MINNEAPOLIS - Depuis l’instant où le Canadien a annoncé le décès de Jean Béliveau, tard mardi soir, les témoignages empreints d’affection, de respect et de fierté convergent des quatre coins de la planète hockey vers la patinoire du Centre Bell où Monsieur Béliveau sera exposé en chapelle ardente dimanche et lundi prochain.

À la demande de la famille, la direction du Canadien orchestrera les activités entourant ses obsèques. Des obsèques qui seront à l’image du grand joueur de hockey et du plus grand homme encore qu’a été Jean Béliveau : simples et accessibles au public.

D’ici à ce qu’ils puissent défiler devant sa dépouille comme ils l’ont fait au printemps 2000 pour rendre hommage à Maurice « Rocket » Richard, les partisans du Canadien et simples citoyens pourront déposer des fleurs et autres marques d’affection aux pieds de la statue de M. Béliveau. La direction du Tricolore a installé le bronze rendant hommage à la carrière du Gros Bill devant le Centre Bell en début d’après-midi mercredi. Cette statue, comme celles de Guy Lafleur et des autres immortels du Canadien, était entreposée depuis la mise en chantier de la Tour des Canadiens adjacente au Centre Bell.

Cette décision doit être saluée, car le bronze de M. Béliveau offrira un point de ralliement, un point de recueillement, avant l’ouverture des portes du Centre Bell dimanche et lundi entre 10 h et 18 h. Un point de ralliement qui sera sans l’ombre d’un doute pris d’assaut par des partisans qui ont toujours pu profiter de la grande disponibilité, de la grande accessibilité, de ce grand monsieur. De ce grand capitaine qui était encore aujourd’hui considéré par plusieurs comme le père du Canadien. Un club qui se retrouve donc un peu orphelin aujourd’hui.

Près des partisans, près des gens

Malgré son statut d’icône du hockey et de grand citoyen, Jean Béliveau est toujours resté d’une profonde humilité. Cette humilité et le respect qu’il affichait à l’endroit des gens qui le croisaient expliquent en partie l’impact dont il profite encore aujourd’hui, plus de 40 ans après sa retraite. Cette humilité et ce respect des autres expliquent également le fait que l’annonce de son décès ait secoué la famille du Canadien d’abord et celle du hockey ensuite, mais aussi, mais surtout, la population du Québec et du pays tout entier.

Plus grand capitaine du Canadien de Montréal, l’un des plus grands ambassadeurs du Tricolore et du hockey en général, M. Béliveau n’a jamais coupé les liens avec ses partisans. Ceux qui ont eu la chance de le voir jouer, comme ceux qui ont dû se fier aux récits de leurs parents et grands-parents pour connaître celui qui était plus grand que nature sur la patinoire du Forum et celles des autres amphithéâtres de la LNH.

Les jeunes et moins jeunes qui s’approchaient de lui étaient toujours assurés d’obtenir sa complète attention, des commentaires réfléchis, une poignée de main franche et un sourire sincère immortalisé sur l’une ou l’autres des dizaines de milliers de photos qu’il a prises en compagnie de ses fans au cours de sa carrière et après sa retraite annoncée en 1971. Ceux qui tendaient une rondelle, une carte de hockey, une photographie de M. Béliveau afin d’obtenir un autographe étaient assurés d’obtenir une signature effectuée avec soin et non griffonnée à la hâte et sans attention comme c’est malheureusement trop souvent le cas avec les athlètes d’aujourd’hui.

C’est pour toutes ces raisons aussi importantes que ses statistiques personnelles, ses 10 coupes Stanley soulevées comme joueurs, ses sept autres célébrées à titre d’ambassadeurs du Canadien et tous les honneurs individuels récoltés au fil de sa carrière que Jean Béliveau et salué par tous sur toutes les tribunes et que partout on parle de lui comme Monsieur Béliveau.

Peine palpable autour du vestiaire

Les joueurs du Canadien ne l’ont pas beaucoup connu. Mais ceux qui ont eu la chance de le croiser, d’avoir un contact personnalisé avec lui ont tous été marqués.

« J’avais 10 ans et je me souviens encore à quel point j’avais été impressionné. M. Béliveau était le gentilhomme des gentilshommes. Je me sens et je me sais privilégié d’avoir eu la chance de le croiser, et d’échanger avec lui », a lancé P.K. Subban.

« C’est rare qu’un joueur de hockey demande un autographe à un autre joueur de hockey. Mais j’avais une photo de Monsieur Béliveau croquée lors d’un match du Canadien contre les Rangers de New York et je tenais à la lui faire signer », racontait Max Pacioretty ce matin. Un Pacioretty encore admiratif de l’attention portée par Monsieur Béliveau lorsqu’il avait signé la photo en question.

Bien que la majorité des joueurs savait peu de choses de Jean Béliveau, ils étaient tous au fait de son importance au sein de l’organisation.

« Je l’ai rencontré une fois lors de ma mise sous contrat. Mais quand tu gravites autour de l’équipe, tu réalises rapidement à quel point son héritage est important au sein de l’organisation », a témoigné Brandon Prust en assurant que lui et ses coéquipiers affronteront le Wild au Minnesota avec l’objectif premier de remporter une victoire pour saluer son décès.

