 12 août, la délégation qui représentera le Canada lors des Jeux olympiques de Londres. Si le Canadien a trouvé son homme, le Comité olympique canadien (COC) a également trouvé le sien. L’homme à la tête du contingent, le chef de mission, est Mark Tewksbury, un champion dont la passion pour « son » sport est indéniable. Entretien avec un ancien athlète qui a le profil parfait pour l’emploi.

Les Jeux débutent dans 66 jours, on survit bien à toute la folie olympique?

Je vais bien même s’il y a énormément de boulot à accomplir. Je devrai m’accorder quelques jours de repos début juillet pour recharger les piles avant le début des Jeux. Je rappelle que c’est un boulot bénévole et que j’ai une vie professionnelle active en même temps. Je pourrais certainement ne consacrer que quelques heures par semaine au projet. Je suis un ancien athlète, je ne suis donc pas du genre à me contenter de peu, j’en fais le plus possible, je veux être présent pour les athlètes. Je peux difficilement dire non. Je veux laisser mon propre seau, le sceau Tewksbury!

Le sceau Tewksbury, c’est quoi exactement?

J’aime toucher un peu à tout. Je veux jouer le rôle de l’ambassadeur et être présent dans les médias. Je veux être un chef de mission qui connaît les athlètes, qui assiste aux compétitions, qui les encourage, qui est le cheerleader! Je veux aussi jouer le rôle de mentor. Je communique régulièrement avec au moins six espoirs de médaille. Nous allons prendre un café ensemble. Quand je leur parle, je suis un ancien olympien parlant à un olympien, je ne porte pas le chapeau du chef de mission. J’espère qu’on se souviendra de moi comme celui qui avait une belle énergie. Je veux qu’ils sentent qu’ils peuvent venir me voir à tout moment pour me parler de n’importe quoi. Je suis curieux de voir ce que les athlètes en penseront. Tu me reposeras la question après les Jeux!

Moins d’une dizaine de Comités nationaux olympiques (sur 205 à l’intérieur du mouvement olympique) ont un ancien athlète comme chef de mission, la grande majorité optant pour des administrateurs. Que penses-tu de cette situation?

Je crois que le fait d’être un ancien athlète maximise le poste. Chaque CNO a son chef de mission, ce n’est pas une invention canadienne, c’est une « invention » du Comité international olympique. Il doit y avoir une personne qui fait le lien entre le comité d’organisation (LOCOG), le CIO et les délégations pour assurer un suivi des différents dossiers. Le directeur du département des relations avec les CNO du LOCOG, James Macleod, la personne traite avec tous les chefs de mission, adore le modèle canadien même s’il est minoritaire dans le monde. Même au Canada, il faut convaincre les gens du bien-fondé de la démarche. La tendance naturelle est de nommer des administrateurs. L’un n’est pas nécessairement le contraire de l’autre, on peut à la fois être un bon administrateur et un ancien athlète.

Penses-tu pouvoir avoir une influence directe ou indirecte sur les performances des athlètes?

C’est ce que je veux croire. Je ne crois pas qu’avoir une belle énergie positive puisse nuire aux performances des athlètes. Je crois au contraire qu’on peut créer un momentum. Tu tentes de créer une unité au sein du groupe. Cet esprit de corps fort peut faire en sorte que certains athlètes vont se retrouver dans une zone de confort et offrir une meilleure performance. Je forme une très bonne équipe avec Sylvie Bernier, nous sommes très proches, les gens disent : « wow, quel duo dynamique! »

Y a-t-il un athlète que tu as appris à connaître au cours des derniers mois et avec qui tu as développé des liens étroits?

Je ne peux pas parler d’un athlète en particulier. Mon premier vrai contact avec les athlètes s’est déroulé en novembre dernier dans le cadre de ce que nous appelons la Série de l’excellence olympique. Le coup de foudre a été immédiat… les plongeurs, les nageuses synchro, la boxeuse Mary Spencer, la lutteuse Ohenewa Akuffo, etc. Tu tombes amoureux d’eux et leur parcours et tu embarques dans une montagne russe d’émotions. Tu sautes de joie quand ils se qualifient et tu as le cœur brisé quand ils ne se qualifient pas pour les Jeux, comme ce fut le cas pour Ohenewa. Mais ce sont les Olympiques et tu dois te préparer à vivre ces moments d’intenses émotions. On aura des athlètes pensant monter sur le podium et qui n’y parviendront pas, alors qu’à l’autre bout du spectre, d’autres que l’on n’attendra pas monteront sur le podium.

Et j’utilise constamment mes expériences passées pour aider les athlètes. J’ai la chance d’évoluer dans un domaine où je peux utiliser ces diverses expériences, en utilisant la bonne histoire, pour l’appliquer dans une situation bien précise. Lors de la Série de l’excellence olympique, une athlète est venue me voir et m’a dit : « Nous sommes tellement heureux que tu sois notre chef de mission. Nous savons que tu es passé à travers toutes les tempêtes. Tu es David qui affronte Goliath… et tu es toujours ici. Nous savons que tu feras tout pour nous aider si la situation se présente. » J’en avais la chair de poule. Entendre cela est très inspirant. J’entends cela et j’ai encore plus envie de tout faire pour eux.

