À quelques heures de la rencontre entre le Canadien de Montréal et les Coyotes de l'Arizona nous sont apparus quelques parallèles fort intéressants entre les deux équipes.

Elles ont entrepris toutes deux des plans de relance ambitieux il n’y a pas si longtemps, elles comptent chacune sur un défenseur étoile, elles cherchent à développer le talent de jeunes attaquants à peine à l’aube de leur carrière. Elles sont dirigées par des entraîneurs d’expérience qui sont exigeants et qui refusent le compromis sur l’effort, l’intensité et l’engagement. Elles avaient même en commun d’être privées de leur gardien numéro un depuis plusieurs semaines! On pourrait même pousser la comparaison jusqu’au fait qu’elles ont glissé progressivement, au cours du dernier segment du calendrier, vers l’exclusion des séries éliminatoires.

Mais c’est en lisant un long article dans un quotidien local et en réalisant ma traditionnelle entrevue d’avant-match qu’une grande différence s’est dégagée clairement entre les deux formations : il n’y a pas de Shane Doan avec le Canadien de Montréal! Et c’est peut-être ce qui, en bout de ligne, manque le plus à l’équipe depuis le début de cette glissade qui n’en finit plus. À 39 ans, Doan connaît une saison exceptionnelle jusqu’ici, marquant des buts à un rythme qui le surprend lui-même. Il vient de s’installer tout au haut du classement des marqueurs dans l’histoire de cette franchise. Il est encore dans une forme remarquable, sur tous les plans.

Mais sa contribution aux Coyotes va bien au-delà des statistiques. Elle prend une valeur tout simplement inestimable quand on parle de leadership, de personne ressource, de référence, de guide. Dans l’article dont je faisais mention ci-haut, le directeur général Dan Maloney parle en long et en large de son plan global. Il parle de son niveau de satisfaction jusqu’ici, des étapes qui restent encore à franchir, etc. Mais dans le même article, le vénérable Shane Doan parle aussi beaucoup... avec son cœur! On sent tout son attachement envers le groupe dont il est le doyen et s’il exprime avec sincérité son admiration envers les jeunes joueurs talentueux que sont les Anthony Duclair, Max Domi, Oliver Ekman-Larsson et autres, il les incite aussi dans le même souffle à ne pas se contenter d’être « simplement bons ». Il les invite, haut et fort, à ne viser rien de moins que l’excellence, individuelle et collective, en sachant très bien que ses propos seront lus et entendus par ces mêmes jeunes joueurs.

Dans l’entrevue qu’il m’accordait avant le match, Doan eut quelques réponses savoureuses, dont celle-ci. « J’aimerais bien me sentir toujours comme un grand frère pour tous nos jeunes, mais je dois avouer que mon âge me place surtout dans la position d’un père », dit-il en riant.

En fait, un joueur comme lui tient plusieurs rôles à la fois dans le contexte actuel de son équipe. Il est un grand frère et oui, un père parfois. Mais il est aussi (et surtout) un merveilleux prolongement pour le personnel d’entraîneurs! Malgré la meilleure volonté du monde, il arrive parfois qu’un pont se crée entre les dirigeants et les athlètes, pas par manque de respect ou de bonne volonté à la base, mais tout simplement par un concours de circonstances qui s’installe et qui finit par miner la confiance, le moral et le simple plaisir de jouer. C’est ainsi que l’on parle de « manque d’exécution », de « mauvaises décisions », « de revirements coûteux », « de lacunes sur le plan de la concentration », tous des facteurs évoqués à répétition par Michel Therrien (et avec raison) depuis plusieurs semaines.

Or, à moins de compter sur un adjoint aux qualités particulières, il devient parfois essentiel d’avoir un joueur qui, dans le groupe, prend le relais de l’entraîneur pour raviver la flamme et évacuer les « mauvaises vibrations » qui s’installent. Mais pour se faire, le joueur en question doit posséder une feuille de route qui lui procure toute la latitude et toute la crédibilité nécessaires pour agir en conséquence. Carey Price avait ce pouvoir, pouvoir que lui procuraient ses exploits répétés, soir après soir. Mais présentement, il n’y a personne en mesure de le faire chez le Canadien. C’est évident.

ContentId(3.1173108):Canadiens 2 - Coyotes 6
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Max Pacioretty fut un très bon choix comme capitaine et la sélection des adjoints fut aussi très pertinente. Mais aucun membre de ce groupe ne possède, pour l’instant, les qualités globales pour contribuer à sortir l’équipe de son marasme, que ce soit par manque d’expérience ou par manque de certaines qualités sur le plan humain. Pas étonnant que l’on ait retardé d’un an la sélection d’un capitaine chez le Tricolore. La direction était pleinement consciente de cette réalité quand elle a laissé aller Brian Gionta. Chez les adjoints, qui en ont déjà plein les bras à chercher des solutions sur la patinoire, il n’y a pas non plus ce prolongement auquel les joueurs se rallient naturellement, ce que faisait fort bien Gerard Gallant à l’époque. Ce que Mario Tremblay a fait, par exemple, pour Jacques Lemaire, pendant plusieurs années, au Minnesota et au New Jersey.

Je comprends fort bien qu’il y a de multiples façons d’analyser la débandade du Canadien, l’une des pires de son histoire. Je sais que plusieurs d’entre vous réclament des changements majeurs, à tous les niveaux et ce n’est pas illégitime, au contraire. C’est difficile et frustrant d’être partisan du Canadien ces jours-ci et la direction de l’équipe est certainement la première à le reconnaître. Mais au-delà de l’absence de Carey Price et de l’invraisemblable effet boule de neige que celle-ci a créé, il est à se demander si l’équipe ne souffre pas terriblement, à court terme, de l’absence d’un « meneur » qui en a vu d’autres, un genre de phare pour ceux qui portent officiellement les lettres sur leur uniforme!

Un Shane Doan, en quelque sorte, même si des joueurs comme lui ne se trouvent pas à tous les coins de rue...