Finalement, la décision la plus difficile que le Canadien avait à prendre au terme de son camp d’entraînement était bien plus reliée au bien fondé de maintenir le plan établi par Marc Bergevin et les membres de son état-major qu’aux performances des jeunes – et moins jeunes – joueurs de l’organisation

Car si les décisions finales avaient été prises en fonction des performances, Jarred Tinordi serait en route pour Hamilton. Remarquez qu’il pourrait bien s’y retrouver à un moment donné ou un autre selon la qualité du jeu qu’il offrira lorsqu’on fera appel à ses services en début de saison.

Mais parce que l’organisation considérait qu’il est temps pour Tinordi et pour Nathan Beaulieu de faire le saut dans la LNH, Bergevin a préféré faire place aux jeunes plutôt que de faire confiance à Francis Bouillon, ou à un autre vétéran susceptible d’être disponible au cours des prochaines heures par le biais du ballottage, voire au cours des prochaines semaines par le biais d’une transaction.

Tinordi n’a pas connu un bon camp. J’insiste une fois encore sur le fait qu’il n’y ait rien d’alarmant de voir un jeune qui sait qu’on attend autant de sa part de s’essouffler un brin ou deux en raison de cette pression.

Tinordi a les aptitudes et la taille pour occuper le poste qu’on entend lui confier à Montréal. Peut-être pas à la gauche de P.K. Subban tout de suite. Ça c’est évident. Mais à court terme, il peut – lire il doit – trouver une façon de se tailler une place au sein des six partants.

Le Canadien prend le pari que le jeune défenseur dont la confiance semble un peu minée retrouvera cette confiance et ses aptitudes avec le grand club, dans la grande ligue. J’espère pour le Canadien et le petit gars que la décision leur sourira.

Mais si ça ne se produit pas, ce ne sera pas la fin du monde non plus.

Le pire pour Tinordi et le Canadien serait qu’un ou deux vétérans se blessent à la ligne bleue, obligeant ainsi Michel Therrien à lui donner plus de travail que l’organisation considère à propos de lui offrir. Certains diront, et le passé leur a quelque fois donné raison, que la meilleure façon de relancer Tinordi serait au contraire de lui offrir beaucoup de temps d’utilisation de qualité afin qu’il n’ait pas à craindre qu’une bévue ici et une autre là ne le confinent à la galerie de presse. Cette position se défend. Et on saura bien assez si Tinordi saura en profiter ou, au contraire, s’effondrera. Ce que personne ne lui souhaite, c’est bien évident.

Mais si cela arrive, d’autres défenseurs autour de la Ligue pourraient faire l’affaire en relève.

C’est pour cette raison que Marc Bergevin avait besoin de se faire un peu de place sous le plafond. Un plafond dont il était trop près à son goût. Un plafond dont il s’est éloigné en échangeant le contrat de Peter Budaj aux Jets de Winnipeg et en refusant d’octroyer un contrat à un volet à Francis Bouillon.

Je sais, Bergevin a parlé en grand bien de Greg Pateryn, Davis Drewiske et Darren Dietz – mon préféré lors du dernier camp – et les a identifiés comme des « sauveurs » éventuels en cas de besoin.

Ça reste à prouver…

Budaj et Bouillon

La logique qu’on peut appliquer dans la décision d’offrir toutes les chances à Tinordi et Beaulieu à la ligne bleue prévaut aussi dans le dossier de l’adjoint à Carey Price.

Le Canadien – lire Marc Bergevin – a donné une nette indication du plan qu’elle entendait suivre cette année lorsque Dustin Tokarski a été préféré à Peter Budaj après que Chris Kreider eut percuté Carey Price lors de la finale d’Association opposant le Tricolore aux Rangers.

La direction de l’équipe avait perdu confiance en Budaj. Et Budaj – dans une discrétion qui l’honore – s’est aussitôt empressé de réclamer une transaction qu’il a finalement obtenue dimanche.

Les confidences de Marc Bergevin

Tout le monde est donc content.

Et au diable les amitiés dans le vestiaire et les qualités de bout en train au sein du groupe. Marc Bergevin, qui est habituellement bien meilleur pour cacher son jeu, a clairement indiqué qu’il gérait avec une main de fer lorsqu’il a indiqué qu’il dirigeait un club de hockey et non un camp scout en guise de réponse à une question d’un collègue qui se demandait si les départs de Gorges, Gionta, Budaj et aussi Bouillon – quatre gars très appréciés dans le vestiaire – n’allaient pas être lourds à porter.

