BROSSARD, Qc - La cruauté du sport professionnel vient de frapper Mike Condon de plein fouet. Un an après avoir coiffé Dustin Tokarski dans la lutte pour l’obtention du poste de deuxième gardien du Canadien, le grand rouquin est retourné au bas de l’échelle quand l’organisation a confirmé que ce rôle appartiendrait cette année au vétéran Al Montoya.

Le nom de Condon a été inscrit au ballottage lundi alors qu’il était encore sur la patinoire à la fin d’une séance d’entraînement. Les 29 autres équipes de la Ligue ont jusqu’à mardi midi pour réclamer ses services. Si elles font toutes l’impasse, le cerbère de 26 ans se rapportera aux IceCaps de St. John’s, le club-école du Canadien dans la Ligue américaine.

Il s’agit d’un détour malheureux dans le beau parcours de Condon, un diplômé de l’Université Princeton qui était passé de la ECHL à la Ligue nationale en seulement trois ans après avoir été ignoré au repêchage de la LNH. Mais Stéphane Waite a imploré tout le monde de retenir ses larmes après avoir annoncé la nouvelle à son poulain.

« Chaque année, quand on doit laisser partir un gars, ce n’est pas facile. Sauf que dans le cas de Mike, ce n’est pas ses funérailles!, a relativisé l’entraîneur des gardiens du Canadien. Il n’est pas mort encore, je pense même qu’il va jouer de nouveau dans la Ligue nationale et j’espère que ça sera avec le Canadien. Au sein de l’organisation, on espère qu’il ne sera pas réclamé parce que si on a signé Al Montoya, c’est pour compter sur trois gardiens de but avec l’expérience de la Ligue nationale. »

De l’expérience, Condon n’en avait pas quand le Canadien a décidé de lui faire une place au sein de son effectif l’automne dernier. La suite est bien connue : une blessure à Carey Price a précipité son immersion et il a finalement dû disputer 55 matchs dans la grande ligue, une charge de travail qu’il n’était pas prêt à supporter.

Après avoir remporté neuf de ses treize premiers départs, Condon a terminé sa saison recrue avec une fiche de 21-25-6, une moyenne de buts alloués de 2,71 et un taux d’efficacité de ,903.

« Je lui ai toujours dit : "Tout ce qui arrive à Carey, c’est bon pour toi, profites-en". C’est un bagage incroyable qu’il a amassé, des minutes précieuses. C’était comme un cours accéléré à l’université et il a été très bon dans les circonstances », a jugé Waite.

« On s’est toujours concentré sur les bonnes choses. Pas sur les statistiques, mais sur les petits détails qui pouvaient lui permettre de devenir meilleur de jour en jour et c’est ce qu’il a fait, note le mentor. Aujourd’hui, il est un meilleur gardien qu’à pareille date l’an dernier, ça ne fait aucun doute. Sauf que l’expérience nous a appris qu’on avait besoin de profondeur devant le filet et c’est ce qu’on est allé chercher avec Al. »

Waite a des sentiments partagés quant à l’avenir de Condon. Il sera le premier à se réjouir si son protégé obtient une vraie chance dans un nouveau marché, mais de façon égoïste, il souhaite ouvertement le voir rester dans l’organisation montréalaise. Mais peu importe la direction

« Ce matin avant qu’il parte, je lui ai rappelé que Corey Crawford avait joué cinq ans dans la Ligue américaine à Chicago. Cinq saisons complètes! Il a joué plus de 250 parties dans la Ligue américaine. Mike n’a pas le quart de cette expérience encore. Alors s’il doit retourner dans la Ligue américaine, il n’y a rien de mal là-dedans. Plus il va jouer, mieux ça va être pour lui. »

Le renvoi de Condon à St. John’s créerait un ménage à trois avec Charlie Lindgren et Zachary Fucale et signifierait fort probablement le renvoi de l’un des deux jeunes au Beast de Brampton, dans la ECHL. Waite a dit avoir « une idée de ce qu’on veut faire », mais a gardé le secret sur les plans de l’organisation.

« J’adore notre situation au niveau des gardiens de but. Lindgren et Fucale, ce sont des beaux prospects avec qui travailler. Si on peut avoir Mike en bas également, on va être en Cadillac. »

L’idéal pour Price : 60 matchs maximum

La tâche de seconder Price reviendra donc sans grande surprise à Montoya, un Américain de 31 ans qui compte 136 parties d’expérience dans la LNH. Le natif de l’Illinois a signé un contrat avec le Canadien à titre de joueur autonome le 1er juillet dernier après avoir passé les deux saisons précédentes derrière Roberto Luongo chez les Panthers de la Floride.

60 matchs et moins pour Price?

Montoya, un ancien choix de première qui a aussi porté les couleurs des Coyotes de Phoenix, des Islanders de New York et des Jets de Winnipeg, a obtenu une moyenne de 24 départs par saison depuis 2013-2014. Waite le qualifie « d’un des bons backups de la Ligue dans les quatre dernières années. »

« Ce n’est pas tout le monde qui peut arriver dans une équipe et jouer trois ou quatre fois par mois. C’est très difficile et c’est ce qu’on aime de Montoya, il est capable de faire ce job. Il connaît son rôle, c’est un bon coéquipier et sa grosse qualité, c’est qu’il travaille fort. Ça fait deux semaines que je suis revenu de la Coupe du monde et je me rends compte que c’est un gars qui pose beaucoup, beaucoup de questions. Quand on fait du vidéo, c’est long parce qu’il pose sans cesse des questions, mais j’adore ça. »

Dans un monde parfait, Waite aimerait confier le filet à son nouvel élève pendant au moins une vingtaine de matchs cette saison.

« Des fois, l’idéal prend le bord quand tu dois gagner des matchs et faire les séries, mais on a un plan et la venue d’un gars comme Montoya va nous aider à le mettre à exécution parce que je pense qu’il peut gagner des matchs régulièrement dans cette ligue. Meilleur est ton auxiliaire, plus tu peux reposer ton numéro un et ça, sans vouloir faire de jeu de mots, c’est priceless. Un bon substitut dans la Ligue nationale, ça n’a pas de prix. »