Mike Cammalleri ne croyait pas si bien dire. Après le dernier match, l'attaquant vedette d'un printemps spectaculaire avait le sentiment que l'équipe venait de laisser filer une chance en or de se rendre jusqu'au bout.

Parce que certains coéquipiers, payés pour marquer des buts eux aussi, ont été carrément incapables de faire leur boulot, il est bien possible que le Canadien soit encore forcé d'y mettre beaucoup de temps avant de se présenter en finale de la coupe Stanley. Et je ne parle même pas de la gagner.

En 1986 et en 1993, on n'entretenait pas beaucoup d'espoir de voir le Canadien participer à la finale. Une fois qu'il s'y est rendu, il a heureusement gagnée. Je dis «heureusement» parce que s'il n'en était pas sorti gagnant, tout aurait été à refaire. Après la coupe de 1986 et la défaite en finale de 1989, il a fallu attendre quatre ans avant de revoir le Canadien en finale. Depuis celle de 1993, il n'y est plus jamais retourné.

Ne reculons pas si loin dans le temps. Vous vous souvenez de ce qui s'est passé ici même il y a deux ans? Le Canadien a remporté le championnat dans l'Est grâce à une saison de 104 points. Puis, il a gagné la première série contre Boston avant d'être éliminé en cinq matchs contre Philadelphie.

Pas grave qu'on s'est dit. On va se reprendre le printemps prochain. Après une récolte de 104 points, on y était presque, après tout. Or, que s'est-il passé un an plus tard. L'équipe est encore une fois entrée de justesse dans les séries avant de se faire lessiver et humilier en quatre matchs contre les Bruins. Un désastre qui a d'ailleurs amené la direction à se donner une équipe toute nouvelle durant l'été.

Si Pierre Gauthier effectue à son tour des changements heureux qui pourraient habilement compléter ce grand ménage, le Canadien pourrait poursuivre sa progression. Mais là encore, ce n'est rien de sûr dans une ligue à 30 équipes. Je ne mettrais même pas mon ordinateur en jeu sur ses chances de participer aux prochaines séries.

En 2006, les Oilers d'Edmonton ont perdu en finale contre les Hurricanes de la Caroline de Peter Laviolette. Ils ont été nombreux à Edmonton à croire qu'ils se reprendraient le printemps suivant. Or, ils n'ont pas participé aux séries depuis, terminant même la présente saison en 30e place.

Cammalleri avait raison d'être malheureux d'avoir perdu contre une équipe, pourtant meilleure que la sienne. Le Canadien a roulé fort ces dernières semaines parce que son gardien a accompli exploit après exploit. Néanmoins, il est bien possible que le rendement miraculeux de Jaroslav Halak certains soirs soit en train de nous envoyer sur une mauvaise piste.

Autant le Canadien, qui est vraiment devenu une équipe durant la série contre Washington, nous a impressionnés par sa force de caractère et sa rage de gagner contre les Capitals et les Penguins, autant il nous a déçus par moment cette saison. L'équipe, qui vient de s'approcher à sept matchs d'une coupe Stanley, est exactement la même qui est entrée de peine et de misère dans les séries, ne l'oublions pas.

Sans Halak, nous n'aurions pas vécu ce printemps un peu fou. Sans Halak, Cammalleri n'aurait jamais eu l'occasion de connaître les séries de sa vie. Sans Halak, l'absence d'Andrei Markov aurait été plus durement ressentie. Et sans Halak, on aurait sûrement identifié Jacques Martin comme un perdant notoire puisqu'il aurait manqué les séries pour une quatrième année consécutive.

Voilà comment un excellent gardien peut fausser la réalité. Halak, qui a beaucoup apporté à ses coéquipiers et à l'organisation, devrait logiquement y trouver sa récompense. Il a forcé la main de ses patrons qui devraient maintenant lui accorder un contrat à sa mesure. Et à moins que Pierre Gauthier accepte de courir le risque d'être pendu en effigie sur la rue des Canadiens, Halak sera le gardien partant du Canadien l'automne prochain.

