MONTRÉAL - À l’aube d’une saison qui s’annonçait déjà difficile et d’un début de calendrier qui s’annonce plus difficile encore en raison des absences de Carey Price, Shea Weber, Joel Edmundson et Mike Hoffman, l’annonce de l’entente liant Nick Suzuki au Canadien jusqu’en 2030 représente une très bonne nouvelle pour le Tricolore.

 

Une des rares bonnes nouvelles à faire contrepoids aux nombreux boulets qui ont ralenti l’organisation depuis sa défaite aux mains du Lightning en finale de la coupe Stanley.

 

Pour être une bonne nouvelle, c’en est une vraie. Car en acceptant une prolongation de contrat de huit ans qui lui permettra d’accumuler 63 millions $ en salaire à compter de l’an prochain, Suzuki jette l’ancre pour longtemps au Centre Bell. Il accepte d’être le fer de lance du Tricolore et d’accepter de composer avec la pression qui vient avec ce rôle.

 

Plus encore, il devient une base de référence pour les contrats à venir. Vrai que 63 millions $ c’est beaucoup d’argent, mais au lieu d’accepter ce magot, Suzuki aurait pu imiter d’autres jeunes vedettes de la LNH et signer une entente à plus court terme. Le genre d’entente qui lui aurait permis de toucher beaucoup d’argent encore une fois que le plafond salarial se remettra à gonfler au lieu de stagner comme il le fait cette année et le fera sans doute encore au fil de quelques autres saisons.

 

Est-ce que le Canadien a trop payé pour un gars qui a accumulé 41 points à ses deux premières saisons dans la LNH?

 

Non!

 

Suzuki a amassé 41 points (13 buts) en 71 matchs à sa saison recrue. Il a été meilleur encore à ses premières séries.

 

Le petit centre acquis avec Tomas Tatar dans le cadre de la transaction qui a envoyé Max Pacioretty à Vegas a fait mieux à sa deuxième saison en récoltant ses 41 points (15 buts) dans le cadre d’une saison écourtée de 56 matchs seulement. Comme à sa saison recrue, il a aussi performé avec brio en séries comme le confirment ses 16 points (sept buts) récoltés en 22 rencontres.

 

Le meilleur est donc à venir.

 

Je sais! Il n’y a rien de garanti. La situation de Jack Eichel avec les Sabres à Buffalo le démontre avec éloquence.

 

Mais j’aime mieux voir le Canadien miser sur l’avenir prometteur d’un jeune joueur qui veut demeurer à Montréal et y faire carrière, plutôt que de payer des fortunes pour des joueurs en fonction de leur passé et de finalement gaspiller des fortunes parce que les projections sont trop souvent loin de se réaliser.

 

Trop d’incertitudes en défense

 

Au-delà le talent évident qui permet à Suzuki de représenter le centre numéro un autour de qui gravitera l’attaque du Tricolore cette saison et au moins les huit qui la suivront, au-delà les espoirs associés à Cole Caufield et à ses capacités à marquer des buts, au-delà l’embauche de Christian Dvorak qui devrait faire oublier, du moins à court terme, Jesperi Kotkaniemi, au-delà la fougue et l’éthique de travail qui pourrait permettre à Jake Evans de palier, au moins sur le plan défensif, la perte de Phillip Danault, l’attaque du Canadien me semble un brin timide pour faire contrepoids aux lacunes défensives du Tricolore.

 

Des lacunes à la ligne bleue où le CH manque cruellement de profondeur. Des lacunes devant le filet également alors Jake Allen et Samuel Montembeault héritent du défi colossal de faire oublier l’absence de Carey Price.

 

Ces lacunes m’incitent donc à croire que le Canadien passera cette année de la grande finale à une exclusion des séries.

 

Je l’ai écrit déjà et je l’écris à nouveau : Jake Allen est un bon gardien de but. Il a prouvé avoir l’étoffe pour être un bon auxiliaire. Peut-être même un très bon.

 

Mais quand on demande à un auxiliaire, aussi bon soit-il, de prendre la tête sur une période prolongée et non pour venir en relève lors des deuxièmes matchs disputés en deux soirs, on réalise très souvent pourquoi l’étiquette d’adjoint est associée à son nom.

 

Il n’y a rien de gênant à ça. Rien de rien. Et j’insiste une fois encore sur le fait que c’est loin, très loin, d’être une critique lancée à l’endroit d’Allen. Mais bien une simple réalité confirmée aux quatre coins de la Ligue.

