On en vient à oublier à quel point le Canadien de Montréal obtient un niveau d’exposition gigantesque, match après match. Il suffit de commettre un lapsus clair et net lors de la description d’une rencontre pour s’en rendre compte.

Au premier entracte, mardi dernier au New Jersey, notre caméraman Christian Champagne m’attendait à la sortie de la cabine. « Comme ça, t’as décrit un arrêt de Patrick Roy au début du match? T’es en train de devenir la star des médias sociaux », me dit Christian. « Pardon? », fut ma réaction. Après vérification avec mes collègues, j’ai eu la confirmation de ma bourde, qu’on avait décidé de ne pas me noter par délicatesse pour mon travail subséquent.

La suite fut plutôt folle. Les radios de la province se sont assurées de rediffuser à répétition ce petit segment, y compris mes amis de CHOM avec qui je discute de hockey tous les matins. Paul Arcand s’est aussi amusé avec ce passage au 98,5 et j’ai même eu droit à mon moment de gloire, une entrevue avec mon frère Paul à la même antenne, en après-midi. J’en suis presque venu à me demander si Dr Phil n’allait pas éventuellement me consacrer une émission spéciale. Et pourquoi pas Oprah? « Tout le monde en parle » peut-être, enfin, pour la première fois de ma carrière? Denis Lévesque à LCN avec des psychologues et des voyants pour tenter d’y trouver la raison ou le message subliminal qui s’y cachait? Ma foi, il n’y avait qu’un pas à franchir pour que les adeptes des thèses de conspiration y voient une façon de mousser ma promotion pour le trophée Artis, que je n’ai gagné qu’une seule fois en 12 nominations, dois-je le rappeler!

Je vous écris tout cela en riant, comment la plupart d’entre vous l’ont fait en m’entendant prononcer le nom de l’ancien grand gardien du Canadien au lieu de celui de Carey Price. Il faut savoir rire de ces choses-là, comme il faut savoir rire de soi-même!

Mais comment ça?

La question que tout le monde me pose, depuis, est la suivante : « Mais comment une telle chose peut-elle se produire? » Peut-être est-ce dû au fait que nous avons parlé de Patrick Roy, Marc Denis et moi, en préparant notre reportage, alors qu’il était question des points amassés par les gardiens au cours de leur carrière. Mais rien n’est moins sûr.

La réponse n’est donc pas si simple, mais je vais vous faire un aveu : je suis déjà passé bien près, à quelques reprises, de commettre cette même erreur. Cela repose peut-être, au fond, dans le fait que depuis Roy, le Canadien n’a jamais vraiment eu de véritable grand gardien numéro un, sur qui l’organisation compte soir après soir, pour stopper les tirs de l’adversaire. Inconsciemment, je revois parfois les arrêts de Patrick dans ceux de Carey. Je crois, du moins.

Le hasard a voulu que Price et moi prenions l’ascenseur ensemble, mercredi soir, à notre hôtel de Winnipeg. Il n’était pas au courant de mon lapsus, mais j’ai tenu à l’en informer au cas où la chose viendrait à ses oreilles et qu’il y voit un autre motif qu’une simple bourde de ma part. Sa réaction fut celle d’un vrai gentleman et celle d’un athlète capable d’humilité quand il est question de l’un des plus grands gardiens de l’histoire. Il m’a simplement dit : « j’espère un jour être à la hauteur de ton lapsus! »

Je trouvais que c’était une fort belle façon de conclure cet épisode cocasse. Qui sait, peut-être y avait-il une sorte de prémonition de ma part, à l’aube des séries éliminatoires? Chose certaine, j’avais vraiment hâte de décrire correctement son premier arrêt, à Winnipeg, jeudi, pour chasser une guigne éventuelle.

Et lorsqu’il arrêta, coup sur coup, trois échappées des Jets (deux de Blake Wheeler et une de James Wright), je me suis dit que ma petite bourde n’était peut-être pas totalement dénuée de sens…