Les joueurs du Canadien aborderont d’ailleurs le numéro 4 que Jean Béliveau a immortalisé avec le Canadien sur leur casque dès le match de mercredi contre le Wild. D’autres mesures visant à honorer sa mémoire pourraient s’ajouter au cours des prochaines rencontres.

Un homme impressionnant

Marc Bergevin avait cinq ans lorsque Jean Béliveau a raccroché ses patins. Monsieur Béliveau était déjà amoindri par la maladie lorsqu’il a pris la direction générale de l’équipe. Mais Bergevin se rappelle avec plaisir de la rencontre qu’il a eue avec Monsieur Béliveau en septembre dernier.

« J’étais très nerveux de le rencontrer, chez lui en plus. Il m’a rapidement mis à l’aise en affichant son grand calme et en se montrant généreux. M. Béliveau ne laissait personne indifférent. Il personnifiait la classe et le respect. La tristesse est palpable autour du vestiaire », assurait le directeur général du Canadien lors de son point de presse mercredi matin près du vestiaire de son équipe.

Sergei Gonchar n’a pas connu Jean Béliveau. Mais quand il grandissait dans sa Russie natale, il savait qui il était. « Les noms des plus grands joueurs de l’histoire de la LNH résonnaient jusque chez nous quand j’étais petit. Lorsque je suis arrivé dans la LNH, je me souviens d’une discussion au cours de laquelle moi et mes coéquipiers parlions de lui et du fait qu’il était toujours présent derrière le banc de l’équipe. Dans le cadre d’un match, tu n’as jamais vraiment le temps de regarder ce qui se passe dans les gradins, mais je me souviens d’un soir où j’ai levé les yeux derrière le banc afin de le voir et le regarder quelques instants. Tu n’as pas besoin de connaître Jean Béliveau pour savoir à quel point il a été un grand joueur et pour savoir ce qu’il représentait toujours pour cette organisation », a témoigné le vétéran défenseur.

Responsable de l’équipement depuis 25 ans, Pierre Gervais a vu défiler bien des joueurs dans le vestiaire du Canadien. De sa place qu’il occupe derrière le banc du Tricolore lors des matchs, Gervais a souvent aperçu du coin de l’œil Monsieur Béliveau dans le siège qui lui était réservé. Il a surtout été en mesure de voir l’effet que ce géant du Canadien a toujours eu sur les joueurs de l’équipe lorsqu’il marchait dans le corridor longeant le vestiaire pour se rendre ou revenir de son siège.

« Monsieur Béliveau était un homme impressionnant. Il était simple et gentil avec tout le monde. Il respectait tous les joueurs qu’ils croisaient. Mais il commandait tellement le respect que les joueurs, même les meilleurs, étaient toujours très impressionnés de le voir. C’est l’homme de hockey, l’homme tout court, qui m’a le plus impressionné au cours de ma carrière. J’ai vu des grands politiciens, j’ai vu le président de la Russie (Vladimir) Poutine à Sotchi lors des derniers Jeux olympiques. Mais jamais ces personnalités ne m’ont impressionné comme M. Béliveau m’impressionnait depuis mon arrivée avec le Canadien. Et il m’impressionnait encore autant il y a deux ans lors de ses dernières visites régulières derrière le banc. »

Bien avant d’échanger avec M. Béliveau dans le cadre de ses fonctions d’entraîneur-chef du Canadien, Michel Therrien suivait ses prouesses à titre de joueur du Tricolore. Therrien était d’ailleurs dans les gradins du Forum lorsque le Gros Bill a inscrit son 500e but en carrière. Un but dont Michel Therrien se souvenait encore très bien mercredi matin.

« J’étais en compagnie de mon père dans un coin du Forum. Je me rappelle encore de l’endroit et de la façon dont il a marqué ce but même si je n’avais que sept ou huit ans. C’était contre les North Stars du Minnesota et le gardien Gilles Gilbert. J’en parlais avec mes adjoints à qui j’ai raconté le déroulement du jeu ce matin. On est allés ensuite vérifier sur You Tube et mes souvenirs étaient fidèles », racontait fièrement Michel Therrien.

Lors de ses deux séjours à titre d’entraîneur-chef du Canadien, Michel Therrien a plusieurs fois échangé avec Jean Béliveau. « Le hockey, le Canadien et la victoire étaient ses passions. Nous avons partagé de bonnes conversations et j’ai bien sûr tiré des leçons de quelques-unes de ces conversations. Quand un homme comme Jean Béliveau prend la peine de te parler, tu écoutes et tu apprends. Il avait toujours les bons mots pour nous encourager. C’est grâce à des hommes comme Maurice Richard, Jean Béliveau et Guy Lafleur que l’organisation du Canadien de Montréal est aussi spéciale. La famille du Canadien vient de perdre un grand homme. Mais c’est une grande perte également pour le monde du hockey, pour la province et le pays tout entier parce qu’il n’y a personne de plus gros que Jean Béliveau», a conclu Michel Therrien.