Le rendement de Carey Price inquiète nombre de partisans et d’observateurs par les temps qui courent.

S’il est évident que le gardien numéro un du Canadien ne performe pas à la hauteur des standards élevés qu’il a lui-même établis, une mise en perspective s’impose à ce moment de la saison.

Une fatigue physique

Price n’a pratiquement pas joué la saison dernière et, par le fait même, ne s’est quasiment pas entraîné non plus, en raison de la blessure qui l’a tenu à l’écart de la patinoire. Ses habitudes de remise en forme lors de l’entre-saison ont été chamboulées, enfilant les jambières plus tôt l’été passé, pour tenter de rattraper le retard accumulé et afin d’obtenir rapidement des réponses quant à l’état de son genou en prévision de sa participation à la Coupe du monde de hockey. Il s’est d’ailleurs avéré être une figure de proue pour l’équipe canadienne, disputant, sans grande surprise, la majorité des rencontres.

Carey Price n’a pas été en mesure non plus de bénéficier de la courte pause reliée à la présentation de la Classique des Étoiles de la LNH, y étant sélectionné à titre de capitaine de la section Atlantique. Malgré le ton léger d’un tel événement, il s’agissait tout de même d’un retour tard dans la nuit sur Montréal depuis New York avant une envolée de six heures vers Los Angeles, le vendredi matin, et un retour immédiat le dimanche. Il était devant le filet de son équipe le mardi soir au Centre Bell.

Le gardien du Tricolore n’est pas le seul à montrer une telle courbe de performance cette saison parmi l’élite de la LNH. Ironiquement, plusieurs des gardiens participant à la Coupe du monde se retrouvent dans de pareilles situations. Tuukka Rask, Sergei Bobrovsky et Pekka Rinne, qui étaient aussi parmi les étoiles à Los Angeles, ont cumulé des statistiques comparables à Price depuis le début de l’année 2017. Henrik Lundqvist et Corey Crawford aussi. On parle de gardiens parmi les 10 meilleurs du circuit qui peinent à atteindre la barre de ,900 pour le taux d’efficacité et qui allouent environ trois buts par match, deux résultats très loin de leur niveau habituel.

Cela dit, si tous les faits déjà relatés peuvent expliquer un état de fatigue indéniable, quand on y ajoute le calendrier compressé et les déplacements propres à toutes les équipes de la LNH, il ne s’agit pas pour moi de l’explication principale du comportement de Carey Price ces temps-ci.

Une fatigue mentale

Avec un objectif avoué dès le départ chez le Tricolore, de vouloir bien gérer son utilisation, l’état-major veut s’assurer de la présence de son joueur par excellence au moment le plus important. Dans toute planification annuelle qui se respecte, il est capital d’identifier précisément un moment ou l’athlète doit atteindre son apogée. Même chez les plus grands, impossible de passer outre ce processus parsemé de hauts et de bas, de charges allégées et de moments cruciaux. Le moment crucial dans la planification annuelle de Carey Price n’est pas encore arrivé. Ce moment a été identifié au printemps prochain et rien ne sert de forcer les choses inutilement avant le retour de la pause imposée, alors qu’on amorcera réellement le dernier droit des 22 restants à la saison.

Il ne faut surtout pas perdre de vue que le gardien titulaire a raté le tout dernier match de son équipe lors de trois des quatre dernières saisons. Ainsi, il était donc primordial d’établir un plan serré afin que telle situation ne se reproduise plus si le Canadien compte faire un bout de chemin.

Bas les masques: Price fatigué?

Quand je regarde évoluer Carey Price ces jours-ci, j’observe un gardien soucieux de ses gestes techniques, mais qui a appris à s’économiser en dosant ses efforts et en se fiant à son talent immense. Par nature humaine, et, surtout, parce qu’il connait les attentes placées à son endroit, il adopte le plan établi pour lui à l’extrême, au point de perdre une once de combativité. Il devient alors difficile pour lui de bien repérer la rondelle et de la suivre en tout temps malgré la circulation lourde devant lui. Même les meilleurs gardiens au monde n’arrêteront pas les rondelles qu’ils ne voient pas.

Qui plus est, ce léger manque de vigueur se répercute dans ses sorties pour manier la rondelle, autre aspect où il excelle en temps normal, mais où il est nonchalant présentement. Cette attitude ralentit sa prise de décision. Et dans une ligue ultra compétitive, rapide au possible et sans pitié, nul ne peut connaitre du succès de façon constante sans avoir la pédale au plancher. Voilà donc pourquoi je dis que la fatigue mentale est celle qui affecte le plus le numéro 31. On n’a qu’à revoir le troisième but des Coyotes pour apercevoir un gardien facilement sorti de sa concentration alors qu’une charge vers son filet se dessine. Il perd alors le contact visuel avec la rondelle lorsque Jordan Martinook refile le disque vers Alex Goligoski et se relève instinctivement, un signe clair de protection. Au moment de retrouver son focus, une fraction de seconde à peine s’écoule, mais il est déjà trop tard.

Et maintenant?

Je ne dis pas que l’intensité revient comme on enclenche un interrupteur, mais je crois fortement que s’amorcera un crescendo marqué pour Price et son entraîneur Stéphane Waite lorsqu’ils reviendront de la pause. Une progression dans les habitudes de travail et le souci du détail sur laquelle planche déjà Waite depuis un moment. Cette progression se reflétera instantanément dans la tenue de Price, qui comprend mieux que quiconque là ou il se trouve physiquement et moralement. La meilleure des nouvelles pour les deux hommes semble se trouver dans la capacité du groupe de relever certains défis face à l’adversité, et ce, indépendamment du rendement de son meilleur joueur, chose impensable, voire farfelue, il y a à peine un an.

Je dis donc, vivement la pause pour faire le vide et oublier des dernières performances sans panache et pour faire le plein d’énergie positive, entouré de ce qui importe le plus pour Carey Price, et dans la vie en général : sa famille récemment agrandie.

Stéphane Fiset nous parle de Carey Price