Pourquoi préférer Tokarski à Budaj?

Parce qu’il est plus jeune de sept ans et qu’il coûte moins cher : 550 000 $ cette année avec un coût sous le plafond de 562 000 $ alors que Peter Budaj coûtait 1,4 million $. Et ce n’est pas tout. Si Tokarski ne répond pas aux attentes et qu’on doit le descendre dans les mineures, la facture ne sera alors que de 135 000 $.

Tokarski est-il meilleur que Budaj? Ses performances futures dicteront la réponse.

Mais ce qui est clair, c’est que l’état-major du Canadien savait qu’il ne pouvait rien obtenir de plus que ce qu’offrira Tokarski de la part de Budaj. D’où la décision « facile » de maintenir le plan élaboré le printemps dernier et de préférer Tokarski – qui n’a pas été vraiment meilleur que Budaj lors du camp – au gardien tchèque.

Quoi dire finalement sur Francis Bouillon? Que je suis peiné pour lui, comme pour tous les jeunes joueurs que j’ai vus grandir dans la LHJMQ et faire le saut ensuite dans la LNH. Eux comme joueurs, moi comme journaliste. Ils sont de plus en plus nombreux à prendre leur retraite ou à être poussés vers cette retraite contre leur gré. Mais contrairement à moi, ils peuvent déjà se permettre des retraites dorées alors que moi… peut-être dans 20 ans!

Je crois Francis Bouillon encore capable d’aider le Canadien. J’en suis convaincu même. Peut-être aura-t-il l’occasion de me donner raison ailleurs dans la LNH. Peut-être aura-t-il l’occasion de prolonger sa carrière en Europe. C’est la grâce que je lui souhaite.

Mais peu importe ce qui lui arrive dans les prochains mois, Bouillon pourra toujours se retourner derrière et être très fier, vraiment très très fier, de tout ce qu’il a accompli avec le Canadien et ailleurs dans la LNH.

Francis Bouillon est la preuve que la grandeur d’un joueur ne se mesure pas en pouces, mais bien avec le cœur, l’effort et la passion déployés pour réussir.

D’autres décisions à venir

Après avoir échangé Peter Budaj et avoir remercié – aux sens propres et figurés – Francis Bouillon, le directeur général a convenu qu’il travaillait sur d’autres dossiers afin d’améliorer le sort de son équipe.

Il ne faudrait pas se surprendre que Travis Moen passe à une autre formation au cours des prochains jours.

Car pour le moment, le Canadien a encore un joueur de trop au sein de sa formation. À moins que le nom de Lars Eller et/ou P.A. Parenteau ne soit inscrit sur la liste des blessés – ce qui semble peu probable soit dit en passant – le Canadien devra demander à un joueur de continuer son trajet vers Hamilton lorsque le club se posera à Toronto mercredi.

À surveiller absolument

Le choix facile serait Jacob De La Rose.

Mais comme il est clair que la direction de l’équipe ne semble pas trop entichée de Travis Moen et de son contrat encore valide pour deux ans, peut-être que le jeune Suédois en qui l’état-major affiche beaucoup de confiance profitera d’une transaction comme celle qui a profité à Dustin Tokarski pour s’approcher encore un peu plus de Montréal.

On verra.

Mais ce qui semble acquis, c’est que Jiri Sekac devance pour le moment De La Rose, Moen et Michaël Bournival dans la hiérarchie du Canadien à l’attaque.

Mais bon! Il ne faut pas s’en surprendre. Car dès le moment ou Marc Bergevin et ses acolytes ont réussi à faire signer un contrat au Tchèque que près d’une dizaine d’autres clubs reluquaient, il a obtenu un rôle important dans le plan du directeur général.

Et depuis l’arrivée de Marc Bergevin à la tête de l’organisation, toutes ses décisions ont été dictées par le plan qu’il a établi et qu’il a respecté.

Pas question d’échanger des premiers choix; le contrat de transition imposé à P.K. Subban; la décision de se rendre en arbitrage avec son meilleur défenseur; la récompense offerte à Michel Therrien avec une prolongation de contrat de trois ans plus une année d’option. Sekac, Tokarski, Tinordi et Beaulieu préférés à Bouillon, on ne parle plus ici simplement d’une tendance, mais bien d’une philosophie. Une philosophie basée sur l’importance d’établir un bon plan, mais surtout de s’assurer de le respecter.