Quand Max Pacioretty a été élu capitaine du Canadien en septembre 2015, il était aux anges. L’Américain du Connecticut est un athlète fier. Cette nomination était sans doute jusque-là le plus haut fait d’armes de sa carrière professionnelle. Être capitaine d’une équipe qui avait vu en lui suffisamment de talent pour le réclamer en première ronde, c’était un honneur en soi, mais le devenir, de surcroît, au sein de l’organisation la plus riche en histoire était probablement plus valorisant encore.

Pourtant, trois mois après avoir reçu cet honneur, le C a commencé à peser lourd sur sa poitrine. Cette décoration a pris la forme d’un cadeau empoisonné quand Carey Price est parti sans jamais revenir, quand Brendan Gallagher s’est absenté pendant une trentaine de parties et quand l’équipe a dû poursuivre sa route avec un gardien quasi inconnu, Mike Condon, qui n’avait pas une once d’expérience dans la Ligue nationale. L’équipe a piqué du nez sans qu’on ait pu trouver le remède pour stopper l’hémorragie.

Quand un navire perd son gouvernail, les regards se tournent vers le capitaine. On s’attend à ce qu’il se lève en invitant tout le monde à se battre dans la tempête. Bref, qu’il fasse preuve du leadership qu’on attend de lui.

Comme si la situation n’était pas déjà suffisamment compliquée, Pacioretty a été fidèle à sa réputation de franc-tireur qui produit par secousses. Même si on avait un urgent besoin de sa production, il a connu des phases de 12 parties sans but, de deux buts en 15 et d’aucun but en sept matchs. Marc Bergevin et Michel Therrien ne l’ont pas montré du doigt, mais Dieu sait qu’on aurait eu besoin qu’il y mette les bouchées doubles pour aider l’équipe à se maintenir à flot.

Dans les circonstances, on s’est évidemment demandé si on avait choisi le bon capitaine. Ses capacités à pouvoir exercer son leadership ont été questionnées. Aujourd’hui, en analysant la situation avec du recul, il est permis de se demander si un autre que lui aurait mieux fait dans les circonstances. Être capitaine est un rôle qui s’apprend. On ne devient pas Jean Béliveau ou Bob Gainey au premier jour. Visiblement, ce n’était pas la saison idéale pour se familiariser avec la situation parce que dès qu’on tentait de boucher un trou dans l’équipe, il s’en créait un autre plus grand encore. La déroute était trop sérieuse pour qu’un capitaine sans expérience puisse y changer quelque chose.

Dans cette situation bordélique, on ne peut pas ignorer les incidents grincheux l’impliquant avec P.K. Subban qui ont contribué à alourdir l’ambiance. Pacioretty est un bonhomme tranquille qui n’aime pas faire de vague. On l’imagine difficilement engendrer lui-même des conflits avec des coéquipiers. Or, à tort ou à raison, il a dû parfois s’expliquer sur des situations futiles et sans gravité l’impliquant avec le turbulent défenseur. Des incidents dont il aurait fort bien pu se passer.

Un gars coriace

Pacioretty a eu plusieurs fois l’occasion de démontrer qu’il a la couenne dure. À commencer par la terrifiante mise en échec que lui a servie Zdeno Chara et qui aurait pu mettre un terme à sa carrière en faisant de lui un paraplégique. Ça s’est déroulé en mars 2011 et on a passé l’été à se demander s’il allait pouvoir poursuivre sa carrière et, si oui, s’il allait redevenir le même homme sur patins. Or, il a rebondi avec une étonnante production de 33 buts et de 65 points, ce qui a fait de lui le gagnant du trophée Bill-Masterson.

Durant le récent tournoi de la Coupe du monde, son jeu mou et peu inspiré lui a valu d’être humilié à la grandeur de l’Amérique par l’entraîneur John Tortorella. Pressé de questions là-dessus à son arrivée au camp du Canadien, il a dit les bonnes choses. Il avait entretenu une bonne relation avec Tortorella. Il ne s’était pas senti attaqué personnellement par lui. Il était un bon entraîneur.

Finalement, durant l’été, il y a eu cette rumeur persistante sur la prétendue déclaration de son entraîneur qui l’aurait identifié comme le plus mauvais capitaine dans l’histoire du Canadien. Rien de moins.

Tout cela a contribué à semer énormément de doute sur lui en peu de temps. Ça n’annonçait rien de bon pour la saison actuelle. Fans et médias avaient leurs doutes. Peut-être même aussi ses patrons. Et si jamais c’était vrai ce que Therrien se défendait d’avoir dit à son sujet? Encore une fois, il a répondu. Après un lent début de calendrier, dont une séquence d’un seul but en 11 matchs, il a rebondi comme il l’a fait si souvent dans le passé.

Max PaciorettyJe ne pense pas qu’on puisse lui reprocher beaucoup de choses dans son statut de capitaine cette saison. Sa conduite est irréprochable dans le vestiaire comme à l’extérieur. Il se présente régulièrement pour répondre aux questions des médias. Il est souvent là après les entraînements et plus régulièrement encore après les matchs, gagne ou perd. Il répond avec aplomb. Il ne dit rien de spectaculaire, mais ses explications sont exprimées clairement. Et j’ajouterais que sans Subban dans le décor, il semble moins tendu. L’an dernier, dans ses points de presse, il lui arrivait d’étirer le coup et de regarder par-dessus la tête des journalistes pour tenter de voir d’où provenait le bruit dans la chambre. Quand Subban se donnait en spectacle, il ne s’amusait pas de ses pitreries. Et quand ce tapageur, qui conservera probablement toujours son âme d’enfant, s’avançait vers lui pour lui faire une accolade et pour tenter de chasser tous les doutes concernant leurs divergences d’opinion, Pacioretty s’efforçait de jouer le jeu pour mettre le couvercle sur une controverse qui souvent n’en était pas une.

Il n’y a pas de distractions dans le vestiaire cette saison et Pacioretty s’y sent plus à l’aise et plus en contrôle. Peut-être se sent-il moins seul pour exercer son leadership depuis l’arrivée de Shea Weber? Peut-être aussi a-t-il simplement ressenti l’obligation d’être à la hauteur de sa responsabilité devant cet ultime chef de file venu d’ailleurs? Qui sait, peut-être s’est-il inspiré du comportement de son nouveau coéquipier pour devenir un meilleur capitaine?

Une telle réaction serait fidèle à sa personnalité car Pacioretty ne semble pas posséder un gros ego.