Avant que Zack Kassian soit victime d'une malchance qui hypothèquera une partie de sa saison et peut-être plus encore, je m'apprêtais justement à émettre des commentaires au sujet de son camp d'entraînement des plus ordinaires. Je parle d'une malchance dans ce cas bien précis car n'eut été de cet accident, le controversé attaquant aurait pu fort bien rentrer chez lui au lever du soleil sans que les dirigeants de l'équipe n'aient su quoi que ce soit de sa sortie nocturne.

Avant sa mésaventure, j'allais demander si le Canadien n'avait pas mis la main sur un autre Rene Bourque. Un gros bonhomme qui joue uniquement quand ça lui tente. C'est la désagréable impression qu'il nous a laissée durant ce camp.

Comme il fallait s'y attendre, il s'était présenté à Montréal rempli de bonnes intentions. Comment aurait-il pu en être autrement? C'est l'attitude à adopter quand on traîne une réputation qui laisse à désirer et qu'on désire convaincre ses nouveaux patrons qu'on a changé.

Les vrais compétiteurs, ceux qui sautent sur la glace soir après soir avec une soif insatiable de gagner, n'ont jamais à revenir sur leur passé à la recherche d'excuses. Les vrais ont un bilan sans reproche qui ne cause pas la moindre inquiétude.

Ce ne sont pas des athlètes qui répondent au profil d'un gars comme Kassian : 24 ans, six pieds trois pouces, 215 livres, ayant déjà porté sept chandails en six ans chez les professionnels et ayant été obtenu pour une chanson par sa plus récente équipe.

Marc Bergevin savait tout cela, mais quand il a eu l'occasion de mettre le grappin sur un gros bonhomme pour remplumer une formation toujours trop légère à l'heure des séries éliminatoires, en retour d'un vétéran qui n'avait plus beaucoup à offrir, c'était un risque qu'il pouvait se permettre de courir.

C'est d'ailleurs ce qui explique qu'un choix de première ronde comme Kassian, 13e au total dans la ligue, continue de trouver preneur malgré la réputation négative qui lui colle à la peau. Quand le Canadien l'aura assez vu, Kassian poursuivra son voyage à travers la ligue. Après avoir constitué des déceptions à Buffalo, à Vancouver et à Montréal, il trouvera bien une autre organisation convaincue de pouvoir le faire rentrer dans le rang à son tour.

Un couche-tard

On le savait indiscipliné, mais on était loin d'imaginer qu'il en ferait la démonstration aussi rapidement. Il savait parfaitement ce qu'on attendait de lui. Sa carrière n'annonçait rien de bon, mais plus important encore, il lui fallait jouer avec l'intention de mériter un autre contrat l'an prochain. Il ne s'est pas comporté comme s'il était inquiété par sa situation.

Kassian se disait probablement qu'il n'y avait pas d'urgence. Ce n'était que le camp d'entraînement. Et lundi était un jour de congé, après tout. Un peu de rumba n'a jamais tué personne. Ils le croient tous quand ils sont sur le party, mais c'est loin d'être vrai. Des exemples?

Le véhicule accidenté dans lequel se trouvait Zack KassianLe défenseur Steve Chiasson s'est tué sur la route quelques heures à peine après l'élimination des Hurricanes de la Caroline, à Raleigh, en 1999. Il était ivre.

Le gardien Pelle Lindbergh, le plus bel espoir des Flyers de Philadelphie depuis Bernard Parent, a encastré sa Porsche toute neuve dans le mur d'une école alors qu'il était saoul. Il avait 26 ans.

Dany Heatley, deuxième sélection de la Ligue nationale au repêchage de 2000, a perdu le contrôle de sa Ferrari et a causé la mort de son coéquipier des Thrashers d'Atlanta et meilleur ami, Dan Snyder, il y a quelques années.

