Il est facile de se servir d’une blessure importante à son gardien d’élite comme excuse pour justifier ses insuccès.

Je suis un de ceux qui adhèrent à la théorie que le Canadien a perdu à peu près toute chance de remporter le trophée des Présidents ou même de terminer au sommet de la division Atlantique dès le moment où il a perdu les services de Carey Price pour une durée indéterminée. Mais j’ai de la difficulté à croire que cette perte à elle seule ait pu faire chuter l’équipe d’une place en éliminatoires jusqu’aux bas-fonds du classement.

La dégringolade connue par le Tricolore, comme je suis sur le point d’en faire la preuve, est attribuable en partie à l’historique peu reluisant des clubs de Michel Therrien contre des formations de faible calibre.

Vers la mi-janvier, le Canadien était durement revenu sur terre, mais l’espoir n’était pas complètement perdu. Entre le match du 23 janvier face aux Maple Leafs de Toronto et la même journée en février, les Montréalais ont joué 12 matchs, dont 11 étaient contre des formations qui figuraient à l’extérieur du portrait des séries. Ces rencontres étaient non seulement cruciales; elles étaient aussi essentielles à ce que le CH reprenne du galon au classement.

On ne parle pas ici d’équipes se rapprochant d’une place dans le tournoi printanier. Il s’agissait notamment de deux duels contre les Blue Jackets de Columbus, et deux contre les Sabres de Buffalo, en plus de joutes face aux Leafs, aux Oilers d’Edmonton et aux Coyotes de l’Arizona. Au total, sur une récolte possible de 22 points, les hommes de Therrien n’en ont obtenu que 8 même si ils étaient opposés à de piètres rivaux. Le match face aux Oilers avait été le seul qu’on ait pu qualifier de « dominant », tandis que les trois autres gains du club avaient alors été acquis en tirs de barrage.

Ci-dessous, j’ai recensé les matchs du Canadien à partir du 20e de la saison 2015-2016. La raison pour ce choix n’est pas liée à la blessure subie par Price. Cela servira plutôt à en connaître suffisamment pour que l’on puisse identifier lorsqu’une équipe fait face à un adversaire de qualité ou un adversaire plus faible. Évidemment, si on avait utilisé le 5e match comme point de référence, c’eut été plus complexe car il n’existait pas de grands écarts de points entre les 30 formations au classement.

Comparatif du Canadien en 2015-16Une barre au-dessous du zéro indique que le Canadien était opposé à un adversaire de plus faible calibre. Par exemple, la première barre à l’extrême-gauche permet d’observer que le CH  possédait 11 points d’avance sur les Coyotes lors du 20e match de la campagne. À l’opposé, une barre sous zéro représente un rival qui devançait Montréal au classement à ce stade de la saison. La couleur utilisée pour chaque barre fait référence au résultat des matchs : du vert pour les victoires, du rouge pour les revers et du jaune pour les défaites en temps supplémentaire.

La séquence de 12 matchs dont il était question plus haut dans le texte est illustrée avec un carré bleu. C’est durant cette partie de la campagne que le Canadien est passé de candidat à se refaire une place en séries à adversaire qu’il est facile d’affronter. À preuve, au classement, le CH était devenu l’équipe la plus faible lors de ses affrontements face aux Hurricanes de la Caroline, l’Avalanche du Colorado et les Flyers de Philadelphie.

Il est permis de se demander : Michel Therrien a-t-il quelque chose à voir avec tout cela? Arrêtons de nous concentrer sur la séquence de 12 parties pour quelques instants et reportons-nous au tout début de la saison. Quelles équipes avaient infligé au CH ses premiers revers après neuf victoires d’affilée? Les Canucks de Vancouver et les Oilers, bien sûr! En fait, six des sept premières défaites encaissées par l’équipe montréalaises sont survenues aux mains d’équipes qui allaient éventuellement être exclues des éliminatoires.

Comparatif entraîneurs LNHEn voyant cette particularité, je me suis demandé si historiquement, l’entraîneur-chef du Canadien avait connu des difficultés face à des formations qui, normalement, devraient s’avérer des proies faciles.

Le deuxième graphique se penche sur le dossier de tous les entraîneurs actifs de la LNH qui ont affronté au moins 40 fois en carrière un club possédant moins de points au classement au 20e match ou après le 20e match de la saison. J’ai calculé le nombre moyen de points récoltés durant ces joutes, et on observe que Therrien ressort du lot puisqu’il fait partie du dernier quartile.

Spéficiquement, Therrien affiche une moyenne de 1,17 point par match depuis la saison 2005-2006 dans un tel contexte. Le résultat ne diffère pas vraiment entre ses années à Pittsburgh (1,15) et ses années à Montréal (1,18).

Je me suis ensuite demandé s’il y avait eu une fluctuation d’une saison à l’autre. C’est à cette facette que s’intéresse le troisième et dernier graphique.

Comparatif Michel TherrienComme on peut le constater, durant ses deux derniers séjours dans la LNH, il y a eu une chute soudaine et drastique. Je me demande même si le congédiement de Therrien vers la fin du calendrier en 2008-2009 n’était pas lié à l’incapacité des Penguins de battre avec régularité les clubs figurant plus bas qu’eux au classement. Est-ce seulement une coïncidence que son remplaçant de l’époque, Dan Bylsma, montre la plus haute moyenne de points par match contre des équipes faibles parmi les instructeurs actifs?

Je ne suis pas en train d’affirmer qu’un licenciement en milieu de saison aurait propulsé le Canadien vers un long parcours éliminatoire, mais il d’en demeure pas moins que les similarités entre la saison que Michel Therrien vient de connaître et l’histoire de sa campagne 2008-2009 sont bien présentes.

Ces résultats sont-ils un indicateur d’une division entre entraîneur et joueurs dans le vestiaire? Cette analyse est directement liée à la capacité d’un entraîneur à motiver son club à performer, peu importe la qualité de l’opposition, sur un calendrier de 82 rencontres. Et après tout, nous n’avons pas d’autre choix que de remarquer qui figure avec Therrien tout au bas du graphique… Bien sûr, je parle ici de John Tortorella!

Maintenant que l’on sait que Therrien sera de retour derrière le banc à l’automne prochain, on est en droit de se demander si le CH parviendra à rebondir face à la nouvelle « cuvée » d’équipes de bas de classement, c’est-à-dire les formations qui seront de la course pour un choix de loterie en vue du repêchage. Ou à l’inverse, les difficultés de Therrien à mener les siens à des récoltes fréquentes de deux points face à ces clubs moins bien nantis représentera-t-elle à nouveau un problème qui pourrait raviver les critiques des partisans à son endroit?