 

Surtout qu’il y a bien plus que les gardiens.

 

En raison de l’absence de Joel Edmundson, le Canadien devrait – les duos fluctueront sans doute autant que la bourse en début de saison – faire confiance à Brett Kulak pour occuper le flanc gauche du premier duo de défenseurs avec Jeff Petry.

 

Kulak n’est pas mauvais. Il a d’ailleurs obtenu du succès avec Petry en séries il y a deux ans. Mais comme c’est le cas avec les gardiens auxiliaires, Kulak peut venir en relève de temps en temps, mais la réalité le rattrapera s’il doit prolonger son séjour dans ce rôle qui dépasse sa réalité.

 

Ce qui est vrai pour Kulak au sein du premier duo l’est aussi pour David Savard au sein du deuxième. Le Québécois est un bon défenseur d’expérience. Son embauche est l’un des bons coups de l’été de Marc Bergevin. Surtout au salaire (3,5 millions $ par année) qu’il a accepté. Mais dans un monde idéal, c’est au sein du troisième duo que Savard serait à son mieux. Qu’il offrirait ses meilleures performances. Qu’il serait le plus rentable!

 

Ajoutez à ça Alexander Romanov qui affiche encore l’immaturité normale associée à son âge et son inexpérience, les lacunes défensives de Chris Wideman et le fait que Sami Niku représente une police d’assurance alors qu’il ne pouvait pas même remplir ce rôle à Winnipeg l’an dernier et ça fait bien des feux à éteindre en défensive chez le Canadien.

 

Éteindre un feu de camp, tout le monde peut y arriver. Mais quand le feu de camp se transforme en feu de forêt, ça prend des gros CL-215 pour y arriver.

 

Le seul CL-215 au sein de l’organisation du Canadien s’appelle Shea Weber. Et les chances qu’il décolle de Kelowna pour effectuer l’envolée vers Montréal et éteindre le feu qui pourrait ravager la défensive avant longtemps sont très minces.

 

Cela permettra à tous les détracteurs de Weber – ils sont nombreux et se reconnaîtront – de réaliser que le capitaine était bien meilleur qu’ils ne le croyaient et qu’il serait encore bien plus utile qu’ils l’estimaient.

 

Mais bon...

 

Quatrième, cinquième, sixième?

 

En raison des absences nombreuses qui minent la formation en début de saison, je ne vois pas comment le Canadien pourra cette année rivaliser avec le Lightning, les Panthers et les Maple Leafs à qui je donne tout de go les trois premières places dans la division Atlantique.

 

Pour accéder aux séries, le Canadien devra donc se battre avec les Bruins de Boston et même les Sénateurs d’Ottawa pour accumuler les points susceptibles de les aider à atteindre les séries par le biais du repêchage.

 

Je considère que les Bruins ont pris du recul au cours de la saison morte. L’incertitude devant leur filet – au moins le Canadien peut espérer revoir un Carey Price en bonne forme physique et mentale à moyen terme – devrait se traduire parce quelques défaites inattendues à Boston.

 

Mais je crois tout de même les Bruins en mesure de coiffer le Canadien au classement à la fin de la saison. Quant aux Sénateurs, tout dépendra de la durée de l’absence de Brady Tkachuk et des conséquences du bras de fer contractuel qui l’oppose avec la direction.

 

Au moins, le Canadien pourra se consoler avec le fait que Detroit et surtout Buffalo seront loin derrière une fois la saison terminée. Du moins je l’espère pour les fans du Canadien, sinon ils vivront un très long hiver et un très court printemps...

 

Cinq clubs de la Métro en séries?

 

Disons que le Canadien arrive à éclipser les « Sens », à rivaliser avec le Bruins et que quelques points seulement séparent Montréal et Boston à la fin de la saison qui s’est mise en branle mardi : est-ce que ces récoltes seront susceptibles de permettre au Tricolore et à ses Oursons de rivaux de devancer les équipes de quatrième et cinquième places dans la division Métropolitaine?

 

Je suis loin d’en être convaincu.

 

Bien malins ceux ou celles qui sont en mesure de prédire, dès aujourd’hui et avec justesse, quel sera le classement final dans la division métro au lendemain des derniers matchs de la saison qui se terminera le 29 avril prochain.