Le championnat des réponses évasives

Dans son bilan à la nation, il ne fallait pas s'attendre à ce que Gauthier nous dévoile la moindre de ses intentions. C'est un homme structuré qui aime bien voir plus loin que le mois prochain. Ainsi, on ne doute pas qu'il ait déjà une assez bonne idée de quoi son équipe aura l'air en septembre, exception faite peut-être pour les joueurs autonomes qui seront sur le marché.

Il était assez évident qu'ils avaient déjà une assez bonne idée, Jacques Martin et lui, des questions qui allaient leur être posées. Ce qui nous a permis d'assister au championnat mondial des réponses évasives.

«On va procéder à l'évaluation des effectifs au cours des prochaines semaines...»

«On va regarder la saison d'une façon globale...»

«Cela va faire partie du processus de décision...»

«On va étudier nos options...»

Ce bilan annuel est toujours farci d'observations très générales qui servent surtout à meubler les pages des journaux et le temps d'antenne à la radio et à la télé. Pour la véritable information, il faudra patienter et attendre que des gestes soient posés. Quand on pense qu'on n'a même pas voulu nous dire s'il y aura un capitaine l'an prochain. Franchement.

«C'est quelque chose qu'on va discuter», a dit vaguement l'entraîneur.

Ce qu'on sait, toutefois, c'est que le prochain capitaine (car il y en aura un) sera choisi par la direction. Un non sens si vous voulez mon avis. Pourquoi le joueur choisi pour être le porte-parole de ses coéquipiers devrait-il être choisi par les patrons? Vous en connaissez beaucoup des dirigeants d'entreprises qui choisissent le chef syndical?

Ça, c'est la décision de Martin. «Jamais un de mes capitaines n'a été élu par les joueurs», a-t-il confirmé un peu plus tard.

Des changements

Des changements, il y en aura assurément, mais les médias, qui feront toutes sortes de suggestions à Gauthier au cours des prochaines semaines, n'exerceront aucune influence sur lui, soyez-en certains.

S'ils étaient influents, les frères Kostitsyn auraient assurément été vus pour la dernière fois, surtout le plus jeune qui n'a pas souvent démontré du respect pour le logo qui orne son chandail. Rarement a-t-on connu aussi endormi que Andrei. Rarement un joueur du Canadien s'est-il autant fouté des règles établies que Sergei.

Le cas Tomas Plekanec est maintes fois revenu dans la conversation. La négociation a été amorcée, puis remise à plus tard, il y a quelques mois. Elle reprendra au cours des prochains jours, sinon des prochaines heures. Il serait intéressant de savoir si les montants suggérés en février seront revisés à la baisse. Même s'il a été le joueur le plus efficace de l'équipe cette saison, un marqueur de 70 points, qui se fait rarement remarquer en série, vaut-il les 5 millions $ qu'on semble lui attribuer en certains milieux? Sûrement pas.

L'autre point d'intérêt populaire concernait évidemment Halak. On a sans doute posé juste pour la forme toutes les questions le concernant. La situation des gardiens sera le secret de l'été au Centre Bell.

On offrira à Benoît Pouliot une autre chance de faire sa place. Il est gros, fort et talentueux, mais s'il devient l'an prochain le joueur quasi inutile qu'il a été au cours des 30 derniers matchs, il y a quelqu'un dans les bureaux du Wild du Minnesota qui va se féliciter d'avoir trouvé preneur pour lui.

Finalement, il faut souhaiter que Marc-André Bergeron, qui s'est avéré un précieux dépanneur quand Andrei Markov est tombé au combat durant la première moitié de la saison, bénéficie de la même clémence. Bergeron ne capitalise pas aussi souvent qu'on le souhaiterait en supériorité numérique, mais il oblige souvent l'adversaire à lui accorder beaucoup d'attention, ce qui n'est sûrement pas le cas pour deux ou trois défenseurs de l'équipe. Ce qui ne nuit pas dans son cas, c'est la faible représentation francophone dans l'équipe.

Pour le reste, souhaitons-nous de revoir la même équipe, animée du même esprit, au camp d'entraînement.