J'ai toujours cru que Carey Price était fait dans le même moule que Sidney Crosby, Wayne Gretzky ou Raymond Bourque. Je pourrais dresser une longue liste de leaders qui ont marqué l'histoire de la LNH par leurs performances sur la glace et leur attitude hors glace.  Les joueurs de concession ont généralement le don pour dédramatiser certaines situations comme lors des séries de défaites par exemple. Ils sont en mesure de trouver les bons mots, car ils sont conscients de leur apport à leur équipe.

Comme analyste, je dirais que l'attitude désinvolte de Price avec les médias après la défaite de 3-0 à Ottawa samedi lors du match extérieur m'a vraiment déçu. Je pense que le Canadien essaie de gagner, mais je ne peux pas dire qu'il essaie de la bonne façon tout le temps. À l'occasion, il arrive que l'équipe travaille mal et  je suis convaincu qu'il n'y a pas un joueur qui est indifférent à la défaite.

Après avoir entendu Price répondre à mon collègue Patrick Friolet, je me suis demandé s'il s'en foutait de perdre et j'ai été très déçu. Au cours des 16 saisons précédentes, on avait l'exemple parfait dans le vestiaire de l'équipe avec Andrei Markov, un homme de peu de mots, comme tout le monde le sait. Ça lui arrivait de répondre aux journalistes, « Next question », mais je ne pense pas qu'il lui est jamais arrivé de manquer de respect aux partisans. Il ne faut pas oublier que la barrière de la langue pouvait parfois freiner ses discussions avec les scribes.  Dans le cas de Price, je n'ai pas aimé sa réaction.

Carey Price préfère en rire

Si je mets mon chapeau d'entraîneur, je verrais les choses d'un autre oeil parce que si j'étais Claude Julien, je ne ferais pas un gros plat avec ça parce que toute évidence, il y a d'autres problèmes à régler, mais c'est sûr que j'en parlerais avec mon directeur général. Si mon patron me disait de ne pas m'en occuper, je ne m'en occuperais pas.  Si Marc me disait que lui et Geoff Molson allaient s'en charger, je leur dirais de solutionner le problème parce que moi, j'ai vraiment d'autres chats à fouetter. Ce que les athlètes disent aux journalistes ne devrait pas l'inquiéter tant et aussi longtemps qu'ils livrent la marchandise.

Je ne pense pas qu'on fasse une montagne avec cette histoire parce que le Canadien ne va pas très bien et que Price a une saison en dents de scie. De plus, Price est l'image de l'équipe et il a accepté une offre de contrat en conséquence pour une durée de huit ans. Il a donc la responsabilité d'être un athlète avec une perspective positive, et ce, même s'il est parfois fâché ou déçu. Il se doit de répondre aux journalistes et ne pas manquer de respect comme il l'a fait.

Si Price est fatigué de répondre aux questions, il peut demander au responsable des communications de l'équipe de prendre congé à l'occasion. Je pense que les gens vont l'excuser. Mais Price ne doit pas oublier non plus que les journalistes ont eu un rôle à voir avec l'envergure qu'il est devenu.  À l'occasion, ça peut être fatigant d'avoir vingt micros sous le nez, mais dès le début de ta carrière, tu sais à quoi t'attendre, surtout à Montréal. Il n'est pas un joueur recrue et je ne cherche pas à l'excuser ou à en mettre trop, mais son attitude est problématique. On ne le voit plus saluer les amateurs au Centre Bell après les parties et il ne répond pas aux questions des médias.  À mes yeux, ce n'est pas l'attitude d'un grand athlète comme ceux mentionnés au début de cette chronique.

Après la défaite, c'était peut-être aussi une façon pour lui de blâmer ses coéquipiers qui n'ont pas été en mesure de lui donner au moins un but. Price a très bien fait dans la défaite. Il a été dominant comme le gardien que l'on connaît,  mais les joueurs de son équipe n'ont pas été très éclatants. Il leur a donné une chance de gagner, mais eux ne l'ont pas vraiment aidé.

Je ne sais pas si l'attitude de Price représente l'ambiance générale qui règne dans le vestiaire. Je sais que les joueurs modernes sont l'équivalent d'une PME, mais un athlète reste un athlète et son désir de vaincre doit être aussi fort. Gretzky a été échangé, mais son désir de gagner et sa volonté de bien faire l'ont suivi partout où son chemin l'a mené.  Un joueur de concession doit être en mesure de répondre à l'étiquette qu'on lui colle à la peau. Peut-être que Price est dans la catégorie de ceux qui ne peuvent pas supporter l'étiquette du joueur de concession.

À voir comment Price a répondu aux journalistes samedi, je dirais que certains joueurs démontrent qu'ils ont un caractère. Mais un vrai leader fait la démonstration de son caractère par ses gestes  sur la glace et par sa haine de la défaite.  Cette définition est vraie dans tous les sports.

On n'est pas dans le vestiaire, mais j'ai comme l'impression que les leaders du Candien sont des leaders silencieux et c'est dommage. Dans ce cas, c'est au directeur général de faire le travail pour trouver des leaders plus démonstratifs. S'ils sont tous silencieux, c'est parce que l'analyse de la direction a été mal faite.  Le Canadien a déjà compté sur des leaders ces dernières années comme Brian Gionta ou Josh Gorges. À leur façon, ils démontraient une forme de leadership.

*propos recueillis par Robert Latendresse