 

Mais peu importe qu’on les place dans l’ordre ou dans le désordre, il me semble qu’on peut avancer sa trop de risques de se tromper que les Hurricanes, les Islanders, les Flyers, les Rangers et les Capitals devraient tous récolter plus de points que les équipes qui termineront aux quatrième et cinquième rangs dans l’Atlantique.

 

Vrai que ces équipes se croiseront dans le cadre de luttes intradivision qui pourraient répartir les points au classement et aider la cause du Canadien ou des Bruins. Voire des deux équipes. Vrai aussi que les Penguins, les Blue Jackets et même les Devils viendront vampiriser des clubs de tête à quelques occasions.

 

Mais ce sera tout aussi vrai dans la division Atlantique : est-il besoin de rappeler les points perdus par le Canadien aux mains des Sénateurs l’an dernier? Les points gaspillés aux mains des Red Wings il y a deux ans?

 

Pas question ici d’être prophète de malheur. Ou de se concentrer uniquement sur les lacunes du Canadien et de détourner le regard sur celles de ses adversaires.

 

Mais bien objectivement, et c’est encore plus vrai en raison des nombreuses brèches à combler en début de saison en raison des très (trop) nombreuses blessures, je crains fort que le Tricolore ne puisse suivre la cadence des équipes qui occuperont les trois premières places dans chacune des deux divisions dans l’Est et des deux autres clubs qui accéderont aux séries à titre d’équipes repêchées.

 

Allen et l’attaque massive : des cartes cachées

 

Est-ce que le Canadien pourrait faire mentir mes prédictions et les nombreuses autres qui le gardent hors des séries?

 

Bien sûr que oui!

 

Et c’est pour ça que le sport est si intéressant à suivre. Au-delà les projections, les attentes, les réputations et toutes les analyses savantes et le poids qu’on accorde aux facteurs loin d’être scientifiques associés à tout ce qui est intangible, c’est sur la glace que les vraies choses se passent. Et souvent, elles ne se passent pas comme prévu. Vraiment pas! D’où les surprises et déceptions qui se multiplient au cours d’une saison.

 

Quel est facteur principal qui pourrait permettre au Canadien de surprendre cette année?

 

Des performances dépassant les attentes de la part de Jake Allen devant la cage viennent tout en haut de ma liste. Comme l’a candidement convenu l’entraîneur-chef des Flyers Alain Vigneault dans le cadre de l’entrevue qui m’a permis d’écrire une chronique sur le nouveau visage des Flyers et le défi de faire oublier la saison difficile de l’an dernier, 75 % des succès d’une équipe reposent sur les jambières de ses gardiens.

 

C’est énorme.

 

Alors : si Allen est en mesure de faire oublier Carey Price, il est clair que les chances du Canadien de surprendre ses rivaux de la division Atlantique et de surprendre la LNH au grand complet, seront multipliées.

 

Cela dit, l’attaque massive vient pas loin derrière Jake Allen à mes yeux. Avec les joueurs à sa disposition, Dominique Ducharme et Alex Burrows qui orchestre le « Power Play » devraient être en mesure d’envoyer pénalité après pénalité deux unités d’attaque à cinq capables de marquer des buts.

 

Suzuki, Toffoli, Caufield, Hoffman, Anderson, Drouin et Dvorak – pourvu qu’il ne se brûle pas en plus lors des désavantages numériques – représentent des joueurs capables de transformer un bon pourcentage d’attaques massives en buts.

 

Surtout avec Jeff Petry comme chef d’orchestre à la pointe et, en accompagnement, l’implication de Chris Wideman dont les meilleurs atouts – peut-être même les seuls – sont associés à sa capacité de gérer une attaque à cinq.

 

Si l’attaque massive du Canadien se hisse au sein des meilleures de la LNH et c’est possible que ce soit le cas, le Canadien pourra ajouter quelques points au classement au fil des 82 matchs. Des points qui pourraient changer le portrait des séries en mai prochain.

 

Le temps nous le dira. Mais pour l’instant, je peine à croire avec conviction que le Canadien accédera aux séries. Cela dit, je crois vraiment qu’il sera dans la course jusqu’à la fin. Ce qui devrait nous donner une saison intéressante.

 

Ça le laissera lui et ses partisans loin de la coupe Stanley encore cette année; mais ce sera au moins ça de gagné.