MONTRÉAL – Jacob LeGuerrier sortait d’une saison de 16 points en 68 matchs quand le Canadien a utilisé son premier de trois choix de cinquième ronde pour l’inclure dans son groupe d’espoirs en juin dernier. À l’époque, le directeur général adjoint Trevor Timmins l’avait décrit comme « un gros défenseur gaucher qui patine bien, mais qui est surtout bon pour défendre dans son territoire. »

John Dean est bien au courant de cette réputation qui précède LeGuerrier et jamais il ne lui passerait par la tête de s’y opposer. La seule petite modification qu’il se permettrait, après avoir dirigé le jeune homme pendant deux saisons avec les Greyhounds de Sault Ste. Marie, c’est d’effacer le mot « surtout ».

« Les gens le considèrent d’emblée comme un défenseur défensif et je peux comprendre pourquoi : à chacun de nos matchs, je l’opposais au meilleur trio adverse, reconnaît Dean au début d’une discussion fort élogieuse au sujet de son poulain. Mais il aussi été notre arrière le plus productif à 5 contre 5 cette saison. »

Cette prétention de Dean survit à l’épreuve des faits. Trois défenseurs des Greyhounds ont amassé plus de points que LeGuerrier au cours de la dernière saison, mais tous ont profité de leur utilisation sur le jeu de puissance pour gonfler leurs statistiques. LeGuerrier, qu’on préférait garder frais pour le désavantage numérique, a récolté 27 de ses 31 points à forces égales.

« Jacob est un cas intéressant, poursuit son entraîneur. Il ne reçoit pas beaucoup de crédit pour la qualité de sa première passe et sa capacité à transporter la rondelle jusqu’en zone adverse. Mais c’est un excellent patineur pour sa taille et il appuie l’attaque assez souvent. C’est vrai qu’il excelle défensivement, mais son aisance avec la rondelle et la justesse de ses décisions sont gravement sous-estimées. »

« Si je devais identifier un aspect qui a vraiment défini sa courbe de croissance au cours de la dernière année, je dirais qu’il s’est vraiment imposé davantage en possession de la rondelle. [...] Chez les Greyhounds, on se fait une fierté d’impliquer nos défenseurs dans l’évolution et la construction du jeu. Jacob est dans ce système depuis quatre ans maintenant et ça parait. »

Tout ça ne veut pas dire que LeGuerrier, un colosse que le site de la Ligue junior de l’Ontario répertorie à 6 pieds 2 pouces et 202 livres, a sacrifié une partie de sa vraie nature après être tombé en amour avec la lumière rouge. Considéré comme un spécimen physique dont les habiletés avaient besoin d’un peu de polissage au moment de son repêchage, il a, aux dires de son entraîneur, bonifié sa technique et aiguisé ses instincts. Conséquemment, il est moins porté à se rabattre uniquement sur son gabarit avantageux afin de neutraliser l’adversaire.

« Il fond sur le porteur du disque avec beaucoup plus de vitesse et d’assurance cette année, explique Dean. Il réduit très tôt l’espace entre lui et l’attaquant qui le confronte. En fait, il est tellement confiant en son coup de patin qu’il n’hésite pas à s’avancer et à faire avorter des jeux avant même qu’ils se déploient. Les équipes adverses peinent à sortir la rondelle de leur territoire quand il est sur la patinoire parce qu’il réduit extrêmement rapidement l’espace qui le sépare du porteur. Ce sont des éléments qui ont réellement changé son jeu. Il contrôle vraiment bien sa moitié de glace. »

LeGuerrier est l’un des cinq défenseurs gauchers que le Canadien a repêchés en 2019. Jayden Struble (46), Mattias Norlinder (64) et Gianni Fairbrother (77) l’ont précédé à la table de l’équipe. Kieran Ruscheinski (206) a éventuellement complété le groupe.

Les gauchers ont tout autant la cote à Sault Ste. Marie, ce qui fait que John Dean n’a pas eu le choix de sortir quelques défenseurs de leur position naturelle. LeGuerrier a passé la majorité de la saison à la droite de Robert Calisti ou Ryan O’Rourke.

« Le fait qu’il ait été capable de progresser autant dans des conditions qui étaient loin d’être idéales est une autre preuve de son talent, note Dean. Il lui est bien sûr arrivé de jouer sur son côté fort dans les 25 ou 26 minutes qu’il passait sur la patinoire à chaque match, mais le fait qu’on pouvait lui faire confiance pour remplir son rôle dans une position qui ne lui était pas familière est une autre corde qu’il peut ajouter à son arc. »

Les Greyhounds sont passés par une phase de reconstruction qu’ils espèrent brève en 2019-2020. Après avoir obtenu au moins 44 victoires dans trois saisons consécutives, ils occupaient l’avant-dernier rang de leur division au moment de l’arrêt du calendrier de l’OHL. L’équipe avait notamment accordé 257 buts, le deuxième plus haut total dans la puissante section Ouest.

Des jours meilleurs sont toutefois à prévoir. À moins d’un ajout estival, LeGuerrier sera l’automne prochain le doyen d’une brigade défensive qui comptera sur quatre vétérans de 19 ans.