Les enfants aimaient énormément Saku Koivu. Ils adorent aujourd’hui P.K. Subban. De mon vivant, je ne crois pas avoir vu deux porte-couleurs du Canadien exercer un tel impact sur un aussi jeune public.

Curieusement, les deux ont fait les manchettes cette semaine. P.K. pour toutes les bonnes raisons rattachées aux séries de la Coupe Stanley et Saku à la suite de son intronisation au Panthéon de la Fédération internationale de hockey. Le premier a quitté Montréal à la suite d’une transaction-choc de Marc Bergevin. Le second a été libéré par Bob Gainey, ce qui lui a permis d’aller terminer sa carrière à Anaheim durant cinq autres saisons. Dans les deux cas, ces départs ont attristé les enfants.

Subban s’est approché des jeunes grâce à ses visites répétées dans les hôpitaux montréalais. Le cas de Koivu était bien différent. Il était blondinet et de petite stature. Les enfants se reconnaissaient en lui parce qu’il était à peine plus grand qu’eux et parce qu’il avait beaucoup souffert sous leurs yeux.

Le défenseur aux mille pirouettes leur a promis un héritage de 10 millions de dollars qu’il entend répartir sur sept ans. Par ailleurs, on se souviendra toujours du petit Finlandais pour le cadeau princier qu’il a pensé offrir aux Montréalais quand le cancer, qui l’a frappé et dont il est sorti vivant, l’a obligé à se taper plusieurs fois l’autoroute des Cantons de l’Est. Le seul appareil qui pouvait le secourir, le TEP-Scan, était en service uniquement dans un hôpital de Sherbrooke. C’est d’ailleurs cet outil sophistiqué, qu’on utilise pour passer le corps humain au peigne fin, des orteils à la pointe des cheveux, qui lui a confirmé la disparition de toute trace de son cancer.

Heureux et soulagé de la tournure des événements, il a eu l’idée de procurer ce type d’appareil à l’hôpital Général de Montréal, une institution réputée qui lui a sauvé la vie dans un moment où on craignait de le perdre tellement son cancer à l’abdomen était sérieux. Son médecin traitant, le docteur David Mulder, impressionné par cette généreuse proposition, a tenté de le ramener gentiment sur terre en lui précisant que le TEP-Scan coûtait une petite fortune. Au bas mot 8 millions $. Mais allez donc convaincre un conquérant du cancer qu’il existe des objectifs impossibles à relever dans la vie.

« On peut le faire, avait-il répliqué avec toute la détermination qui l’animait. On va y arriver. »

Ils y sont arrivés. À la suite de l’implication de Koivu, on a amassé deux millions dans le secteur privé et grâce à la Fondation de l’Hôpital Général. Les six millions additionnels sont venus des gouvernements. La campagne de financement, qui s’est faite à partir du site web du Canadien, s’est déroulée à un rythme accéléré. Parmi toutes les campagnes orchestrées par l’Hôpital Général, c’est celle qui a connu le succès le plus rapide. Cette réussite a été attribuable à trois personnes : Koivu, le docteur Mulder et l’ex-président du Canadien, Pierre Boivin, qui a géré de brillante façon toute l’affaire à l’interne.

Koivu n’a pas volé cette intronisation au Panthéon du hockey international. Il a inspiré l’équipe de la Finlande dans sept championnats du monde et dans quatre Jeux olympiques qui lui ont permis de mériter la médaille d’argent à Turin et des médailles de bronze à Lillehammer, Nagano et Vancouver. Dans ces compétitions internationales, il s’est distingué par sa fougue et sa soif de victoire à titre de capitaine de l’équipe nationale de son pays.

À Montréal, seul Jean Béliveau (619 matchs en 10 ans) a connu un plus long terme que lui à titre de capitaine. En tenant compte de la perte d’une saison complète à la suite du lock-out, Koivu a complété une période de neuf ans et de 526 parties dans ce rôle.

On lui a souvent reproché de n’avoir rien gagné à Montréal. Il a toutefois joué la majeure partie de sa carrière au sein d’une équipe plutôt pauvre en talent. Patrick Roy est parti trois mois après son arrivée. Durant ses 13 saisons avec le Canadien, l’équipe a raté les séries en cinq occasions. Elle n’est jamais allée plus loin qu’une deuxième série.

Ce n’est pas le courage qui lui a fait défaut. Il a subi une sérieuse blessure à un oeil à la suite de laquelle il n’a pas recouvré 100 % de son champ de vision. Malgré des prévisions pessimistes, il était convaincu de pouvoir jouer à nouveau après le diagnostic de son cancer durant le camp d’entraînement de 2001. Après des mois d’une dure bataille, il était venu à la rescousse de ses coéquipiers à la toute fin de la saison, une apparition qui lui avait valu une très longue ovation.

Dans un geste plutôt inhabituel, le Canadien lui a organisé une fête à l’occasion de sa dernière présence à Montréal dans l’uniforme des Ducks d’Anaheim, cinq ans après son départ. C’était une façon de remercier celui qui avait contribué à doter Montréal d’un TEP-Scan dans un geste de reconnaissance envers un public qui lui avait témoigné de nombreuses marques d’affection dans le moment le plus difficile de sa vie. Le docteur Mulder se dit convaincu que des dizaines de Québécois doivent leur vie à cet appareil.

Koivu l’ignore peut-être aujourd’hui, mais son cadeau d’une valeur inestimable a fait des petits au Québec. Il y a actuellement 10 appareils du même genre dispersés en province.

Cette forme d’héritage fait certainement de Koivu l’un des athlètes les plus reconnaissants à avoir porté ce chandail.