Charlie Lindgren vit présentement un conte de fée. Fort d’une moyenne de 1,24 but alloué par partie et d’un pourcentage d’arrêts de 96,4 % depuis son rappel de Laval, le gardien ne cesse d’épater. Il est la saveur du mois à Montréal.

Pourtant, le travail de gardien de but est ingrat et névralgique. Il est facile de tomber dans les mauvaises grâces des partisans, surtout dans une métropole aussi fanatique de hockey que Montréal. La dernière partie jouée fait foi de tout.

Si un attaquant perd son homme en repli défensif et que cela engendre un surnombre qui est finalement enrayé par les défenseurs ou le gardien, seuls les vrais connaisseurs décèleront l’erreur quant au marquage défensif. À l’inverse, si le cerbère se fait déjouer par un tir, inévitablement, tout l’amphithéâtre le saura. Puisque le gardien constitue la dernière ligne de défense, toutes ses erreurs sont affichées au tableau indicateur avec le nombre de buts inscrits par l’adversaire. C’est pourquoi il est si important de compter sur un bon gardien en ses rangs.

Comment expliquer le succès de Lindgren? Il garde son équipe dans la rencontre en se contentant d’effectuer le premier arrêt  et ses coéquipiers lui sont ensuite d’une grande aide.

Le travail de Charlie LindgrenEn quatre parties cette saison, Lindgren n’a accordé qu’un maigre total de cinq buts à l’adversaire. Ce qui est d’autant plus intéressant, c’est que tous ces filets furent inscrits depuis l’enclave. C’est donc dire que Lindgren est jusqu’ici parfait face aux tirs de loin. C’est un bon indice comme quoi il n’a pas alloué de mauvais buts ayant cassé les reins de son club.

En effet, le gardien moyen de la LNH arrête plus de 96 % des tirs décochés vers lui depuis la périphérie. C’est simple, un gardien du circuit Bettman se doit aujourd’hui d’être quasi irréprochable face à ces lancers. C’est le cas de Lindgren.

Les cerbères sont tellement forts physiquement et techniquement que seuls les lancers provenant de l’enclave peuvent les tromper avec régularité. Cela explique que plus de 75% des buts inscrits dans la LNH aujourd’hui le sont depuis cet emplacement, comme le tireur y bénéfice d’un angle optimal et que le temps de réaction du gardien y est minimal.

C’est face à ces lancers que les meilleurs cerbères se démarquent réellement du peloton. Ce sont ces arrêts importants qui changent l’allure d’une rencontre. Face aux tirs de l’enclave, le pourcentage d’arrêts de Lindgren est de 6,7% supérieur à la moyenne de la LNH, ce qui est énorme.

En somme, non seulement Lindgren n’accorde pas de mauvais buts, mais il exécute également les arrêts clés.

Attention, il ne faut pas pour autant partir en peur. Lindgren n’a joué que quatre parties et son défi sera de faire en sorte que ce niveau de performance s’inscrive dans la durée. C’est loin d’être chose faite.

Sur le plan technique, ses déplacements ne sont pas toujours optimaux et il jongle parfois avec la rondelle. Même que les statistiques avancées révèlent que Lindgren accorde plus de retours que le gardien moyen et qu’une plus grande proportion de ceux-ci sont récupérés par l’adversaire, deux indices voulant que sa technique ne soit pas impeccable. Au final, cela n’a pas beaucoup d’importance.

En effet, le Canadien brille au moment de récupérer un retour de lancer accordé par Lindgren dans l’enclave, ce qui facilite énormément la vie de son jeune gardien. Ce dernier n’a qu’à poser le premier geste et ses coéquipiers s’assurent alors de mettre fin à la véritable menace offensive en protégeant le devant du filet.

D’ailleurs, depuis le début de la saison, le Canadien fait très bien défensivement, se classant troisième quant au temps de possession de l’adversaire en zone offensive (5 minutes et 45 secondes par partie) et deuxième pour les tirs accordés du bas de l’enclave (5,0 par partie).

Comme le Tricolore limite le nombre de tirs de l’adversaire provenant du bas de l’enclave et que ce sont surtout ces lancers qui ont tendance à tromper Lindgren, tous les éléments sont réunis pour que ce dernier performe bien, à tel point qu’il sera fort difficile de le rétrograder dans la Ligue américaine.

Ce n’est pas un secret, Carey Price n’a pas livré la marchandise en début de campagne. Peu importe les facteurs expliquant ces difficultés, l’équipe devait trop souvent jouer du hockey de rattrapage. Avec Lindgren dans la cage, l’histoire n’est plus la même.

Malgré tout, Price demeure le joueur le plus important chez le Canadien. Cependant, les succès de Lindgren pourraient bien piquer son orgueil et faire en sorte qu’il retrouve ses repères plus rapidement, fier de vouloir prouver à tous qu’il est toujours incontestablement le gardien titulaire du club.

Il est évident que Carey Price retrouvera ses marques d’ici la fin de la saison. Il est trop talentueux pour qu’il n’en soit autrement. Il est inconcevable qu’il ait perdu toutes ses habiletés au cours de l’été.

La bonne nouvelle, c’est qu’en raison des performances de son substitut, son retour au jeu n’a pas à être précipité. Lindgren fait actuellement un travail exceptionnel.

À long terme, ce sont probablement le Canadien et Carey Price qui en sortiront gagnants. Price a presque tout gagné. Son palmarès bien garni compte notamment une médaille d’or olympique, une coupe du monde ainsi que les trophées Hart, Lindsay, Vézina et Jennings. Toutefois, il lui manque toujours  le saint-graal : une bague de la coupe Stanley.

Les critiques répètent souvent avec grand plaisir que Price n’a rien cassé en séries. La réalité est que Price a souvent été surtaxé en saison régulière, alors que l’équipe dépendait de ses performances pour se qualifier en éliminatoires. Il a longtemps été le meilleur de sa profession, mais il doit désormais l’être au moment opportun, soit lors de la danse printanière.

Peut-être qu’en jouant moins cette année, puisque les performances de Lindgren le permettent, Price arrivera finalement frais et reposé en séries, ce qui pourrait faire la différence.