La chanson « Le Petit Roi » de Jean-Pierre Ferland est non seulement un classique dans l’histoire de la musique québécoise, mais ses paroles reflètent tellement bien, par la poésie, le passage d’un homme vers la maturité, la sagesse, la quiétude, l’estime de soi. Lorsqu’il chante à sa façon unique les couplets de son œuvre, Ferland nous plonge admirablement vers cette libération intérieure que l’on cherche tous et lorsque vient le refrain, les chœurs entonnent « Hé, boule de gomme, serais-tu devenu un homme? »…

En réfléchissant sur les problèmes du Canadien en attaque depuis près de deux mois, je me suis particulièrement arrêté sur Alex Galchenyuk pour finalement conclure qu’il tient, entre ses mains habiles et ses coups de patin explosifs, une part de la solution aux maux de son équipe. Quelle part exactement? Disons, une grande part, car au-delà de son rendement propre, qui tarde à atteindre un niveau souhaitable, son incapacité à produire provoque directement un effet domino néfaste sur le reste de la formation. Et ultimement, cela oblige l’entraîneur à modifier constamment ses plans au niveau offensif, sans qu’aucun de ces plans ne soient ceux qu’il voudrait établir idéalement.

Lorsqu’il fut sélectionné au troisième rang du repêchage de 2012 (un rang plus qu’enviable que le Canadien n’avait pas connu depuis de lunes), c’était pour des raisons précises et évidentes. Son potentiel répondait à tout ce que le Canadien cherchait alors, c’est-à-dire un centre naturel, avec un bon gabarit, un bon sens global de l’attaque, capable de passer la rondelle aussi bien que de la loger derrière le gardien adverse. Le genre de joueur capable de représenter une menace pour un adversaire lors de la plupart de ses présences sur la patinoire.

Cette perspective avait aussi plusieurs ramifications intéressantes. Elle permettait éventuellement de ramener Tomas Plekanec à un niveau plus juste pour lui, de confier à Lars Eller ou David Desharnais des missions ciblées au poste de centre et de placer un joueur énergique capable de gagner des mises en jeu sur un quatrième trio. Elle permettait de songer à des combinaisons intéressantes à l’aile et de mieux équilibrer les forces, à défaut d’une grande profondeur.

Or, tout ce portrait tarde à se concrétiser. On serait même porté à croire qu’on s’en éloigne plutôt que de l’envisager avec optimisme!

Responsabilité partagée?

Avant la rencontre de mardi contre Columbus, Galchenyuk avait été complètement blanchi au cours de ses huit derniers matchs. Aucun but, aucune mention d’assistance, rien. Quelques flashs ici et là, mais c’est tout. Son entraîneur lui a accordé plus de temps sur la patinoire, près de 19 minutes contre Boston et Columbus, près de 20 minutes à Toronto. Cela n’a rien donné de concret, même pas un but ici et là qui aurait pu faire la différence une fois ou deux.

Pour certains, c’est son retour à l’aile qui en est la cause et il faut donc coûte que coûte le ramener au centre et le laisser éclore en paix. D’autres croient qu’il devrait au moins évoluer à droite, d’où proviennent la plupart de ses tirs dangereux. D’autres, évidemment, diront qu’il doit d’abord mettre de l’ordre dans sa vie privée ou qu’il doit adopter une attitude plus modeste et plus terre à terre au sein de son équipe, etc. Quelles que soient les raisons, avec 10 buts et 27 points en 49 matchs, on est bien loin du Galchenyuk qu’on pouvait espérer légitimement à sa quatrième saison dans la Ligue nationale de hockey. Toute proportion gardée et compte tenu de son talent et de l’expérience acquise depuis 2013, son rendement offensif décevant fait plus mal à l’équipe que celui de Tomas Plekanec ou David Desharnais.

Le jeune homme a certainement sa part de responsabilité dans le constat que nous faisons maintenant. Peu importe sa position, il semble incapable d’afficher un minimum de constance dans son jeu et rend donc la prise de décision de son entraîneur plutôt difficile. Mais il serait juste aussi d’en faire le partage avec la direction du Canadien. Après tout, c’est au personnel en place que revient la responsabilité de développer les jeunes joueurs, et ce, sur plusieurs fronts. Et visiblement, il y a du retard dans le dossier Galchenyuk. Doit-on cesser une fois pour toutes ces mutations constantes entre l’aile gauche et le centre? Je crois que oui. À l’approche de ses 22 ans, il serait sûrement souhaitable de compléter son éclosion à l’endroit qui lui convient le mieux. Peu importe où ce sera. Et quand ce sera fait, ce sera à nouveau à l’athlète concerné d’accepter la situation avec respect et dignité et de tout faire pour concrétiser son énorme potentiel.

Son âge, un atout

La plupart des observateurs bien branchés diront tous que Galchenyuk fait encore partie des plans du Canadien et qu’il n’a jamais été question de songer à l’échanger au cœur de la glissade actuelle. Vérification faite, il est clair que la direction croit encore fermement qu’elle a un joyau brut entre les mains et qu’il deviendra un jour la pièce maîtresse du casse-tête en attaque. Je le crois aussi.

À 21 ans et 11 mois au moment d’écrire ces lignes, Alex Galchenyuk est encore jeune, même dans les standards modernes de la LNH, ce qui joue en sa faveur pour l’instant. Et n’oublions pas qu’il a raté une année complète chez les juniors, une année qui aurait pu faire une certaine différence présentement. On peut donc encore prôner la patience.

Mais le temps presse. S’il était légitime de placer la barre beaucoup plus haut, en septembre dernier, elle devra être placée à son niveau suprême à l’automne 2016. La direction du Canadien a donc ce laps de temps pour enfin peaufiner le plan adéquat pour son jeune attaquant.

Quant à Galchenyuk, son objectif est clair.

Il est temps que le petit roi en lui soit aussi emporté par le vent. Et que boule de gomme devienne enfin un homme…