Nathan MacKinnon et Jonathan Drouin : deux mondes
Canadiens mercredi, 24 avr. 2019. 09:25 vendredi, 13 déc. 2024. 23:39Si l’Avalanche du Colorado participe aux séries éliminatoires, elle le doit en bonne partie à Nathan MacKinnon. Si l’équipe a causé toute une surprise en éliminant les Flames de Calgary, champions dans l’Association Ouest, c’est aussi grâce à Mackinnon, le général et la source d’inspiration de la formation.
Le flamboyant marchand de vitesse est maintenant parmi les attaquants les plus rapides et les plus excitants de la Ligue nationale. Quand il s’empare de la rondelle et qu’il bat tout le monde de vitesse en ridiculisant les défenses adverses, il est de la classe de Connor McDavid, qui, lui, n’arrive pas à faire entrer ses Oilers en séries.
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Chaque fois que j’assiste à son spectacle, le nom de Jonathan Drouin me revient à l’esprit. Ces deux-là ont été les vedettes incontestées de la Ligue junior majeur du Québec durant leur stage junior. En unissant leurs efforts, ils ont conduit les Mooseheads de Halifax à la conquête de la coupe Memorial. Mackinnon a été le joueur par excellence de ce tournoi, pas très loin devant Drouin.
À l’occasion du repêchage de la Ligue nationale en 2013, on ne s’était pas posé trop de questions. Ils étaient assurés d’être réclamés parmi les trois premiers, ce qui a été confirmé quand MacKinnon a été le choix numéro un et Drouin le troisième, par le Lightning de Tampa Bay. On n’aurait même pas été étonné si leurs positions avaient été inversées tellement leur talent semblait similaire. D’ailleurs, sur la liste des recruteurs de l’Avalanche, MacKinnon, Drouin et Alexander Barkov étaient les trois premiers attaquants, dans l’ordre.
Alors, comment expliquer que Mackinnon soit devenu une superstar et que Drouin ait vu son temps de jeu diminuer d’une façon alarmante à Montréal en fin de saison. Certains prétendent qu’il a connu une saison satisfaisante sous prétexte qu’il a amassé 53 points après une maigre récolte de 46 points l’année précédente. Foutaise! Ses 53 points égalent sa meilleure production en carrière alors que MacKinnon vient de se payer des saisons de 97 et 99 points.
Qu’est-ce qui fait que MacKinnon explose sur la glace pendant que Drouin n’arrive pas à justifier le talent qui fait de lui l’attaquant le mieux rémunéré du Canadien? Qu’est-ce qui fait que Drouin, le meilleur joueur junior au Canada en 2013, n’arrive toujours pas à répondre aux attentes à 24 ans? Il ne peut pas y avoir une différence aussi marquée entre deux athlètes de talent quasi identique sans qu’il y ait une raison quelque part.
L’opinion d’un recruteur
J’ai demandé à un recruteur, qui a vu une bonne trentaine de parties de ces deux joueurs dans l’uniforme des Mooseheads, s’il y voyait une explication. Par définition, ces gens-là ne se contentent pas uniquement de regarder patiner les plus beaux espoirs du hockey professionnel. Ils sont généralement assez bien renseignés sur leurs forces et leurs faiblesses, sur leur comportement général hors glace et parfois même sur leurs antécédents familiaux. Ils ont des informateurs dans tous les arénas de la ligue. Leurs informations vont bien au-delà des habiletés naturelles des athlètes.
Pour des raisons qu’on peut comprendre, cet informateur tient à conserver l’anonymat. À la suite des informations qu’il a pu colliger à l’époque, il n’écarte pas complètement l’hypothèse que l’environnement familial des deux joueurs ait pu jouer sur leur caractère respectif. Selon lui, Drouin a été un jeune dorloté à la maison. Ses parents l’ont encouragé, protégé, couvé. Il a probablement entendu que c’était lui le meilleur. Rien de très anormal comme comportement. La majorité des parents sont les plus grands fans de leurs fils? Mackinnon, de son côté, a toujours dû travailler fort pour tout ce qu’il a obtenu. Ses parents n’étaient pas aveuglément à ses genoux, semble-t-il.
« Tous les deux ont eu 17, 18 et 19 ans en même temps, souligne le dépisteur. Pourquoi un joueur est-il aujourd’hui plus mature que l’autre? Faut peut-être remonter aux sources. La situation familiale d’un athlète a un impact sur sa carrière professionnelle beaucoup plus que les gens peuvent l’imaginer. »
Cet homme de hockey reconnaît par ailleurs que rien n’était compliqué pour Drouin dans les rangs juniors. Son talent était si évident que tout lui semblait facile. MacKinnon, qui devait travailler plus fort pour réussir les mêmes patrons de jeux, semblait animé d’un plus grand désir de réussir. Personnellement, c’est MacKinnon qu’il aurait recommandé à ses patrons parce qu’il était un centre capable d’une plus grande créativité. Cependant, l’aspect francophone contribuait davantage à mettre Drouin en lumière au Québec.
Aucun problème d’attitude n’a été noté chez Drouin durant son stage junior. Par contre, on le trouvait suffisant, un peu au-dessus de ses affaires, comme on l’a constaté à Tampa et comme on le voit aujourd’hui au sein du Canadien.
« Il faut tenir compte de ce que l’entourage d’un joueur lui apporte, ajoute le recruteur. Jonathan a reçu une éducation familiale et a été formé par divers entraîneurs, mais on ne peut pas ignorer l’impact que son agent a pu avoir sur lui. Parfois, un conseiller doit être capable de dire à son client que "assez, c’est assez". Il y a des agents qui sont toujours d’accord avec les agissements de leurs joueurs. Éventuellement, le joueur frappe un mur. »
MacKinnon pète le feu
Au Colorado, MacKinnon pète le feu. Il a pris personnellement l’engagement de réussir et surtout d’y mettre l’effort pour y arriver. À Montréal, Drouin arrivait à peine à s’élever au-dessus d’un troisième trio dans les derniers moments de la saison. Jean Béliveau a souvent répété que le talent n’est rien s’il n’est pas jumelé à l’effort. Si personne n’a réussi à le convaincre de cela à son âge, il sera peut-être difficile de le ramener à la base.
Dans son bilan de la saison, Marc Bergevin a mentionné que l’équipe allait fournir à son joueur controversé tous les éléments pour lui permettre de réussir la saison prochaine. Pourquoi, diable, ne l’a-t-on pas fait cette saison pendant qu’il s’enlisait sans qu’on en connaisse les raisons? Il a disputé 49 parties sans obtenir un seul point. Juste un but par-ci, par-là, ou juste trois ou quatre buts en supériorité numérique lui auraient probablement permis d’assurer à son équipe une participation aux séries.
Pendant ce temps, MacKinnon conserve encore des chances réalistes de boire dans la coupe Stanley. Même talent, mais une attitude et un parcours tellement différents.