Rob Ramage, l'actuel entraîneur, responsable du développement des joueurs, au sein du Canadien, a été tenu criminellement responsable d'un accident survenu en 2003 qui a coûté la vie à l'ex-défenseur des Blackhawks, Keith Magnuson, un ami personnel, alors qu'il était intoxiqué par l'alcool. Il a purgé 10 mois de la sentence de quatre ans qu'il a écopée.

Finalement, même s'il était à la retraite, Jacques Richard, un ex-Nordique, est mort sur la route deux jours après avoir célébré son 50e anniversaire de naissance. Sa mort tragique a été à l'image de sa carrière : désordonnée, troublée et marquée par l'indiscipline.

Kassian a été plus chanceux. Plus chanceux qu'il l'imagine. Il a subi deux fractures. Celles qui l'accompagnaient auraient pu mourir. Un arbre, ça pardonne rarement. Ils sont nombreux au Québec à avoir laissé leur vie au pied d'un arbre.

Que faisait-il à six heures du matin sur la route avec des jeunes filles de 18 et 20 ans à bord? À quoi a-t-il pensé en laissant le volant d'un camion hors normes entre les mains d'une fille sans doute tout juste assez expérimentée pour conduire une voiture compacte?

Une époque révolue?

Au cours des dernières années, la direction du Canadien a travaillé fort pour se refaire une image à l'extérieur de la patinoire. Une image que les frères Kostitsyn, Mikhail Grabovski, Michael Ryder, Scott Gomez et quelques autres ont entaché par leurs activités hors glace.

« C'est une décision qu'on ne supporte pas »

On croyait cette époque révolue puisque les joueurs de l'équipe actuelle sont généralement disciplinés et très à leur affaire. Ils sont jeunes, forts, riches et populaires. Bien sûr, il leur arrive tous de sortir et de prendre un verre, mais le Canadien insiste continuellement sur l'importance de ne pas commettre d'imprudence. Il a fallu que Kassian, trois semaines à peine après son arrivée, nous ressasse de bien mauvais souvenirs. Ceux d'une époque durant laquelle la police demandait parfois au Canadien de venir ramasser ses joueurs dans le centre-ville. Comme il n'a pas eu le temps de mériter le respect de ses nouveaux coéquipiers, on ne l'a sûrement pas trouvé drôle dans le vestiaire.

Le Canadien est en progression comme l'indique sa seconde place au classement général la saison dernière. La direction de l'organisation et les joueurs ont de grandes ambitions cette saison. Une telle source de distraction est la dernière chose dont ils avaient besoin dans les circonstances. Surtout à la veille du match inaugural de la saison.

Il y a sans doute des joueurs qui se demandent pourquoi on est allé chercher ce drôle de moineau en sacrifiant un coéquipier, Brandon Prust, très populaire au sein du groupe. Prust était très visible dans le jet-set montréalais. Il n'était pas un couche-tôt, mais il n'a jamais placé l'organisation dans l'embarras. Il a été un joueur honnête, dont le rôle ingrat est en bonne partie responsable de l'usure qui l'a rendu disponible sur le marché.

J'ignore comment l'incident Kassian sera réglé, mais Bergevin se voit offrir une occasion de démontrer très clairement qu'on ne joue pas avec l'image de l'organisation. Au sein d'une équipe qui accueille régulièrement de nouvelles figures, des Beaulieu, des Semin, des Pateryn, des Mitchell, des Flynn, des Smith-Pelly, des De la Rose, des Bournival, des Condon, des Petry et des Tinordi, c'est important que le message soit clair et qu'il porte aux quatre coins de la chambre. Le chandail renommée qu'ils portent doit être respecté en tout temps. C'est sans appel.

Kassian cessera d'être rémunéré puisque sa fracture au pied n'est pas la conséquence d'un accident de travail. Qu'il ne soit plus un membre du Canadien dans un proche avenir ne serait guère étonnant.

Mardi, Michel Therrien a mentionné que le Canadien s'est donné de la profondeur avec l'ajout de Semin et de Fleischman. Normalement, il aurait mentionné trois noms : Semin, Fleischmann et Kassian. On ne parle plus du troisième. Comme s'il n'était déjà plus là.