L'expression fut à nouveau utilisée par notre collègue Andrée-Anne Barbeau lors de l'enregistrement de la webdiffusion Ma Parole, hier et elle convient parfaitement à ce que traverse le Canadien de Montréal présentement : « un lendemain de veille pénible! ».

On parle sans cesse des difficultés et des pièges qui guettent les équipes et/ou les athlètes qui se rendent en finale de leurs sports respectifs à la relance de leur saison suivante, mais il y a une nuance qu'on oublie trop souvent: recommencer comme « perdant » est beaucoup plus lourd et ardu que de le faire comme gagnant!

Si des champions peuvent parfois démontrer un peu de relâchement, voire de complaisance après une conquête, ils peuvent bâtir sur le titre acquis et ont ainsi une excellente base de reprise lorsque la fatigue sera passée. Les perdants, eux, ressentent la même fatigue mais avec rien d'autre que la défaite en mémoire, ce sentiment douloureux d'avoir tant donné, d'être finalement passé si près, mais de n'avoir récolté qu'une éventuelle satisfaction qui s'installera quelque part dans la mémoire à long terme. Avec en prime, la question qui tue : « aurons-nous une autre occasion comme celle-là un jour ? »

Je me souviendrai toujours de la première finale de la Coupe Stanley que nous avons présentée à RDS. C'était celle de 2003, entre les Devils du New Jersey de Pat Burns et les Mighty Ducks d'Anaheim de Mike Babcock (ils devinrent simplement les Ducks en 2006). Si la présence des Devils en finale était prévisible (une 3e en 4 ans), celle des Mighty Ducks l'était beaucoup moins, eux qui n'étaient classés que 8e à l'échelle de la ligue. Il s'agissait d'une première dans l'histoire de la concession et le parcours des Californiens fut, rien de moins, que spectaculaire, grâce en grande partie au brio du gardien Jean-Sébastien Giguère. Balayage contre les Red Wings de Détroit, les champions en titre, élimination des Stars de Dallas en six, autre balayage contre le Wild du Minnesota (où Giguère n'accorda qu'un but au Wild en 4 matchs!), bref, Anaheim avait le vent dans les voiles et le rêve d'une première conquête était plus que légitime.

Le déroulement de la série finale a aussi provoqué un fort vent d'optimisme chez les Mighty Ducks, Anaheim comblant un déficit de 0-2 en remportant en prolongation les matchs 3 et 4 à domicile, encore là, avec un Giguère fumant devant le filet. Il a fallu attendre la deuxième période du 7e match pour commencer à vivre le dénouement de cette série excitante, alors que les Devils marquèrent trois buts sans réplique pour éventuellement mettre la main à nouveau sur la Coupe Stanley et ainsi permettre à Pat Burns de vivre une première conquête.

Le brio de Jean-Sébastien Giguère lui valut cependant de recevoir le trophée Conn Smythe, remis pour une rare fois au meilleur joueur des séries dans une cause perdante. Je me rappellerai toujours le visage démoli du gardien lorsqu'il est allé chercher le trophée dans les mains de Gary Bettman, de sa difficulté à retenir ses larmes, de la lourdeur de ses déplacements pour aller féliciter Martin Brodeur, etc. On pouvait vivre sa torture intérieure, même à distance !

Rencontré au milieu de l'été, dans un tournoi de golf, quatre ou cinq semaines plus tard, je lui ai demandé si la défaite avait été bien digérée, s'il avait surmonté la fatigue, s'il avait réussi à refaire le plein pour la nouvelle saison qui approchait. La réponse fut « non », pour les trois thèmes. La déception était toujours vive, le sentiment d'échec après avoir été si près du but était toujours brutal, l'énergie pour tout recommencer à la case départ n'y était pas encore. Jean-Sébastien semblait encore atterré, en fait! On peut facilement parier que c'était la même chose pour tous ses coéquipiers.

Vous commencez à trouver que l'histoire des Mighty Ducks de 2003 ressemble à celle du Canadien de 2021? Attendez! On en rajoute.

Les Ducks ont commencé la saison suivante (2003-2004) avec une série de... 5 défaites consécutives! Vous avez bien lu, 5 défaites de suite eux aussi, comme le Canadien, la seule différence étant un maigre point récolté en baissant pavillon en prolongation contre Boston. Après 10 matchs, leur fiche était de 3-5-1-1 (il y avait match nul après la prolongation à l'époque), une maigre récolte de 8 points sur une possibilité de 20!

Les Mighty Ducks ne se sont jamais remis de ce mauvais départ. Après 15 matchs, ils n'avaient toujours que 4 victoires, après 30 ils n'en avaient que 10, à la mi-saison ils n'en avaient que 13! Ils conclurent le calendrier 2003-2004 avec une maigre récolte de 76 points et une exclusion très nette des séries.

Au printemps de 2007, les Ducks d'Anaheim soulevèrent la Coupe Stanley, après avoir lessivé les Sénateurs d'Ottawa en 5 matchs!

On verra assez rapidement, au cours des prochaines semaines en fait, si le sort du Canadien de cette saison se dirige plus vers celui d'Anaheim en 2003-2004 ou celui des Blues de St-Louis en 2018-2019. À la mi-saison, la fiche des Blues était de 17-20-4 et c'est par une victoire de 4-1 contre le Canadien que s'est amorcé ce parcours irrésistible de 28-8-5 en deuxième moitié de saison, en route vers... la Coupe Stanley!

La réponse appartient en grande partie aux joueurs. À eux de choisir leur « déjà vu »!