Dans le sport, ce n'est pas toujours la justice qui prévaut. Cette défaite du Canadien est en un exemple frappant.

Le Canadien n'est pas la meilleure équipe sur la glace durant cette série, mais dans cette troisième défaite consécutive, il a été supérieur durant plus d'une cinquantaine de minutes.
Il a été meilleur que le Lightning, une formation bourrée de talent, parce qu'il a travaillé d'arrache-pied. Il a absolument tout donné, mais encore une fois, ce ne fut pas suffisant. Une chose est sûre, il ne méritait pas d'être assommé de cette façon à une seconde près de la prolongation.

Le talent de son adversaire a fait la différence. Vous avez vu comment Tyler Johnson s'est faufilé jusqu'à Carey Price pour marquer le but de la victoire? Il l'a fait parce qu'il a su que le jeu se déroulerait de cette façon. L'exécution a été parfaite. Il s'est présenté juste à temps pour capter la passe qui lui était destinée. Ils sont confiants les joueurs de Jon Cooper parce qu'ils ont souvent frappé comme l'éclair cette saison. Ils sont à l'image de leur nom.

Pendant toute la soirée, les attaquants du Canadien ont frappé à la porte, mais ils ne possèdent pas ce qu'il faut pour réussir le type de jeu qui a mené au huitième but des séries de Johnson. La rondelle s'est promenée constamment de droite à gauche devant le filet de Ben Bishop qui, étendu sur la glace, semblait parfois vulnérable. Heureusement pour lui, il faisait face à des adversaires pas très reconnus pour la dextérité de leurs mains.

Au cours des dernières années, quand on regardait deux grandes équipes faire les frais d'une finale spectaculaire, on comprenait à quel point il manquait des éléments au Canadien pour se hisser jusque-là. Malgré les beaux discours et les prévisions optimistes des dirigeants de l'équipe, on réalisait que l'équipe était encore très loin d'une coupe Stanley avec des joueurs pas suffisamment talentueux, pas assez costauds. Toutes les formations possédaient des centres plus gros et plus forts physiquement que ceux du Canadien.

Cette année, malgré une production de 110 points et une deuxième position au classement général, on peut tirer exactement la même conclusion. Non seulement l'équipe ne franchira pas la deuxième ronde, mais elle risque de se faire sortir de la compétition comme si elle était une formation de second ordre. Une équipe qui, soit dit en passant, est passée très près de se faire éliminer dès le premier tour par les Sénateurs d'Ottawa.

Encore une fois, ce rendez-vous raté laissera un goût amer dans la bouche des partisans dont l'extrême soif de victoires ne sera pas étanchée. On prétendra sûrement que le Canadien aurait dû remporter les premier et troisième matchs, mais chaque fois, il lui a manqué ce petit quelque chose capable de faire la différence. Certes, le Canadien a joué de malchance hier soir en touchant le poteau à trois occasions, mais dans un match au cours duquel il n'a vraiment rien laissé dans le réservoir, c'est du côté du Lightning qu'on a vu la crème remonter sur le dessus.

Jon Cooper, s'il a été grandement soulagé du résultat, n'en a pas été vraiment étonné. Des retours du même genre, ses joueurs en ont réussi plusieurs cette saison. Pendant que les deux dernières minutes du match s'égrenaient lentement, il a admis honnêtement qu'il s'attendait à ce que quelque chose de positif se produise. Le tonnerre a frappé avec une seconde à jouer. Une toute petite seconde qui a réglé le sort d'une saison.

Un but n'efface pas tous les doutes

Tout cela après que le Lightning, de l'aveu même de son entraîneur, eut joué défensivement durant 52 minutes. Cooper aurait pu ajouter que son équipe s'est défendue de cette façon parce que le Canadien l'a attaquée sans relâche.

Le but de Brendan Gallagher, de loin le joueur le plus inspirant de son équipe encore une fois, n'a fait qu'étirer le suspense et générer un brin d'espoir car même si ses coéquipiers et lui continuaient d'assiéger le territoire défendu par Bishop, on n'était pas pleinement convaincu que ça se terminerait bien. C'est si laborieux pour eux de marquer un but qu'on n'était pas confiant qu'ils puissent en inscrire un deuxième.

C'est une situation qui oblige Carey Price à travailler dans des conditions épouvantablement difficiles. Quand on égale péniblement la marque, comme cela s'est produit hier soir, il sait qu'il est condamné à fermer la porte, sans quoi, c'est la défaite. Les marges de manoeuvre, il n'a pas connu cela souvent cette saison. Pourquoi pensez-vous qu'on lui remettra une ribambelle de trophées? Toute la ligue a vu ce qui s'est passé à Montréal. Toute la ligue sait que ses coéquipiers ont passé la saison accrochés à sa culotte pour éviter le pire.

Son vis-à-vis effectue du bon boulot, mais il ne vit pas le même genre d'enfer. La victoire du Lightning ne dépend pas uniquement de Bishop qui est toutefois mieux armé pour la guerre. Il est toujours possible pour lui de s'en tirer, comme on vient de le constater encore une fois. À Tampa, le héros n'est pas toujours le même, mais au moins, il y a toujours un héros.

C'était la dixième victoire consécutive de Bishop contre le Canadien. Jusque-là, seul Martin Brodeur avait réussi à battre l'équipe de sa ville natale neuf fois de suite. Sans vouloir lui enlever le crédit qui lui revient, Bishop n'a pas réussi cet exploit parce qu'il a été miraculeux à chaque occasion. Il l'a fait parce qu'il a souvent été secondé efficacement.

Il y a eu un mince écart de deux points entre les deux équipes cette saison. Cependant, cette série est en train de faire la preuve que Tampa, contrairement au Canadien, peut logiquement aspirer à la coupe Stanley dès cette année.

Du pain sur la planche

C'est fou la somme de travail qui attend Marc Bergevin au cours de l'été. On ne peut pas toujours claironner qu'on avance lentement mais sûrement vers la coupe quand la fin ne soutient pas ce genre de commentaire. Bien sûr, Bergevin, Geoff Molson et Michel Therrien n'ont jamais promis une coupe Stanley en 2015, mais on était en droit de s'attendre à une bien meilleure prestation en séries.

Le Canadien a réussi une saison de 110 points pour la première fois en 26 ans. Ça crée des attentes légitimes un succès aussi imprévisible que celui-là. Cette saison étonnante, on sait tous à qui on la doit. Le Canadien ne pourra pas toujours s'en remettre à un joueur pour pouvoir s'afficher parmi les grands.

Le Canadien en est là. Il a battu Ottawa de peine et de misère et il est en train de se faire lyncher par une machine de hockey qui lui est supérieure. Quand on perd huit matchs consécutifs contre la même formation durant une saison, on ne peut pas parler de malchance.

Il y a des brèches à colmater, des vides à remplir. Les chiffres sont criants de vérité dans les séries. Un but en 28 supériorités numériques. Huit buts accordés à court d'un joueur. Une moyenne de moins de deux buts par match.

Connaissant Bergevin, il prend des notes. Il y aura des changements. Il faut qu'il y en ait. L'heure n'est plus au rapiéçage qui consiste à saupoudrer des plombiers ici et là pour aller au plus pressant. Des marginaux qui représentent, disent-ils, de la profondeur.

De la profondeur, il y en a déjà pas mal. C'est le talent qui n'est pas suffisant.