Tout se passait bien quelques heures avant cette écrasante défaite contre les Kings de Los Angeles. Les quelques joueurs présents dans le vestiaire en matinée étaient détendus. Les entraîneurs, toujours aussi concentrés sur ce qu'ils ont à faire en vue d'un match, peaufinaient quelques jeux durant un léger entraînement.

Bien sûr, on affrontait les champions de la coupe Stanley, il y a deux ans à peine, mais il n'y avait pas lieu de s'inquiéter. Après une récolte de 19 points sur un total possible de 20, tous les espoirs d'un autre gain à domicile étaient permis. Évidemment, ce n'est pas le discours que Michel Therrien et ses adjoints avaient tenu à leurs joueurs.

« Méfiez-vous, leur avaient-ils conseillé. Ce sont les Kings, l'une des puissances dans l'Ouest. Ils avaient insisté sur certains détails. Il fallait resserrer la défense, bloquer des tirs, éviter les revirements.

Le personnel d'entraîneurs, dont on fait rarement l'éloge quand les choses vont bien, a fait ses devoirs. Comme cela se produit de temps en temps durant une saison, le message n'a pas été entendu. Le cafouillage a été complet. Mais il fallait sans doute une bonne claque sur la gueule pour ramener tout le monde sur terre. Dommage pour Carey Price et Peter Budaj qu'on a laissé royalement tomber.

Cette défaite représente un message comme peu d'entraîneurs peuvent en refiler aux joueurs. Ils viennent de réaliser encore une fois qu'une longue série de victoires n'offre pas la moindre garantie.

Therrien et ses adjoints vont reprendre le même discours aujourd'hui. Puis demain avant le match contre les Flyers. Ils sont payés pour ça. Répéter et répéter encore. Ils vont retourner au tableau et revoir des scénarios de match que les joueurs connaissent fort bien.

Les hommes que Marc Bergevin a choisis pour diriger le Canadien ont effectué du bon boulot jusqu'ici. Contrairement à leurs joueurs, ils ne prennent jamais un jour de congé. Ils avaient mis des heures à préparer ce match qui a débouché sur une débâcle.

Deux ans après que Bergevin ait fait maison nette en remplaçant Randy Cunneyworth et Randy Ladouceur dont la fin de règne avait été catastrophique, les succès actuels du Canadien s'appuient sur des entraîneurs différents, mais qui se complètent bien. Therrien prend souvent des décisions heureuses. Il s'entend fort bien avec des adjoints à qui il accorde toutes les occasions de s'exprimer. Gerard Gallant, Jean-Jacques Daigneault, Clément Jodoin et Stéphane Waite ont tous des responsabilités distinctes. Les étonnants succès du Canadien ne sont pas attribuables au hasard. Le moins qu'on puisse dire, c'est que les choses cliquent entre eux.

« Je ne fais pas un one man show, dit Therrien. Ils sont tous très impliqués dans nos séances d'entraînement et dans les décisions qui sont prises. Je tiens à ce que chacun d'eux joue un rôle important. »

Dans une longue séquence fructueuse (Il s'agissait d'une première défaite à la régulière en 11 sorties), ceux qui dirigent le Canadien méritent de recevoir une bonne part de crédit. L'amateur de hockey s'enthousiasme à la suite des performances répétées de Carey Price et de Peter Budaj. Il n'en a souvent que pour P.K. Subban et Andrei Markov. Il aime les ruades spectaculaires d'Emelin et les buts à répétition de Max Pacioretty. Toutefois, derrière tous ces succès individuels, une somme de travail considérable est abattue dans l'ombre par des coaches qui sont vite blâmés quand l'équipe traverse d'inévitables périodes léthargiques. À quelques heures d'un test important contre les Kings, Jean-Jacques Daigneault n'était pas sur la glace pour l'exercice matinal. Il était occupé à analyser et à décortiquer la formation des Kings. Tous les adjoints accomplissent cette tâche à tour de rôle. Difficile de ne pas se sentir impliqué en pareilles circonstances.

Qu'est-ce que Therrien attend de ses adjoints? Que peuvent-ils lui apporter individuellement? Il ne se fait pas prier pour élaborer sur les responsabilités de chacun.

