Guy Lafleur a été l’un des plus grands joueurs de l’histoire de la LNH. Trois fois champion marqueur du circuit en saison régulière et autant de fois en séries éliminatoires, il détient le record pour le plus grand nombre de points dans l’uniforme du Canadien. Il a soulevé la Coupe Stanley à cinq reprises, a été nommé le joueur le plus utile à son équipe deux fois, a été admis au Temple de la Renommée et son chandail flotte dans les hauteurs du Centre Bell. Quand il touchait à la rondelle, les partisans du Tricolore scandaient son nom à l’unisson. Pourtant lundi, quand il est arrivé devant la tombe de Jean Béliveau, le démon blond s’est agenouillé pour se recueillir devant cet homme qu’il a toujours considéré comme lui étant nettement supérieur.

«Jean Béliveau, c’est l’idole de ma jeunesse. Tout au long de mon hockey mineur, j’ai porté le numéro quatre en son honneur. Pendant toute ma carrière, j’ai essayé d’être à son image, a ajouté le charismatique ailier droit avant de prendre une pause de quelques secondes pour réprimer un sanglot. C’est très difficile. Il a été mon idole et il est devenu mon ami, aujourd’hui j’ai perdu les deux, a-t-il poursuivi sans essayer de cacher cette larme qui coulait lentement sur sa joue gauche. J’aurais adoré jouer avec Jean, mais je n’ai pas eu cette chance…peut-être dans une autre vie».

Après avoir rencontré monsieur Béliveau une première fois à l’âge de dix ans au tournoi pee-wee de Québec, Guy Lafleur a retrouvé son idole en 1971 lorsqu’il s’est joint au Canadien.

«La famille Béliveau m’a hébergé pendant deux semaines quand je suis arrivé à Montréal. Élise m’a aidé à me trouver un appartement à Longueuil. Le matin au déjeuner, j’étais assis devant mon idole et je ne parlais pas beaucoup car j’étais très impressionné».

Par la suite, les deux hommes sont demeurés étroitement liés. En Jean Béliveau, il avait pratiquement trouvé un père spirituel.

«Lorsque j’avais des difficultés ou des problèmes personnels, il prenait le téléphone et m’appelait pour m’encourager. Il trouvait toujours le bon mot, que ça soit au hockey ou dans ma vie personnelle. J’ai été très très privilégié de l’avoir rencontré et d’avoir été ami avec lui».

Témoignage émotif de Guy Lafleur

En écoutant Lafleur s’exprimer avec autant d’émotion quand il parle de son idole, on comprend facilement pourquoi c’est vers Jean Béliveau qu’il s’est tourné pour écrire la préface de son tout dernier livre.

«C’est une personne qui m’a influencé en tant que joueur, mais encore plus en tant qu’homme. Tu ne peux pas suivre les traces de Jean, raconte-t-il. Tu peux essayer de les suivre. T’essaies de rester droit, mais tu t’enfarges, Jean lui, restait toujours droit».

Sans vouloir manquer de respect aux très grands joueurs qu’ont été Henri Richard, Yvan Cournoyer ou Serge Savard, avec le départ de monsieur Béliveau, c’est Guy Lafleur qui hérite bien malgré lui de la lourde responsabilité d’être dorénavant la légende vivante de cette prestigieuse organisation.

«Je ne sens pas à part des autres. Dans la famille du Canadien, tous les joueurs sont de grands ambassadeurs, peu importe l’époque, explique-t-il avec autant d’humilité que l’aurait fait Jean Béliveau lui-même. Je vais continuer de faire ce que je fais déjà. La dernière fois que j’ai rencontré Jean, chez lui, il m’a dit que ce n’était pas facile d’être une vedette adulée du public, mais que c’est vraiment extraordinaire parce qu’on met un sourire sur la figure des gens, et ça, ça n’a pas de prix. Ça leur permet peut-être d’oublier des moments difficiles, mais ça peut aussi nous enlever une certaine pression à nous-mêmes, et ça nous garde en vie», raconte celui qui un jour, sera lui aussi élevé au rang d’immortel dans le cœur des partisans…s’il ne l’est pas déjà