Marc Bergevin pratique un métier difficile. Le directeur général d'une organisation professionnelle est toujours à la merci de ses propres décisions. Il reçoit des fleurs quand tout va bien, mais le pot arrive rapidement quand ça ne tourne pas rond.

C'est un métier passionnant que le sien.  Il n'y a pas de journées sans histoire. À titre d'architecte de l'équipe, il ébauche constamment des plans. Il étudie les propositions qu'on lui fait et il passe aux actes quand cela s'avère nécessaire.

Bergevin a reçu beaucoup plus d'éloges que de critiques depuis qu'il a succédé à Pierre Gauthier. Avec raison, d'ailleurs, puisque le Canadien n'a jamais cessé de progresser sous son règne.

On jase: c'est terminé pour Semin à Montréal

Il entre maintenant dans la phase la plus critique de son mandat. C'était facile d'aller de l'avant quand il a hérité du Canadien. L'équipe était bonne dernière dans l'Est et 27e au classement général. Le départ du duo Bergevin-Therrien a été fulgurant et les deux dernières saisons ont contribué à générer beaucoup d'espoir. Une première campagne de 100 points en six ans, il y a deux ans, a été suivie d'une récolte de 110 points et une seconde place au classement général l'an dernier.

La suite des choses sera plus difficile car le temps des expériences, qui servent souvent à colmater des brèches, tire à sa fin. Toute décision visant à donner à l'équipe le dernier coup de pouce qui l'enverra jusqu'à la finale de la coupe Stanley doit atteindre cet objectif dans un avenir très prochain. Pour y arriver, la marge d'erreur de Bergevin est quasi inexistante. Une erreur et c'est le recul.

Après 22 ans sans défilé dans les rue de Montréal, une fenêtre pouvant mener à un championnat existe enfin. Elle ne sera pas ouverte très longtemps. Deux ou trois ans, tout au plus. Avant trois ans, il faudra renégocier l'entente de Max Pacioretty. Dans un an, il faudra se pencher sur l'énorme contrat qui attend Carey Price car on ne voudra certainement pas le laisser jouer l'avant-dernière année de son entente. Il reste une autre année au contrat d'Alex Galchenyuk. Compte tenu aussi du lourd contrat de P.K. Subban, on ne pourra pas tous les garder, surtout si le plafond salarial régresse au lieu d'augmenter. En d'autres termes, la situation est plus urgente qu'elle en a l'air.

Jusqu'ici, on a aimé ce que Bergevin a accompli : un Weise par-ci, un Petry par-là, un Mitchell par-ci, un Fleischmann par-là. Malheureusement, comme on ne peut pas toujours frapper dans le mille, pour un Weise ou un Mitchell, il y a un Semin. Son embauche, on le sait maintenant, a été une erreur avec laquelle il faudra vivre.

Juste un an, mais une année de trop

Si Bergevin a pris une chance avec le controversé Russe, il faut reconnaître que son gros bon sens a prévalu quand il a limité son offre à une seule saison. Dans un passé pas si lointain, dans un autre moment d'improvisation de certains prédécesseurs, Semin aurait peut-être reçu une proposition de trois ans. Disons qu'il y a eu des situations plus gênantes que la sienne depuis 20 ans.

Semin : l'expérience est terminée

Quand on a appris son acquisition, on s'expliquait mal que le Canadien puisse avoir de l'intérêt pour un joueur paresseux de réputation qui donne aussi l'impression d'être un opportuniste-né. Comment Jim Rutherford et les Hurricanes de la Caroline ont-ils pu lui accorder 35 millions pour cinq ans à son retour d'une saison de 20 matchs dans la KHL? Sa dernière production dans la Ligue nationale avec les Capitals de Washington avait été de 21 buts. Sept millions $ par saison alors qu'il semblait déjà sur une pente descendante.

Le président des Hurricanes, Don Waddell, a peut-être fourni l'explication qui nous éclaire davantage aujourd'hui sur l'inertie actuelle de Semin. « Il était un joueur de premier plan quand la ligue n'était pas aussi rapide qu'aujourd'hui, a-t-il dit après l'avoir vu joindre les rangs du Canadien. La compétition est maintenant telle qu'on ne peut pas être compétitif si on ne patine pas. » Et Waddell a pris le soin d'ajouter que Semin n'était pas le plus travaillant du groupe. On l'a d'ailleurs constaté cette semaine alors qu'il a passé outre à un entraînement optionnel après avoir disputé une seule des huit parties précédentes.

Bergevin a couru un risque d'un million de dollars, ce qui est du petit change dans le sport professionnel d'aujourd'hui. Malheureusement, Semin ne sera rien d'autre qu'un passager à Montréal.

Chose sûre, il n'est pas le type de joueur que Michel Therrien affectionne. Il l'a mis en pénitence durant sept matchs pour lui permettre de réfléchir sur ce qu'on attend de lui. Cela n'a rien donné parce que Semin, on le réalise, ne peut pas donner ce qu'il n'a plus. Et le patron du Canadien n'a surtout besoin de personne pour lui ouvrir les yeux là-dessus.

Par contre, c'est bien beau d'affirmer qu'il ne représentait pas un gros risque à un million de dollars pour une saison, mais sa présence dans la formation fait encore plus mal à l'équipe que l'argent qu'on lui verse car elle prive le Canadien d'un ailier droit de qualité dans un moment où on cherche des solutions pour faire de Galchenyuk un centre à plein temps. Quand on réalise qu'un joueur d'utilité comme Weise est 10 fois supérieur à Semin, ça donne à réfléchir. Il a été embauché pour un an, mais de toute évidence, c'est une année de trop.

En Caroline, on lui a donné 14 millions $ pour qu'il foute le camp. Fallait-il qu'il soit mauvais pour qu'on en vienne là.

Un peu de ménage

Un aspect de la situation reste réconfortant pour les fans de l'équipe. On ne doute pas que Bergevin, dont la tête fourmille d'idées pour renforcer sa troupe, mijote un plan en ce moment. Il porterait un grand coup au cours des prochaines semaines que personne n'en serait étonné.

Habituellement, les bons directeurs généraux trouvent des solutions pour délester leurs organisations des joueurs inefficaces qui finissent par devenir des sources de distraction.

Les choses n'ont pas fonctionné avec Daniel Brière et il est parti. Même chose avec Pierre-Alexandre Parenteau. Après avoir férocement courtisé Jiri Sekac, Bergevin n'a pas aimé ce qu'il a vu de lui et il l'a vite échangé. Et c'est sans compter les Rene Bourque, Eric Cole, Travis Moen, Scott Gomez et quelques autres qui n'étaient pas ses acquisitions, mais qui empêchaient le Canadien de poursuivre sa progression.

Au sein du Canadien en ce moment, il existe une seule note discordante. Un seul élément dont on ne peut rien attendre. Semin va connaître éventuellement le même sort que les autres.