GERARD GALANT : « C'est un gars extraordinaire. Sa belle personnalité favorise ses relations avec les joueurs. Il sait communiquer avec eux. Il est responsable des attaquants. Il est très respecté en raison de ce qu'il a accompli durant sa carrière. Il comprend très bien ma situation puisqu'il a été entraîneur au niveau de la Ligue nationale (trois ans à Columbus) en plus d'avoir été adjoint (à Columbus et à Uniondale). Il a remporté deux championnats juniors et une coupe Memorial. Il a un jugement sûr dont je tiens compte. »

JEAN-JACQUES DAIGNEAULT : « Il est un bon enseignant. Je le connaissais déjà après avoir l'avoir côtoyé au niveau junior. Il a connu une belle carrière professionnelle. Ce que j'ai aimé de sa candidature pour un poste avec le Canadien, c'est qu'il avait fait ses classes comme adjoint pendant six saisons dans la Ligue américaine. Il obtient du succès avec les défenseurs. Sa principale responsabilité est notre jeu en désavantage numérique. C'est agréable de dialoguer avec lui. Nos liens passés rendent notre approche plus facile. »

CLÉMENT JODOIN : « Il donne l'impression d'être un homme plus effacé, mais c'est tout le contraire. Il est fort techniquement. C'est un passionné du hockey qui se rend en Europe durant la saison morte dans le but d'améliorer ses connaissances au contact des fédérations de hockey des autres pays. Il consacre tellement d'heures à son perfectionnement. Sa responsabilité est de superviser les unités spéciales. Il travaille de concert avec Gerard et Jean-Jacques. »

STÉPHANE WAITE : « Inutile d'insister sur les résultats qu'il obtient avec nos deux gardiens. Si nous connaissons autant de succès présentement, nous le devons à la fondation de notre jeu défensif. Notre façon de jouer permet d'expliquer en grande partie les succès de l'équipe, mais c'est assez évident que ça part d'abord de nos deux gardiens. »

Pour la chimie, il a fallu y mettre le temps

Au départ, il a d'abord fallu qu'ils apprennent à travailler ensemble. La cohésion ne s'établit pas du jour au lendemain entre un entraîneur qui était sans travail depuis trois ans et demi et des adjoints venus du junior (Gallant), de la Ligue américaine (Daigneault et Jodoin) et même d'une autre organisation de la Ligue nationale (Waite).

« La chimie entre nous n'a pas été difficile à installer, mais il a fallu y mettre le temps, explique Therrien. Tout ce qui trotte dans la tête d'un entraîneur doit se rendre dans celle de ses adjoints si nous voulons être sur la même longueur d'onde. Ils doivent en venir à penser comme moi. Par exemple, si une correction doit être apportée au jeu d'un joueur, il faut que Gallant comprenne exactement ce qu'il faut faire quand je regarde dans sa direction. Au début, je devais expliquer aux adjoints ce que j'attendais d'eux. Je n'ai plus à le faire. On se comprend au premier regard. Ce qui ne nous empêche pas de nous défier mutuellement sur le plan stratégique. Je me considère très chanceux de travailler avec des bons gars qui s'acquittent fort bien de leurs responsabilités », souligne-t-il.

Son mandat auprès des médias

Parmi la description de tâches de l'entraîneur, il y a l'obligation de rencontrer les médias quasi quotidiennement, d'octobre à mai. À Montréal, il y a beaucoup de monde à satisfaire et dans les deux langues de surcroît.

Les jours de match, l'entraîneur doit donc couper court à sa préparation afin de respecter cette tradition. Cette période de 15 à 20 minutes a l'air de rien, mais elle nécessite qu'il s'attarde sur les points chauds de la journée et qu'il prévoit les sujets sur lesquels on est susceptible de l'interroger. Il doit tenter d'expliquer ses points de vue et stratégies sans trop en dire.

C'est une obligation à laquelle Jacques Lemaire n'a jamais pu se soumettre. Il considérait qu'il n'avait pas à s'expliquer devant les journalistes. Il a préféré quitter l'équipe plutôt que d'avoir à se soumettre à cette obligation.

Therrien voit les choses différemment. Il affirme qu'il s'entretient avec le public par le biais des médias. « C'est comme ça que je considère cette tâche. J'admets que j'ai une perception différente du travail des journalistes après avoir moi-même travaillé dans les médias (il a été analyste à RDS) durant ma longue absence. Quand je prends place derrière le micro, c'est aux partisans que je m'adresse », conclut-il.