Collaboration spéciale Charles-Félix Paquin / Sportlogiq

Depuis son arrivée dans la LNH, Alexei Emelin distribue les mises en échec aussi percutantes que spectaculaires, apportant ainsi une autre dimension au Canadien de Montréal via son jeu physique. Cette saison, le défenseur russe a même été promu sur la première paire défensive de la Sainte-Flanelle, lui qui fut pourtant bien souvent pointé du doigt ces dernières années. Aujourd’hui, même ses plus féroces détracteurs doivent admettre qu’il effectue un travail remarquable à la ligne bleue du Canadien, surpassant largement les attentes placées à son égard en ce début de saison. Alors, comment expliquer le succès d’Emelin?

Comptabilisant 107 mises en échec, Emelin est l’un des premiers de classe du circuit Bettman dans cette facette du jeu, ce qui n’a rien de surprenant. Sa réputation n’est plus à faire dans la LNH et ses adversaires n’ont pas d’autre choix que de patiner la tête haute lorsqu’il se trouve sur la glace, au risque de s’envoler cul par-dessus tête.

Théoriquement, une mise en échec n’a pas pour principal objectif d’arracher la tête de l’adversaire, mais d’enrayer l’attaque adverse en séparant le porteur et le disque. C’est exactement ce que fait Emelin, alors qu’il parvient à faire perdre possession de la rondelle à l’adversaire à l’aide d’une mise en échec à 1,3 reprise pour chaque tranche de 20 minutes jouées à forces égales, ce qui est bon pour le sixième rang de la LNH. Non seulement Emelin frappe souvent ses adversaires, mais ses mises en échec leur font perdre possession de la rondelle, ce qui est d’autant plus efficace.

Par sa robustesse, Emelin galvanise ses coéquipiers et intimide ses adversaires, pouvant changer à lui seul le momentum d’une rencontre, tout en électrisant les foules.

À son arrivée, Alexei Emelin semblait courir après la grosse mise en échec, question de faire la une. Il se trouvait alors souvent hors position, ce qui permettait à l’adversaire d’attaquer en surnombre. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, lui qui joue beaucoup plus intelligemment et qui attend le moment opportun pour frapper l’adversaire. Cela ne l’empêche pas pour autant de faire les faits saillants, comme ses récentes mises en échec à l’endroit de Joe Colborne et de David Pastrnak peuvent en témoigner.

Certains observateurs reprochent parfois à Emelin d’en mettre un peu trop, comme ce fut le cas en fin de troisième période contre le Colorado alors que l’issue du match était déjà tranchée, mais comme le souligne Michel Therrien, Alexei Emelin n’a qu’une seule façon de jouer au hockey. C’est sa nature et son principal atout.

Cette saison, Emelin ne se contente pas de frapper ses adversaires. Il est également extrêmement efficace au moment d’harponner le disque, réalisant cette action à 2,5 reprises pour chaque tranche de 20 minutes jouées à égalité numérique, ce qui est bon pour le premier rang chez le Tricolore et le quinzième rang chez les arrières du circuit. L’an dernier, il ne réalisait pareille action qu’à 1,5 occasion dans le même intervalle.

Ayant grandement amélioré cet aspect de son jeu, cela fait de lui un défenseur beaucoup moins unidimensionnel. Comme ses adversaires se méfient surtout de ses mises en échec et non de ses harponnages, Emelin arrive à les surprendre. Désormais, il n’est pas seulement une menace lorsque l’adversaire se trouve à proximité, utilisant davantage sa portée. Le résultat est le même que pour une mise en échec : l’attaque adverse est contrée, l’adversaire ayant perdu la possession du disque.

Emelin a toujours été reconnu comme un défenseur à caractère défensif et c’est davantage son jeu en possession de la rondelle qui lui a causé des ennuis par le passé. Cette saison, les choses ne se sont pas véritablement améliorées de ce côté, le 74 étant toujours aussi erratique. Même qu’il commet un revirement une fois sur trois lorsqu’il effectue un jeu en possession du disque, seul Markov affichant un pire taux de revirements commis. Cependant, Emelin est en mesure de limiter les dégâts à cet égard cette année, comme il garde son jeu simple.

En effet, il tente plus fréquemment que tout autre défenseur de dégager son territoire lors des sorties de zone (20,0% du temps), au lieu de transporter lui-même la rondelle ou d’organiser une contre-attaque via une passe. De même, lors des entrées de zone, Emelin préfère (84,9% du temps) rejeter la rondelle en fond de territoire pour que l’un de ses coéquipiers aille la récupérer en échec-avant, seul Pateryn exécutant cette action plus régulièrement que lui. Bref, lors des transitions, Emelin ne se casse pas la tête, ce qui lui évite de commettre un revirement coûteux pouvant mener à un surnombre.

Lorsqu’il se trouve en possession du disque en zone offensive, Emelin se contente d’envoyer le disque profondément en territoire adverse (70,1% du temps) en dirigeant un tir vers le but, souvent sans réelle intention de marquer, ou en lançant la rondelle vers un coéquipier dans un coin de patinoire. Comme Emelin ne fait pas dans la dentelle, il s’assure que l’adversaire ne lui soutire pas la rondelle ou qu’il n’intercepte pas sa passe pour filer seul vers le gardien.

En somme, la clé du succès d’Emelin est qu’il connait bien ses limites, ce qui est sans contredit un signe de maturité. Il est très efficace défensivement, ce qui lui permet de rendre de précieux services au Canadien. Quoiqu’il soit quelque peu maladroit en possession du disque, il parvient à limiter les dommages en jouant simplement. Un autre défenseur qui connait du succès par la simplicité de son jeu est son partenaire à la défense, Shea Weber, indice comme quoi cette recette a déjà fait ses preuves.