MONTRÉAL – Au repêchage de 2018, Jesperi Kotkaniemi a attiré une immense partie de l’attention parmi les sélections du Canadien. Il restait quelques rayons de lumière pour la surprise d’Alexander Romanov. Ensuite, on a parlé de Jesse Ylonen, Jacob Olofsson, Cam Hillis et du volet local avec Samuel Houde. Jordan Harris a donc été choisi dans l’ombre de ces patineurs et il était loin de s’en plaindre. Aujourd’hui, il attire les réflecteurs à son tour grâce à sa progression fascinante.

Chronologiquement, Harris a été le sixième choix du club montréalais lors de l’événement tenu à Dallas. Près de deux ans plus tard, le 71e espoir repêché est désormais perçu comme l’un des plus beaux espoirs de l’organisation qui ne sont pas encore établis dans la LNH. Certains observateurs le classent même devant Alexander Romanov dont la cote a grimpé en flèche depuis.

Disons que le rapport qualité-prix de repêcher Harris en troisième ronde apparaît de plus en plus intéressant. Ce constat provient de trois sources sondées pour statuer sur sa progression, particulièrement durant la saison qui vient d’être avortée par la COVID-19. Il s’agit d’un recruteur affecté à la NCAA par une équipe de la LNH, son entraîneur et un journaliste sportif qui couvre régulièrement ses matchs.

«Sa valeur a définitivement monté. Les équipes font souvent ça deux ans après un repêchage, elles regardent l’évolution d’un joueur selon son rang de sélection. Les clubs, en majorité, seraient sans doute contents d’avoir Jordan avec eux plutôt que plusieurs joueurs choisis en deuxième ronde», a jugé ce dépisteur travaillant pour une équipe de l’Ouest.

Jordan HarrisDe nombreux mordus de hockey savent déjà que son année a été ponctuée par le but victorieux, en deuxième prolongation, au prestigieux tournoi Beanpot ce qui a conféré un troisième titre consécutif à l’Université Northeastern.

Ce souvenir précieux épate, mais sa deuxième saison au niveau universitaire impressionne surtout par le fait qu’il a déjà été en mesure de jouer un rôle névralgique au sein de la brigade défensive. La statistique n’est pas compilée officiellement par la NCAA, mais Harris aurait passé en moyenne de plus de 25 minutes par rencontre sur la patinoire étant opposé très souvent aux meilleurs éléments adverses.

«Il a connu une très bonne saison, sa constance était nettement meilleure cette année. En gros, il était clairement plus à l’aise dans ses habiletés de joueur cette saison que ce soit pour appuyer l’attaque, déplacer la rondelle ou sa fiabilité en zone défensive. Il a joué autour de 25 à 28 minutes par partie dans toutes les situations», a vanté l’entraîneur Jim Madigan qui n’était pas surpris par cette évolution marquée.

«Pas du tout, on s’attendait à le voir progresser ainsi et ça s’est concrétisé. Personne ne peut dire le contraire, c’est un patineur élite, digne de la LNH. Il a de superbes habiletés de patinage», a ajouté Madigan, un Montréalais qui dirigera ce programme pour une 10e année la saison prochaine.

À la suite des départs des vétérans Jeremy Davies et Eric Williams à la ligne bleue, Harris a brillé avec des responsabilités accrues, comme la première vague du jeu de puissance, dans une équipe assez jeune.

Il y a deux ans, on avait consulté Madigan à propos de Cayden Primeau, son protégé de l’époque devant le filet, et son niveau d’éloges avait été très semblable qu’envers Harris. On vous rassure tout de suite, il ne sort pas toujours le violon.

«Je dois dire qu’au retour du Championnat mondial junior, il a éprouvé de petits ennuis pendant environ deux semaines. Il l’a admis lui-même que son jeu n’était pas à la hauteur», a noté l’entraîneur qui préfère que ses joueurs ne s’adressent pas aux médias présentement.

Ça s’est replacé par la suite et l’accent a été mis sur une dimension intéressante pour l’avenir. Il prétend que le défenseur gaucher de 19 ans sera en mesure de s’impliquer encore plus offensivement.

«Je vois de la marge de manœuvre pour une progression à ce chapitre. L’an prochain, il sera sans doute notre premier défenseur sur le jeu de puissance. Il héritera de plus de responsabilités avec la rondelle et il finira par accomplir plus de jeux offensifs», a prédit Madigan qui aime son ardeur au travail.

Harris ne deviendra pas pour autant un joueur de ce profil dans la LNH.

«Il a beaucoup d’atouts, mais je ne prévois pas qu’il sera un défenseur clairement offensif dans la LNH. Je le vois plus comme un apport complémentaire offensivement dans une bonne équipe», a cerné le recruteur qui suivait son parcours quelques années avant le repêchage.

«Actuellement, son jeu est sans doute 70% défensif et 30% offensif. Avec la confiance qui se développera et l’évolution de son jeu, ça pourrait grimper à 60-40», a poursuivi cette source installée dans la région de Boston.

Gare à l’erreur de précipiter sa sortie universitaire

Avant même les répercussions de la COVID-19, le scénario semblait plutôt improbable, mais Harris aurait pu aboutir avec le Rocket de Laval pour terminer l’année. S’il a progressé de façon admirable jusqu’ici, une troisième saison avec les Huskies serait requise d’après les trois intervenants consultés. Jordan Harris

«Ce serait une grosse erreur de la part des Canadiens de Montréal et du joueur d’agir autrement. Quand tu regardes les joueurs de notre programme qui ont connu du succès dans la LNH, Josh Manson a joué trois ans et il était plus vieux à son arrivée. Matt Benning aussi et il est allé directement dans la LNH. C’est la même chose pour Jeremy Davies et il aurait pu faire le même saut avec les Devils, mais il avait moins de place avec les Predators où il a été échangé», a détaillé Madigan.

Le même constat s'impose pour Joshua Kummins, un journaliste qui suit de près le rendement des joueurs de Northeastern.

«Je dirais que rester une année de plus rapporterait des dividendes. Ce sont vraiment les joueurs de la crème de la crème qui quittent après deux ans», a jugé Kummins.

Cette troisième année procurera la réponse, mais elle s’annonce suffisante selon Madigan.

«S’il continue de grandir au même rythme, il sera prêt pour le prochain défi de la LNH. Primeau n’est resté que pendant deux ans, mais c’était un gardien et il a été très dominant. Jordan a aussi atteint un haut niveau, mais il peut encore plus progresser en restant universitaire que Cayden pouvait le faire», a soutenu son entraîneur qui dépeint Harris comme un merveilleux coéquipier car il est attachant, motivé, travaillant, humble et plutôt calme.

Quant au recruteur, il rappelle que ce cheminement n’aurait rien d’un détour considérant son âge.

«Disons qu’il joue une autre année universitaire et une saison à Laval ensuite, il n’aurait que 22 ans après ça. On l’aimait beaucoup avant le repêchage parce qu’il n’a pas de faiblesses flagrantes. Ça semble évident qu’il va jouer dans la LNH, même si je ne le vois pas sur le premier duo et peut-être pas comme troisième défenseur, mais il pourra passer de longues minutes avec succès sur la patinoire», a-t-il visé.

Bâti pour la LNH d’aujourd’hui grâce à sa mobilité, Harris tiendra aussi bon bout en vertu de son niveau de compétition élevé. Ce qui mène le recruteur à y aller de cette conclusion.

«Si Jordan faisait partie de notre organisation, je peux te confirmer qu’on serait très excités.»