Il est pratiquement impossible de tout connaître de tous les sports au programme aux Jeux d’été, y a-t-il un sport sur lequel tu voudrais en apprendre davantage?

Mon travail est une véritable courbe d’apprentissage continuelle. Et j’apprécie au plus haut point. Je n’avais jamais eu la chance d’assister à une séance de compétition dans un vélodrome. J’ai pu assister à l’épreuve test à Londres et je suis tombé en bas de ma chaise. C’est tellement spectaculaire, ils vont à des vitesses incroyables. Idem avec le badminton. La vitesse du jeu dépasse l’entendement. Le record du monde du smash le plus rapide dépasse les 400 km/h, c’est fou! Je pensais que j’en connaissais beaucoup, mais j’en ai appris encore plus depuis que j’ai accepté le poste. J’aurai la chance de faire d’autres belles découvertes pendant les Jeux. Je veux découvrir la boxe et la lutte. Quand j’étais un athlète, le truc que je préférais aux Jeux était d’assister à des épreuves d’athlétisme après la fin de celles de natation. Je m’assoyais dans le stade et je passais mon temps à dire « wow! »

Le sport amateur au Canada a beaucoup changé depuis que tu as pris ta retraite, on investit plus d’argent dans le développement des athlètes. Quelle est ta réaction en tant qu’ancien athlète?

J’apprécie l’évolution. C’était correct dans mon temps parce que c’était ce que nous connaissions. Je suis heureux de voir tous les efforts qui ont été faits au cours des dernières années pour le développement du sport amateur au pays. Je suis heureux d’être de retour dans le mouvement olympique, heureux que l’on accorde plus de ressources aux athlètes, heureux du leadership exercé par le COC, heureux des campagnes publicitaires pour faire la promotion des athlètes. C’est une très belle période pour être associé au mouvement olympique au Canada.

Parlant du leadership assumé par le COC, le lunch organisé mardi en marge du congrès SportAccord qui permettra au sport amateur de récolter près d’un demi-million de dollars, en est un autre bel exemple…

Oui, 500 000 dollars est une somme colossale. Mais je suis personnellement très impressionné de voir 4000 personnes dîner ensemble! Je suis allé jeter un coup d’œil à la salle hier et j’étais renversé. « C’est à ça que ça ressemble une salle où vont manger 4000 personnes en même temps! » Je suis aussi très heureux qu’on fasse une belle place aux athlètes : environ 80, de différentes générations, je pense à Joannie Rochette et à Curt Harnett, seront présents. On crée des liens entre athlètes ayant vécu les Jeux à différentes époques, on célèbre l’équipe, on met des athlètes à l’avant-plan, on amasse de l’argent. Tout ça fait partie de la même logique, tout ça permet le développement du sport amateur au pays.

Un événement où l’on réussit à amasser 500 000 dollars pour le sport amateur est pratiquement un miracle au pays. Que doit-on faire pour que ce miracle devienne la normale?

C’est une excellente question et je ne pense pas posséder tous les éléments pour pouvoir y répondre en détails. Ce dîner, c’était une simple idée il y a quelques mois. Mardi, nous verrons le résultat final. Je crois que le plus important est de créer le précédent et le précédent créera un momentum. La prochaine fois que l’équipe olympique tiendra un événement, nous tenterons de répéter la recette. Je pense notamment aux célébrations entourant le Temple de la renommée et le retour de l’équipe de Londres qui auront lieu en septembre à Toronto. Une autre ville, une autre occasion de répéter l’expérience. Si l’événement de mardi existe, c’est notamment parce que nous avions organisé une activité similaire à Moncton l’an dernier. Certes, l’ampleur n’était pas la même, mais un précédent avait été créé. Mardi sera un succès, on voudra répéter l’expérience, c’est certain. Je ne sais pas si ce sera un événement de la même magnitude, on ne pourra pas toujours compter sur la présence de Jacques Rogge, mais le but est que ça devienne une habitude. L’esprit est là pour rester.

Est-ce que toi et ton équipe pourrez rencontrer les athlètes ensemble avant le départ pour Londres?

Non, ce serait trop difficile parce que tous les athlètes ne quittent pas en même temps, certains quittent quelques semaines avant les Jeux pour prendre part à des camps d’entraînement, alors que d’autres officialiseront leur qualification quelques semaines avant les Jeux. Il y aura une rencontre avec la délégation, le porte-drapeau, le gouverneur général et quelques dignitaires au village deux jours avant les Jeux. Mais le vrai discours aux athlètes aura lieu avant la cérémonie d’ouverture. Ce sera le moment où Sylvie et moi pourrons parler aux athlètes pour donner le ton aux Jeux. Oui, on improvise aussi toujours un peu, selon l’atmosphère, mais j’ai une bonne petite idée de ce que je vais dire. Oui, je veux parler un peu de mes expériences aux Jeux, mais le but est surtout de faire baisser la tension. Il y a toujours un peu de tension dans l’air lors de l’attente avant d’entrer dans le stade. Je sais que la pression est immense parce que la question que les athlètes me posent le plus souvent est : « Comment faire pour gérer la pression pendant les Jeux? » Je voudrais un immense rire collectif pour que tout le monde apprécie le moment présent et se dise « Go Canada Go! »